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Pendant plusieurs jours, les médias mainstream, en particulier ceux du « service public », ont répété la possibilité de s’inscrire avant le 24 janvier afin de participer au vote organisé par un mouvement intitulé « La primaire populaire » pour désigner un candidat commun de gauche à l’élection présidentielle d’avril 2022. Cela aurait fait exploser le nombre d’inscrits qui seraient de 467 000 selon les organisateurs. Mais qui sont-ils et quelle est l’histoire de ce mouvement qui prétend se substituer au jeu traditionnel des partis institutionnels de gauche ?
Samuel Grzybowski, directeur et porte parole, un militant catholique de longue date
Fils de de Laurent Grzybowski, journaliste à La Vie, hebdomadaire catholique, Samuel Grzybowski, après avoir fréquenté l’école primaire privée Saint-Charles à Paris XV°, puis le collège Notre-Dame de Sion, a passé une licence d’histoire et une licence de sciences politiques à Panthéon-Sorbonne en juillet 2013. En août, il suit un cours en entrepreneuriat social et médiation interculturelle dans un cycle financé par la fondation Edmond de Rothschild.
Très engagé très jeune dans divers mouvements catholiques, dès novembre 2008, il crée un groupe interreligieux de jeunes, en rentrant du Train de la Mémoire à Auschwitz.
En 2009, refusant l’importation du conflit israélo-palestinien en France, il fonde l’association Coexister. Sa deuxième opération Ensemble à Sang% réunit plus de 1 000 participants. La Croix le considère comme un des« dix jeunes qui font bouger l’Eglise de France ».
En 2011, le père Patrick Desbois l’inscrit dans la délégation de l’Église catholique lors de la rencontre avec l’International Jewish Committee for Interreligious Consultation au sein de l’International Liaison Committee. Le 25 octobre, il siège à la Conférence générale de l’Unesco parmi les représentants de l’ONG « Religions for Peace ».
Il a créé l’association YOUCOUN en octobre 2011, dont le but est « la célébration, la compréhension et la promotion du concile Vatican 2 » auprès des jeunes. Elle sera officialisée le 11 octobre 2012 lors d’une réunion de la Conférence des évêques de France.
En octobre 2015, il ouvre un cabinet de conseil « Convivencia Conseil ». Son objet est de : « Former, conseiller, accompagner les entreprises dans la gestion du fait religieux et de la laïcité ».
Depuis 2019, il donne des cours à Sciences Po Paris sur l’économie sociale et solidaire.
Mathilde Imer, porte parole, une figure de la mouvance écologiste
Mathilde Imer a étudié la biologie et les relations internationales. S’intéressant beaucoup aux questions environnementales et sociales, elle a participé au programme Engage University, dont l’objet est d’appréhender les transformations sociétales. De mêm, elle milite dans des associations écologistes
En 2015, lors de la COP21, elle travaille avec Laurence Tubiana qui estime qu’elle « incarne le refus du renoncement et la volonté de tenir ensemble 3 exigences : l’écologie, justice sociale, et la revitalisation de la démocratie».
En 2018, Mathilde Imer est une animatrice du collectif des « Gilets citoyens », composés de gilets jaunes, de militants écologistes et des acteurs de l’innovation démocratique. Cette mobilisation pour concilier écologie et justice sociale débouchera sur la Convention Citoyenne pour le Climat voulue par Emmanuel Macron.
En 2020, Mathilde Imer devient membre du comité de gouvernance de la Convention Citoyenne pour le Climat. Elle joue un rôle important dans son organisation, dont elle a négocié avec l’Élysée les modalités et les garanties.
De 2019 à 2021, elle occupe le poste de coprésidente de Démocratie Ouverte, dans l’objectif de « régénérer les institutions ».
La généalogie de cette « primaire populaire »
C’est un collectif » Rencontre des justices « , regroupant des militants écologistes, féministes et antiracistes, qu’on pourrait rapprocher de la mouvance de gauche radicale dite « Woke », qui lance le projet en espérant être soutenu par tous les partis de gauche du Parti socialiste au Nouveau parti anticapitaliste et susciter une candidature commune à gauche.
Deux étapes sont prévues pour organiser cette primaire :
- un parrainage en ligne de participants potentiels, commencé en juillet 2021, normalement achevé en octobre 2021,
- un vote du 27 au 30 janvier 2022.
Auparavant est prévue l’écriture d’un programme auquel candidats et électeurs devront adhérer.
Pour la mise en oeuvre, une association « 2022 ou jamais », est créée en février 2021. Mathilde Imer en est la vice-présidente et Samuel Grzybowski en est le directeur politique. Ils sont tous les deux porte-parole. La sociologue Dominique Méda est membre du bureau. Des groupes locaux seront mis en place avec les élections législatives en vue.
Pierre Larrouturou de Nouvelle Donne, Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale et Sandrine Rousseau d’EELV adhérent à ce projet dès l’origine.
