Sondage Ifop. Marine Le Pen en tête des intentions de vote dans « les quartiers populaires » pour la présidentielle 2022

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Marine Le Pen en tête des intentions de vote dans « les quartiers populaires » pour la présidentielle 2022.

C’est ce qu’il ressort entre autres d’un sondage commandé par la revue mensuelle du site GlobalWatchAnalysis, qui a commandé à l’Ifop une enquête dans les villes de banlieues les plus populaires. Un sondage qui témoigne aussi d’un fossé qui se creuse entre les lubies sociétales portées par la gauche et les aspirations principales des « banlieues populaires ».

Pour télécharger le sondage c’est ici

Réalisée auprès d’un échantillon national représentatif des 10% des banlieues les plus pauvres de France, cette étude montre que la gauche a perdu une grande partie du vote des « banlieues populaires » sauf au sein des quartiers concentrant le plus de difficultés (« quartiers prioritaires ») où des candidats de la gauche radicale comme Jean-Luc Mélenchon dominent encore les intentions de vote. Quant aux ressorts du vote de ces banlieues, ils apparaissent davantage portés par des demandes « matérielles » d’ordre socio-économique que par des questions de société comme la lutte contre les discriminations, le racisme ou le sexisme, signe là encore d’un mirage imposé par la gauche sur certaines questions dites « sociétales ».

(« Étude Ifop pour Ecran de Veille réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 13 au 16 décembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 003 personnes, représentatif de la population adulte résidant dans les 10% des « banlieues les plus pauvres » de France métropolitaine. »)

Les banlieues populaires : la définition

Par « banlieues pauvres », l’Ifop entend les communes situées en périphérie d’une agglomération qui affichent un niveau de vie médian annuel par habitant (RMUC) qui les classent parmi les 10% des « banlieues » les plus pauvres de France. Ce champ d’enquête n’intègre donc pas seulement les quartiers prioritaires (QPV) définis par la politique de la Ville mais l’ensemble des habitants des villes périphériques les plus pauvres de France. Cette délimitation est volontairement plus large que celle des quartiers prioritaires (QPV) qui n’intègre pas les quartiers de moins de 1 000 habitants et les agglomérations de moins de 10 000 habitants. Par ailleurs, le critère adopté par l’Ifop pour repérer les zones de concentration urbaine à bas revenu repose sur un critère unique de revenu à la fois plus strict (les 10% les plus pauvres) et plus global (le même pour toutes les communes) que celui adopté pour les QPV.

2012-2022 : comment la gauche a perdu le vote des banlieues populaires

Des banlieues populaires qui votent de moins en moins à gauche…

En une dizaine d’années, la gauche a perdu une grande part de l’assise électorale qu’elle détenait historiquement dans les banlieues populaires, et ceci principalement au profit de la droite « nationale populiste ».

  • Les divers candidats de gauche rallient aujourd’hui à peine plus d’un tiers (36%) des suffrages dans les villes périphériques les plus pauvres de France alors qu’ils en captaient plus de la moitié (54%) en 2012. Et au sein de la gauche, l’inversion du rapport de force déjà observé en 2012 se confirme. Avec 26% des voix (dont 20% rien que pour Jean-Luc Mélenchon), les candidats de la gauche radicale (Mélenchon, Roussel…) dominent largement les représentants d’une gauche modérée (Jadot, Hidalgo…) qui y captent aujourd’hui trois fois moins de voix (10%) qu’il y a dix ans (36,4% en 2012).
  • A l’inverse, les droites dans leur ensemble y attirent désormais la moitié des suffrages (49% aujourd’hui, contre 40% en 2012) mais cette « droitisation » est surtout le fruit d’une hausse continue des voix en faveur de la droite radicale : les trois principaux candidats nationalistes (Eric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen) – alliés en 2017 au second tour dans la « grande alliance patriote et républicaine » – y attirent aujourd’hui plus d’un tiers des intentions de vote : 35%, contre 28,4% il y a cinq ans (2017) et à peine 21,9% il y a dix ans (2012).
  • Dans ces villes sociologiquement défavorables au macronisme comme à la droite classique, Emmanuel Macron affiche quant à lui des intentions de vote très en deçà (15%) de leur niveau national (26%) mais leur étiage n’en reste pas moins trois fois plus élevé que ce que pouvait y capter un candidat centriste traditionnel (François Bayrou) il y a dix ans (5,8% en 2012). De même, Valérie Pécresse y obtient un niveau d’intentions de vote légèrement inférieur (14%) à sa moyenne nationale (18%) mais qui est légèrement plus haut que le score obtenu dans ces communes par François Fillon en 2017 (+ 3 points).

