Ancien directeur général de la Santé (2003-2005), William Dab porte un oeil critique sur la gestion de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 en France. Cet épidémiologiste ne comprend pas pourquoi quatre semaines après le début du confinement la courbe des contaminations ne soit pas encore sur sa phase descendante. Il souhaite que « le confinement dure le moins longtemps possible« .
Qu’est ce qui selon vous fait défaut en France dans la lutte contre l’épidémie ?
[…] Pour l’instant, il n’y a que des épidémiologistes britanniques qui ont fait des estimations du nombre de personnes infectées en France. Or, nous avons les compétences pour faire cela. La question est donc de savoir si elles ont été sollicitées et par qui ?
Ensuite, il y a des centaines de gens qui se contaminent tous les jours. Pourquoi se contaminent-ils ? C’est absolument essentiel d’avoir la réponse. Et là aussi, on peut avoir des pistes. […]
Je ne dis pas que les gens qui travaillent actuellement travaillent mal. Je dis qu’il n’y a pas de commandant en chef contre cette épidémie. […] Au final, qui dirige ? Qui fait le plan d’attaque ? Qui répartit les moyens ? Qui fait la logistique ? Pour moi, c’est pas clair. Ce serait logique que ce soit la DGS (Générale de la Santé). Mais je ne vois pas qu’on lui ait donné ce mandat et les moyens qui vont avec clairement. […]
Plus on retarde le travail de terrain, plus il va falloir prolonger le confinement avec des conséquences qui vont finir par être plus néfastes que ce dont on essaye de se protéger avec ce confinement. Je pense que nous ne sommes pas loin de ce moment de bascule où le confinement généralisé va avoir plus d’inconvénients que d’avantages. Mais à ce moment là, on risque de tout perdre parce qu’on risque de perdre le front économique. On risque de perdre le front social et on risque de perdre le front épidémiologique. […] […]
Parmi les mesures à prendre en urgence, vous partagez l’avis du conseil scientifique, il faut isoler les malades et les mettre dans des hôtels. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
[…] Les hôtels sont vides, encore une fois. C’est quand même pas compliqué à organiser. Mais il y a une sorte de procrastination. Peut-être que personne ne sait qui doit prendre cette décision là et tout le monde se dit que c’est l’autre qui va la prendre. Ça fait des jours que ça dure et rien ne se passe. […]