. « 1.800 € sans bosser, vive la France ! » : petit manuel de fraude sur YouTube

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Articles     : Sept 2023Aout 2023Juillet 2023Juin 2023 – Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100069673161887 Twitter : https://twitter.com/OrtfNews

« Je suis handicapé sur le papier, mais je vous rassure, je suis en très bonne santé. » Face caméra, Mertel B., un influenceur en quête de buzz, se vante de frauder l’allocation adulte handicapé (AAH), en principe réservée aux personnes en situation de handicap qui ne disposent pas de revenus d’activité. Cette vidéo, exhumée par le militant Damien Rieu et désormais supprimée de YouTube, qu’elle se veuille humoristique ou simplement cynique, révèle les nombreuses failles du système social français.

Méthode pour frauder

« Je vais vous avoir l’AAH même si vous êtes en bonne santé. » En quatre minutes seulement, Mertel expose comment détourner l’AAH et, ainsi, percevoir 971 euros par mois, versés par la caisse d’allocations familiales (CAF), « sans rien foutre » (sic). Pour cela, il conseille d’abord de se rendre chez « un bon médecin qui te fera un bon certificat qui va dans ton sens ». Pour trouver de tels professionnels de santé peu ou pas regardants, l’influenceur conseille d’aller « en banlieue ». Une fois le rendez-vous médical pris, Mertel recommande à ses abonnés de « s’arranger » avec le médecin afin de faire valoir un « handicap invisible », comme le handicap psychique. Lui confie avoir « manipulé » son médecin pour obtenir un certificat de complaisance. Et contre 300 euros, il propose d’aider ses abonnés à faire de même. Ensuite, une fois le certificat en poche, il ne reste plus qu’à envoyer sa demande et attendre que l’argent tombe.

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Loin de s’arrêter là, Mertel, spécialisé dans le e-commerce optimisation fiscale, se vante de cumuler l’AAH avec l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et les aides personnalisées au logement (APL). « 1.800 euros qui tombent par mois, sans bosser. Vive la France ! » se réjouit-il. Et de s’en prendre avec arrogance à « ces crétins de salariés [qui] vont bosser pour payer mon AAH ».

Cette courte vidéo, déjà visionnée plus d’un million de fois sur X (anciennement Twitter), n’a pas manqué de faire réagir. « Écœurant », s’indigne Marion Maréchal, qui accuse Mertel de cumuler 1.800 euros par mois « sans rien faire sur le dos des travailleurs français ». « Un influenceur qui revendique haut et fort son mépris des travailleurs qui cotisent pour lui payer ses allocations handicapé », dénonce, pour sa part, Charles Prats, auteur de plusieurs ouvrages sur la fraude sociale. Et Pascal Praud de réagir, ce 19 septembre, à l’antenne : « Moi je veux bien payer les impôts mais je sais que l’argent est mal utilisé. »Manque de contrôleAu-delà du cas personnel de cet influenceur, cette vidéo révèle les failles du système français. Système dans lequel un simple certificat de complaisance permet de frauder. Déjà, en 2019, la Cour des comptes s’inquiétait du manque de contrôle concernant l’AAH. En cause, tout d’abord, une définition non objectivable du handicap englobant à la fois une « altération fonctionnelle » et des « facteurs sociaux et environnementaux ». Désormais, « une altération d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques peut permettre de percevoir l’AAH ». Une définition large qui permet à certains de contourner intentionnellement le droit.L’examen du dossier, ensuite, qui est réalisé dans 82 % des cas « exclusivement sur dossier, sans entretien avec le demandeur, contact ou visite » empêche de détecter les fraudes intentionnelles, notent les experts de la rue Cambon. Enfin, la répartition des compétences entre la maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) qui gère l’expertise et la CAF qui contrôle l’éligibilité entraîne « l’existence d’un angle mort en matière de lutte contre le recours frauduleux à l’AAH ».Si l’AAH n’est pas la prestation la plus sujette à la fraude – elle représente 1,2 % des fraudes, soit 5,9 millions d’euros, contre 315,4 millions d’euros de versements frauduleux au titre du RSA -, son contournement montre les fragilités du système social français. Au printemps dernier, le gouvernement a promis de mettre en place un plan de lutte contre la fraude sociale. Il est désormais temps que l’exécutif passe à l’acte.

Clémence de Longraye, Boulevard Voltaire

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