RAPPORT DE FORCE DANS LES BANLIEUES POPULAIRES A L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

– Evolution du vote dans les banlieues populaires depuis 2012 par grand bloc politique –

Contrairement aux idées reçues, les « banlieues populaires » ne sont plus des fiefs acquis à la gauche, notamment les communes paupérisées (ex : Nord-est de la France, périphéries des villes du bassin méditerranéen) ne correspondant pas au cliché de « cité » à forte proportion d’habitants d’origine immigrée. Dans ces territoires marqués par des niveaux élevés de chômage et de pauvreté, mais aussi d’insécurité et déficit des services publics, les sirènes des candidats aux discours identitaires ou sécuritaires portent de manière notable, empêchant les « gauches » d’y retrouver l’attrait qui fut leur pendant longtemps. Ces résultats mettent donc en lumière un certain hiatus entre la réalité de leurs comportements politiques et les représentations du corps électoral de ces banlieues souvent produites à l’usage des candidats.

… sauf dans les quartiers prioritaires où persiste un net sur-vote pour Jean-Luc Mélenchon  

Ce vote de l’ensemble des « banlieues pauvres » masque toutefois un profond clivage entre les quartiers prioritaires (QPV) de la politique de la ville – où dominent des candidats de la gauche radicale comme Jean-Luc Mélenchon – et les autres quartiers beaucoup plus sensibles aux sirènes des droites radicale ou modérée.

  • Au sein de ces villes périphériques très pauvres, les quartiers prioritaires (QPV) – qui contiennent généralement une forte proportion de population issue de l’immigration – se distinguent par un vote majoritairement ancré à gauche : 56% des électeurs y votent pour un candidat de gauche, dont 37% pour Jean-Luc Mélenchon (contre 11% dans les autres quartiers), 6% pour Anne Hidalgo (contre 3% dans les autres quartiers) et 5% pour Fabien Roussel (contre 3% dans les autres quartiers). Seul le candidat d’EELV, Yannick Jadot, y fait un score (3%) largement inférieur à sa moyenne nationale (7,5%).
  • A l’inverse, les autres quartiers situés dans ces « banlieues pauvres » penchent nettement plus à droite, voire l’extrême-droite : les trois candidats représentant la droite « nationale populiste » (Le Pen, Dupont-Aignan, Zemmour) y attirent un peu moins de la moitié (42%) des suffrages, soit deux fois plus que dans les quartiers prioritaires (QPV). Et en leur sein, les intentions de vote en faveur de Marine Le Pen y sont nettement supérieures (26%) à celle d’Eric Zemmour (15%), ce qui est logique compte tenu du caractère globalement très populaire de ces populations.
  • Le bon score obtenu par Jean-Luc Mélenchon dans l’ensemble des « banlieues pauvres » (20%, contre une moyenne nationale à 9,5%) tient donc à un sur-vote dans les quartiers prioritaires (37%) et, plus largement, chez les électeurs les plus jeunes (44% des moins de 35 ans) et les plus discriminés en raison de leurs origines géographiques, ethniques ou religieuses (33% chez les électeurs en ayant déjà été victimes). Il obtient d’ailleurs un score élevé dans les minorités ethnico-culturelles comme les musulmans (32%) ou les électeurs « racisés » estimant être perçus par les autres comme une minorité ethnique (47%).

