Riposte Laïque
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34e jour de confinement.
J’ai commencé ma journée en écoutant Nel blu dipinto di blu sur de magnifiques images de l’Italie. Une vidéo envoyée par une amie calédonienne.
Notre emprisonnement moyenâgeux est le symbole de la faillite de la haute administration française. Cet État profond empêtré dans ses dérives néo-libérales, ces dirigeants faisant l’apologie de la réforme, du mouvement, de l’économie, ont manipulé, jusque-là, les citoyens avec un certain succès.
Pourtant, ces derniers mois, les révoltes n’ont pas manqué. Les Gilets jaunes, les « blouses blanches », les pompiers, les policiers ont battu le pavé sans convaincre la majorité des Français qui les ont soutenus comme la corde soutient le pendu.
Cela changera-t-il lorsque nous sortirons de la stase du confinement ?
La haute administration a aujourd’hui une allégorie : Christophe Lannelongue, ex-directeur de l’ARS (Agence régionale de santé) du Grand Est. L’homme qui, s’étant confiné hors du champ de bataille, osa annoncer que le plan de destruction de l’hôpital (en l’occurrence celui de Nancy) gardait sa trajectoire.
À travers Lannelongue, la France malade du virus chinois laisse apparaître son visage le plus laid, celui d’un pays gouverné par une haute administration qui a transformé l’Hexagone en Titanic ivre face à l’épidémie venue de Chine. Une haute administration sclérosée incapable de s’adapter à l’urgence.
Macron et son gouvernement font parfois semblant – du moins quand ils ne se défaussent pas sur un quelconque comité Théodule d’experts – de prendre des décisions. En réalité, depuis des semaines, il n’y a personne à la tête du pays, aucun cap donné. Les figurants paraissent vivants, ils ne sont que des pantins remplis de paille.
L’administration française a un air de lapin myxomateux pris dans les phares d’un camion chinois.
Ses directives ont mis en charpie nos systèmes de santé, d’éducation, de défense, de retraite ; ses options libérales ont abouti à emprisonner nos aînés dans des mouroirs baptisés Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ; sa philosophie économique a remplacé le temps de travail réel des infirmières, des médecins, des enseignants, des militaires par des tableaux Excel à remplir, des recherches pour optimiser l’utilisation d’une feuille de papier et d’un stylo à bille ; ses partis-pris ont interdit de prévoir parce qu’il ne fallait pas stocker – la philosophe Barbara Stiegler parle « de phobie irrationnelle des stocks » – ne pas laisser des lits inoccupés dans les hôpitaux, pas de masques ni de médicament (ils viendraient de Chine au premier appel). Les audits à répétition ont remplacé le temps long de la formation à un métier, la vocation a disparu derrière la précarité. Le néo-libéralisme n’apprécie que les êtres adaptables ou jetables.
La haute administration bien relayée par ses petits chefs de service a organisé la pénurie en la faisant passer pour le progrès.
« La pénurie n’est pas involontaire, elle a été sciemment orchestrée par les dirigeants des entreprises pour s’adapter à la compétition mondiale », dit Barbara Stiegler.
« Il faut s’adapter » a été pendant des décennies le leitmotiv des bureaucrates qui, s’ils avaient changé d’apparence, n’en étaient pas moins toujours aussi tatillons et invasifs, incompétents et bornés. Ces hommes et femmes ne dépareilleraient pas dans un État totalitaire.
La pandémie nous montre que l’apologie du flux permanent, du liquide, de la performance sont des idioties criminelles. La start-up nation est en guerre contre la Nation.
Le camp du Mouvement est le camp du Mal.
La manière dont la haute administration a géré la crise du virus chinois nous laisse craindre le pire si elle devait faire face à d’autres imprévus comme un soulèvement muzz de grande ampleur.
Crainte d’un futur de soumis. Espérance en l’homme révolté.
Saurons-nous choisir et reprendre nos destins en main ?