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Longtemps, la voiture fut le symbole de la puissance américaine. Elles étaient belles et grandes, elles symbolisaient la liberté, les grands espaces et elles étaient pilotées par les idoles cinématographiques : James Dean, Steve McQueen, tant d’autres. La voiture était la synthèse des deux piliers de la puissance américaine : la puissance industrielle, dont Ford et General Motors étaient les dignes représentants, et la puissance culturelle, par les films, les symboles, les images, dont le cinéma fut l’un des vecteurs essentiels.
Rêve pour les pauvres, qui espéraient pouvoir se déplacer librement, sans contrainte, entre amis ou en famille, c’est au moment où la voiture est devenue plus sûre, plus fiable et accessible à tous, qu’elle fut frappée d’interdit. Peut-être parce que les ouvriers et la classe moyenne se hissaient avec elle au même niveau que les classes élitaires. La voiture fait toujours rêver, mais il est interdit de rêver à voix haute et l’on imagine mal désormais des road movies comme Sideways(2004) à travers les vignes de Californie ou Il Sorpasso (Le Fanfarron, 1962) où le jeune Jean-Louis Trintignant est trimbalé à travers les routes italiennes. Fini les paysages qui défilent et les discussions à contre-vent. La voiture est toujours un symbole, mais un symbole que l’on veut désormais honteux.
La Chine et le rêve automobile
Rien de tout cela en Chine, qui bâtit patiemment sa puissance industrielle, à défaut d’avoir encore, pour l’instant, une puissance culturelle qui crée en Europe un rêve chinois.
En quelques années, la Chine est devenue l’une des grandes puissances automobiles du monde, investissant massivement dans le véhicule électrique dont elle maitrise l’ensemble du processus.
Plusieurs entreprises chinoises, certaines liées à l’État, d’autres plus indépendantes, sont arrivées sur le marché européen au cours des dix dernières années. Certaines ont racheté des marques européennes en déshérence, comme SAIC (Shanghai automotive industry corporation) qui a repris MG, dont le nom et le logo évoquent l’ancienne voiture anglaise et non une voiture chinoise. SAIC est l’entreprise automobile numéro 1 en Chine avec 7,2 millions de véhicules vendus. En 2022, MG a vendu 12 000 véhicules en France, un chiffre encore très modeste, mais en croissance. Une croissance facilitée par l’entêtement de Paris et de Bruxelles à vouloir imposer le véhicule électrique, c’est-à-dire la voiture chinoise. Seul Carlos Tavarès a régulièrement le courage de dénoncer ce suicide industriel et politique, sans être véritablement entendu.
Huawei à la conquête de l’auto
Huawei fait un retour fracassant sur le marché de la tech et de l’industrie. Après les sanctions imposées par les États-Unis, beaucoup pensaient que l’entreprise chinoise ne pourrait plus être compétitive, voire qu’elle devrait s’orienter vers d’autres secteurs économiques. Or début septembre, sans aucune publicité et à la surprise générale, elle a sorti un nouveau smartphone, le Mate 60 Pro, qui est en mesure de rivaliser avec les meilleurs Apple. Surtout, pour sortir ce modèle, Huawei a réussi à s’approvisionner en micro-conducteurs, chose normalement impossible avec les sanctions américaines. Preuve, une fois de plus, que les sanctions économiques ne fonctionnent pas, et que la Chine dispose de solide ressort.
À peine remis de cette sortie remarquée dans le monde des smartphones, voilà que Huawei récidive, mais cette fois-ci dans le secteur automobile. Associé à Chery Automobile, Huawei annonce la mise sur le marché d’une voiture de luxe, pour le mois de novembre, dont l’entreprise promet qu’elle sera supérieure à la Tesla S. baptisée Luxeed, cette voiture est, selon la présentation de la marque, « un mariage entre la puissance technologique de Huawei et la force de production de Chery ». Luxeed est une marque co-lancée par Chery et Huawei, associant ainsi le savoir-faire automobile au savoir-faire technique. Un peu comme si Apple et Ford s’associaient pour produire un véhicule. Le communiqué de lancement annonce une conduite autonome, un stationnement automatique et des commandes vocales.
C’est en 2021 que Huawei a lancé ses premières applications pour l’automobile. Désormais bien implantée, l’entreprise multiplie les partenariats avec les constructeurs chinois, notamment pour créer des puces et des capteurs qui permettent aux voitures de se connecter à internet et entre elles.
Toutefois, si les voitures électriques chinoises sont en train de percer sur le marché européen, en Chine, Tesla est leader pour les voitures électriques haut de gamme. Une place de numéro 1 qui est désormais convoitée par de jeunes pousses chinoises qui rêvent de détrôner l’entreprise américaine. Et pourquoi pas, un jour, accoster sur le marché américain.
L’ambiguïté allemande
Les constructeurs allemands sont eux aussi très présents en Chine, et depuis longtemps. Leurs modèles trouvent un marché conséquent, attiré par la qualité et le luxe des Mercedes et des BMW. La marque bavaroise s’est associée au début des années 2000 avec l’entreprise chinoise Brilliance Auto pour donner BMW Brilliance. Une entreprise particulièrement bien vue par les autorités locales de Shenyang, où le siège et les usines sont implantés, puisque durant les confinements, alors que beaucoup d’usines avaient été contraintes de stopper leur production, BMW Brilliance fut placée sur la liste blanche des usines autorisées à continuer à produire, ainsi que ses fournisseurs. Les mauvaises langues pourront toujours faire remarquer que les caciques du Parti ne voulaient pas être privés de leur voiture et être livrés à temps. En URSS comme en Chine, les apparatchiks conservent leurs privilèges.
Mais la Lune de miel de la Chine et de l’Allemagne pourrait se briser sur le dossier des subventions de l’UE aux véhicules électriques. La Commission vient en effet de se rendre compte que les subventions octroyées aux particuliers pour acheter des véhicules électriques servaient en priorité l’industrie chinoise puisque c’est eux qui possèdent les voitures au meilleur rapport qualité / prix. Une enquête est en cours, qui pourrait aboutir à une hausse des tarifs douaniers à l’encontre des voitures chinoises. Ce qui pourrait conduire Pékin à sanctionner les voitures allemandes en retour. Il ne serait nullement surprenant que, pour sauver son industrie automobile, l’Allemagne fasse capoter l’enquête. Assez facile quand on contrôle les rouages de l’institution européenne. D’autant que les liens entre Olaf Scholz et Xi Jinping sont très bons, surtout quand il s’agit de faire des affaires. Les autorités chinoises ont-elles aussi dénoncé cette mentalité de protectionnisme, appelant à une libre circulation des biens et à l’abaissement des barrières douanières. Un message qui est bien reçu à Berlin, un peu moins à Paris. Dans cette bataille automobile, la France pourrait être, une nouvelle fois, le dindon de la farce.
Institut des Libertés