Ce clivage vient confirmer « l’effet de lisière » (Karim vote à gauche et son voisin vote FN, 2016) en faveur du FN observé dans les quartiers limitrophes des quartiers HLM à forte populations d’origine maghrébine ou sub-saharienne. A partir des résultats des élections de 2012 et de 2014, Jérôme Fourquet a en effet noté que c’était dans les bureaux de vote à faible proportion de personnes issues de l’immigration – mais jouxtant souvent les bureaux de vote où résidait majoritairement une population issue de l’immigration – que le FN obtenait ses scores les plus importants.

LES INTENTIONS DE VOTE AU PREMIER TOUR DANS LES BANLIEUES POPULAIRES

– Comparaison avec les résultats observés à l’échelle nationale (France métropolitaine) –

Les banlieues populaires voteront avant tout en fonction de questions exprimant des besoins d’ordre matériel et sécuritaire

Qu’ils résident ou non dans les quartiers prioritaires, l’analyse des motivations des électeurs de ces banlieues fait ressortir de fortes attentes à l’égard des services publics (santé, éducation, sécurité des biens et des personnes) et de besoins très matérialistes et socioéconomiques (pouvoir d’achat, précarité, chômage).

  • Si l’on relativise les enjeux de santé qui ont pu être boostés par la crise sanitaire (80%), le premier enjeu du vote des banlieues populaires à cette élection exprime un besoin de base d’ordre très matériel : le relèvement des salaires et du pouvoir d’achat, cité nettement plus dans ces banlieues (76%) – et notamment dans les quartiers prioritaires (à 80%) – que par l’ensemble des Français (65%). Et parmi les dix principaux enjeux déterminant leur vote, on trouve aussi des enjeux comme la lutte contre le chômage (62%) et la précarité (60%), l’éducation (68%) ou la sauvegarde des services publics (51%).
  • Dans ces villes comme dans le reste du pays, les votants détermineront aussi beaucoup leur vote en fonction d’enjeux identitaires ou sécuritaires comme la lutte contre l’insécurité (3ème, à 74%), le terrorisme (4ème, à 70%) ou l’immigration clandestine (9ème, à 56%). Mais on note sur ce plan des différences entre les quartiers prioritaires (QPV) et les autres quartiers : les électeurs des quartiers situés en dehors des QPV accordant sensiblement plus d’importance dans leur vote aux questions de sécurité (77% contre 70%), d’immigration (58%, contre 51%) ou de laïcité (51%, contre 45%)
  • Enfin, des questions de société comme la lutte contre le sexisme, le racisme ou la haine contre les LGBT n’y apparaissent pas très porteuses sur le plan électoral. La proportion d’électeurs de ces banlieues qui détermineront leur vote en fonction de la lutte contre le sexisme est inférieure à la moyenne nationale (47%, contre 52%), tout comme la lutte contre la LGBTphobie (31%, contre 36%). Malgré une plus forte exposition aux discriminations (50%, contre une moyenne nationale de 24%), les habitants des QPV ne seront pas plus nombreux (45%) à le prendre en compte dans leur vote que l’ensemble des Français (47%).

LES ENJEUX DÉTERMINANTS DU VOTE À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

– Comparaison entre les banlieues populaires et l’ensemble des Français –

L’analyse des motivations des électeurs des banlieues populaires va dans le même sens que ceux d’une récente enquête auprès des ouvriers américains, étude qui montrait que ces derniers étaient moins sensibles aux thématiques progressistes (ex : genre, antiracisme…) qu’aux enjeux économiques et sociaux permettant d’améliorer leurs conditions de vie matérielles. L’absence de sensibilité des banlieues à ces thématiques progressistes contredit ainsi la thèse dite « Terra nova » (2011) qui incitait alors le PS à constituer un nouvel électorat urbain comprenant « les diplômés », « les jeunes », « les minorités des quartiers populaires » et « les femmes » autour des « des valeurs culturelles, progressistes ». Car le moins qu’on puisse dire, c’est que ces combats progressistes ne sont pas les plus porteurs chez les habitants des banlieues populaires

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