Le programme, premier objet de dissension
Les organisateurs affirment avoir repris les revendications des mouvements sociaux compatibles avec les programmes des partis concernés.
Selon Le Canard Enchaîné, certains le contestent : « LFI assure n’avoir rien validé du tout, la Gauche Républicaine et socialiste non plus et le bureau national du PS n’a pas voté sur ce fameux socle commun » de même que : « la sortie du nucléaire en 2050 n’a jamais été votée par le PCF » alors que ce programme propose : « la planification de la sortie du nucléaire d’ici à 2050 ».
Ce programme ayant été retiré du site en novembre, combien des 467 000 électeurs l’auront lu avant de voter ?
Or celui-ci contient des propositions qui divisent profondément les partis et les militants de gauche et, donc, ne remplit en rien l’objectif de rassemblement claironné par les animateurs de l’association.
A titre d’exemple, en plus de la sortie du nucléaire, on peut citer le retrait des brigades d’intervention des quartiers populaires, la réquisition des logements vacants, l’interdiction de l’élevage intensif, l’augmentation des cotisations retraite, un référendum sur l’écriture inclusive, l’interdiction de la corrida et de la pêche au chalut, des journées « environnement et citoyenneté » obligatoires pour tous les plus de 18 ans.
Le vote des parrainages
Le 1er juillet 2021 est annoncé le processus de parrainages citoyens avec deux possibilités pour les votants :
- « proposer d’eux-mêmes des noms » ensuite retenus à partir de 500 soutiens
- « approuver les candidats qui y sont déjà présents »
Le 9 juillet 2021, Samuel Grzybowski déclare que les 8 noms retenus sont « ceux qui ont participé à construire le socle », dont Yannick Jadot, Eric Piolle, Arnaud Montebourg, Anne Hidalgo, Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon. Au final douze noms sont retenus par les organisateurs. S’y ajoutent donc : Pierre Larrouturou, Sandrine Rousseau, François Ruffin, Gérard Filoche, Christiane Taubira et Gaël Giraud.
132 000 inscrits auraient participé à ce premier vote pour les parrainages, qui peuvent aller sur d’autres personnalités que celles retenues ci-dessus. Les résultats donneront le classement suivant :
- Christiane Taubira 34 600 parrainages
- François Ruffin 26 000 parrainages
- Pierre Larrouturou 14 500 parrainages
- Gaël Giraud 13 500 parrainages
- Clémentine Autain 10 500 parrainages
- Jean-Luc Mélenchon 9 500 parrainages
- Anne Hidalgo 6 500 parrainages
- Yannick Jadot 6 300 parrainages
- Charlotte Marchandise 1 700 parrainages
- Anna Aqued Porterie 800 parrainages.
Une déclaration de Samuel Grzybowski crée des remous
Le Canard Enchaîné a rendu publique le contenu d’une intervention vidéo de Samuel Grzybowski dans laquelle il déclarait : « Notre but est d’empêcher qu’Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Arnaud Montebourg, Yannick Jadot puissent avoir les 500 parrainages. ».Il ajoutait vouloir » faire chuter leurs côtes de popularité » en menant des opérations de critiques massives sur les réseaux sociaux et, ainsi, les empêcher d’obtenir leur financement bancaire.
L’association est alors dénoncée de n’être qu’un « instrument au service de Christiane Taubira ». Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon demandent que leur nom soit retiré du scrutin.
Les organisateurs de la primaire refusent : « aucun des noms des candidats ne sera retiré »
Le vote final
Pour y participer, l’électeur doit remplir cinq conditions:
- affirmer se reconnaître dans le socle commun;
- être de nationalité française;
- avoir plus de 16 ans;
- posséder les attributs numériques habituels (téléphone portable, numéro de téléphonie mobile et adresse email);
- détenir une carte bancaire française, afin de s’inscrire en ligne pour pouvoir voter.
Le 15 janvier les organisateurs présentent 7 candidats retenus: Anna Agueb-Porterie, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Pierre Larrouturou, Charlotte Marchandise, Jean-Luc Mélenchon et Christiane Taubira. Cependant, trois refusent d’y figurer : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, et Jean-Luc Mélenchon.
En effet, PS, EELV, LFI et PCF ont déjà désigné leur candidat et n’ont pas donné leur accord pour y participer. Aucun n’a donné son aval.
Les votants, qui seraient 467 000, auront quand même le choix entre les sept noms ci-dessus retenus par les organisateurs. Ce vote en un seul tour aura lieu du 27 et le 30 janvier 2022.
Que se passera t-il si le candidat choisi par les électeurs étaient l’un de ceux qui ont refusé d’y participer ?
A la lumière de cet historique, ne peut-on se demander quel est le véritable objectif de cette initiative : une candidature unique de la gauche ou le lancement d’un nouveau parti, porte parole des minorités, proche des mouvements « woke », avec Christiane Taubira comme figure de proue, qui finirait de tuer les partis traditionnels de gauche : PS, PCF, EELV, LFI ?
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