Au campus d’été du PS, on part à la découverte de la « France des beaufs »

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La sociologie est-elle la science de ceux qui ne foutent pas les pieds dehors ? Ce serait un commencement d’explication à certains phénomènes de mépris social assez répugnants, qui commencent à se montrer avec de moins en moins de complexes parmi les « élites » urbaines et diplômées. Vous savez, ces jeunes CSP+ qui élisent des maires écolos dans les grandes villes, trouvent que les migrants ont toute leur place dans les campagnes mais n’en veulent pas chez eux, veulent du circuit court mais détestent les agriculteurs, aiment les pauvres mais pas quand ils sont français… Beaucoup d’entre eux (tous ?) votent à gauche : LFI, EELV ou même pour le Parti socialiste.

Le PS, en état de mort cérébrale, a pourtant fait 1,75 % aux élections présidentielles. La faute, disent les méchantes langues, au choix de la ligne Terra Nova, du nom du think tank situé à son aile gauche et qui avait théorisé le choix des minorités et des immigrés comme nouveaux damnés de la Terre, en négligeant l’historique lutte pour les ouvriers.

Cet embourgeoisement n’est pas sans conséquences : parti d’intellectuels depuis toujours, le PS s’est dernièrement (depuis 2007, disons) coupé de sa base électorale (et n’en a donc plus). Au même titre que les écolos qui ne savent pas reconnaître une vache, les socialistes ne savent donc plus reconnaître un électeur populaire. Les ouvriers et les employés de la France périphérique, vous savez, celle qui écoute Sardou, vote massivement RN. On se moque d’eux depuis quarante ans, depuis que les émissions urbaines et branchées font la pluie et le beau temps à la télévision. Ce sont des « beaufs », des « ploucs ». Ils ont honte d’être ce qu’ils sont, français, vulgaires, pas à la mode, alors qu’on leur montre en exemple des trafiquants de drogue extra-européens et des influenceuses prostituées à Dubaï.

À ce sujet — Juliette Armanet : pourquoi tant de dégoût pour « Les Lacs du Connemara » ?

Avec une louable mansuétude, afin de se pencher sur les marginaux, le PS, sur son « campus d’été » (là non plus, comme chez EELV, on ne parle pas d’université, bien sûr, « la république n’a pas besoin de savants », disait-on sous la Terreur), a prévu une table ronde au titre symbolique : « La France périurbaine est-elle la France des beaufs ? »

On est quasiment tous le beauf de quelqu’un

Mépris de classe difficile à supporter, mais surtout flou conceptuel. C’est quoi, au juste, un beauf ? Le beauf de Cabu, c’était un nouveau riche en catogan. Les beaufs de la télé, ce sont les Français quinquagénaires qui n’aiment pas les immigrés. Les gens de droite trouvent que les cheffaillons de mairie et les retraités anticléricaux sont de gros beaufs. Les gens de gauche trouvent que les porte-drapeaux du 11 novembre et les piliers de bistrot sont d’immondes ploucs. On est quasiment tous le beauf de quelqu’un.

Deux questions viennent à l’esprit du lecteur : d’abord, cette table ronde sera-t-elle un cours d’entomologie (« Comment reconnaître ces vilains cafards incultes ? ») ou un salutaire rappel à la réalité (« sans 2000 ans de beaufs, pas de petits cons qui mangent des graines ») ? On a une vague et triste idée de la tournure que va prendre ce petit groupe de parole. Mais surtout, la réponse sera-t-elle objectivement « oui » ? Pas sûr. Pas sûr du tout.

La France des blessés

La France périurbaine, c’est celle des églises oubliées, des pavillons sur lesquels la cité en béton mord chaque année du terrain ; c’est celle dont on ne peut pas partir, faute d’argent ; c’est celle qui subit les conséquences de toutes les politiques publiques de gauche. Ce n’est pas la France des beaufs : c’est la France des blessés. Les beaufs, ce sont ceux qui, dans leurs certitudes, continuent de se croire malins parce qu’ils ont fait quelques études de sciences molles et détiennent deux ou trois peaux d’âne universitaires. Les beaufs, ce sont ceux qui font des blagues grasses sur la France éternelle, sur la grandeur et le sacré. Ce sont les derniers hommes dont parlait Nietzsche, ceux qui pensent avoir inventé le bonheur et qui clignent de l’œil, unis dans le culte de la dérision, ce dernier dieu qui salit tout. Et des beaufs comme ça, on en trouve davantage dans les centres urbains que dans les pavillons déshérités.

Le RN ou Reconquête n’organiseront pas de tables rondes sur le thème « La France hors-sol des grandes métropoles est-elle celle des cons ? » Leurs électeurs, quoique « beaufs », sont assez intelligents pour trouver la réponse tout seuls.

Arnaud Florac, Boulevard Voltaire

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