Prince Philip : deux pas derrière la reine

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Deux pas derrière Élisabeth depuis qu’elle devint reine ce 6 février 1952. Dans quelques jours, ce sera elle qui suivra sans doute la dépouille de celui qu’elle épousa par amour le 20 novembre 1947, il y a plus de soixante treize ans. Deux pas derrière la reine : qu’elle descende de l’avion, embarque sur un yacht ou entre dans une salle d’apparat. Un métier qui n’est pas donné à tout le monde. Mais le prince Philip n’était pas tout le monde. Il a quitté le nôtre ce 9 avril 2021.

Né le 10 juin 1921, à Corfou en Grèce, il allait donc avoir cent ans.
Sa silhouette aristocratique nous était devenue tellement familière qu’il va y avoir comme un grand vide derrière la reine Elisabeth. Une familiarité construite en plus de quatorze lustres, grâce à cette presse, que jadis on n’appelait pas encore people, mais aussi à la télévision qui rendit sans doute des services distinguées à la monarchie britannique. Avec la télé, le carrosse de la reine passe désormais, comme qui dirait, en bas de chez nous. Et sans qu’on ait ensuite à balayer le crottin de cheval !

Les ans avait bien un peu tassé cette silhouette, haute d’un mètre-quatre-vingt-trois, et on ne la voyait plus revêtue de ces uniformes de prince charmant, autrement plus fun que les costumes de scène de Sir Elton. Mais l’élégance était intacte. So british !

Et pourtant Philippe de Grèce, qui n’avait pas une goutte de sang hellène, n’était pas non plus né sujet de Sa Gracieuse Majesté. Résumons. Philippe de Grèce appartenait à une branche cadette de la famille royale de Grèce, elle-même issue de la famille royale de Danemark. Donc, le prince Philip était danois ? Oui et non. Car la famille royale de Danemark est elle-même issue de la maison de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg qui se rattachait à celle d’Oldenbourg, originaire de Basse-Saxe en Allemagne. L’ancêtre en ligne masculine le plus lointain du prince Philip vivait au XIIe siècle et s’appelait Christian Ier, comte d’Oldenbourg, dit le Querelleur. Pour résumer, la reine d’Angleterre, à l’état civil, aurait pu s’appeler Madame Oldenbourg !

Mais il n’en fut pas ainsi. Le prince Philip, pour épouser la princesse Elisabeth, héritière du trône de Grande-Bretagne, dut renoncer. Renoncer à ses titres royaux grec et danois. Renoncer aussi à sa carrière d’officier de marine qui le passionnait. Renoncer à ce que ses enfants portent le nom qu’on lui donna lorsqu’il épousa la princesse, celui de sa mère, un matronyme donc : Mountbatten, transposition anglaise du nom allemand Battenberg. Alors, depuis 1957 et après plusieurs péripéties de titulature, celui qui un jour déclara qu’il était « le grand gars, marié à Mme la Reine », aurait pu paraphraser James Bond en disant : Appelez-moi Edimbourg, Philip, duc d’Edimbourg ! Tout cela pour pouvoir suivre la reine, deux pas derrière elle, une vie durant.

Si le duc d’Edimbourg était So british, c’est peut-être parce qu’il pratiquait à merveille le sport national britannique : l’humour. Alors, plutôt qu’un insipide et passe-partout éloge funèbre, citons quelques frasques oratoires du prince.
« J’ai l’impression que je suis dans un zoo et que tout l’univers me regarde. Je suis sûr que je lirai un jour dans les journaux quelle est la marque du papier hygiénique dont je me sers. » Devant les élèves du Military College of Science : « À travers toute l’histoire, la qualité de base des officiers a été l’habileté à manier les hommes. La guerre moderne y a ajouté deux autres qualités : l’habileté à manier les machines et l’habileté à manier la paperasse. » Lors d’un voyage au Paraguay qui n’était pas un modèle de démocratie : « C’est un changement agréable que de se trouver dans un pays qui n’est pas gouverné par son peuple. »

On comprend pourquoi le duc d’Edimbourg faisait parfois grincer des dents…

Georges Michel, Boulevard Voltaire.

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