Chômage totalement hors de contrôle aux Etats-Unis: vers un nouveau 1929?

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Sputnik

Semaine après semaine, des millions d’Américains vont s’inscrire au chômage. Les chiffres donnent le tournis et commencent à faire apparaître le spectre de la crise de 1929 de l’autre côté de l’Atlantique. Pour faire face, le gouvernement et la banque centrale distribuent les milliards. Sputnik fait le point.

«Les raisins de la colère» version 2020? Le célèbre roman de John Steinbeck se déroulant pendant la Grande dépression avec ses millions d’Américains jetés sur les routes désespérément à la recherche d’un emploi fait désormais office d’épouvantail outre-Atlantique. La pandémie de coronavirus frappe durement l’Oncle Sam. Les États-Unis sont le pays le plus touché au monde en nombre de cas avec plus de 451.000 individus infectés. Le bilan des victimes dépasse désormais les 16.000 décès, selon l’université John Hopkins.

Un contexte qui a forcé le gouvernement et les États américains, à l’instar de nombreux pays dans le monde, à prendre des mesures draconiennes pour enrayer la propagation du virus: commerces fermés, citoyens confinés et économie quasiment à l’arrêt.

Depuis la mi-mars, ce sont des millions d’Américains qui sont incités à aller s’inscrire au chômage. Les chiffres donnent le vertige: 6,6 millions de nouveaux inscrits du 29 mars au 4 avril. La semaine précédente, un record avait été établi: 6,8 millions de nouveaux demandeurs d’emploi. Évoluant à environ 3,5% de la population active en février, le plus faible depuis un demi-siècle, le taux de chômage devrait décoller telle une fusée. En trois semaines, 16,7 millions d’individus ont rempli un dossier de demande d’allocation dans un pays où la protection sociale est bien inférieure à celle proposée par la France.

Un bilan réel bien pire?

Le tableau paraît encore plus sombre lorsqu’il s’agit de se livrer à quelques comparaisons avec la situation à la même période l’année dernière. Les chiffres de 2020 sont environ 30 fois supérieurs à ceux de 2019.

«Les emplois perdus en trois semaines dépassent ceux qui avaient été perdus en 18 mois lors de ce que les Américains nomment la Grande récession de 2007-2009. À l’époque, le taux de chômage était monté jusqu’à 25%. On en est loin pour le moment, mais on y va clairement pour de nombreux économistes qui envisagent un taux de chômage à 30% d’ici la fin juin, ce qui veut dire un Américain sur trois au chômage», notent nos confrères de France Culture.

Les analystes d’Oxford Economics sont très pessimistes. Ils préviennent dans une note que les chiffres récemment publiés pourraient ne représenter que la moitié des destructions d’emplois provoquées par l’épidémie de coronavirus.

Du côté du Fonds monétaire international (FMI), l’optimisme n’est pas de mise.

«La pandémie a engendré les pires dommages économiques depuis la Grande dépression de 1929», selon l’institution.

La situation est d’autant plus grave pour nombre d’Américains que cette soudaine vague d’inscriptions a mis en difficulté un système obsolète. Les réseaux sociaux regorgent de témoignages d’individus qui n’ont pas été en mesure de s’inscrire, notamment à cause de soucis informatiques.

«Le problème, c’est que pour toucher le chômage, et son complément fédéral, il faut être inscrit au chômage. Or, c’est devenu mission impossible. D’abord parce que l’afflux des nouvelles demande est considérable. On trouve sur les réseaux sociaux pléthore de témoignages d’Américains à ce sujet. Ensuite parce que les services chargés de gérer le chômage sont sous-dotés depuis des années, notamment sur le plan informatique», note France Culture.

La situation est telle que plusieurs États américains sont désespérément à la recherche d’informaticiens en mesure de gérer un langage informatique vieux de quatre décennies: le Cobol. C’est ce dernier qui est encore utilisé par les services américains gérant l’assurance chômage.

Washington confiant

La situation prend des tournures ubuesques. Comme le relèvent nos confrères de France Culture, le Financial Times a rappelé que Washington, il y a quatre ans, avait demandé aux services en charge du chômage au sein des différents États de faire 5 milliards de dollars d’économie sur… leur équipement informatique.

Les autorités américaines refusent cependant de céder à la panique. Le gouvernement et la Réserve fédérale (FED) multiplient les annonces à grand renfort de milliers de milliards de dollars pour soutenir l’économie. Le 9 avril, Jerome Powell, patron de la FED, a de nouveau annoncé des prêts à hauteur de 2.300 milliards de dollars pour «soutenir l’économie». Ils seront majoritairement destinés aux entreprises mais également aux collectivités locales et États fédérés.

Des mesures qui, selon Jerome Powell, doivent permettre de «s’assurer que la reprise sera aussi vigoureuse que possible quand elle viendra».

La FED va octroyer 600 milliards de dollars à des entreprises employant jusqu’à 10.000 personnes ou pouvant justifier d’un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de dollars en 2019. Un programme qui «va faire une différence pour les 40.000 entreprises de taille moyenne qui emploient 35 millions d’Américains», d’après le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin.

Des marchés trop optimistes?

Une décision qui s’ajoute au dispositif d’aide aux entreprises de 500 employés ou moins doté de 350 milliards de dollars et qui a été lancé la semaine dernière par le Trésor après le vote crucial du colossal plan de relance de 2.200 milliards de dollars censé amortir le choc du coronavirus.

Steven Mnuchin a estimé le 9 avril que le mois de mai était une échéance envisageable pour le redémarrage de l’activité aux États-Unis.

Toutes ces annonces ont redonné de la vigueur aux marchés boursiers américains. Après des semaines difficiles, les voici à nouveau dans le vert. Un contexte qui a tout de même de quoi interroger au regard de la situation catastrophique qui est celle de millions de citoyens et devant une pandémie de coronavirus loin d’être annihilée. C’est notamment le cas d’Alexandre Baradez, analyste marché chez IG cité par France Culture:

«On n’est même pas au pic de l’épidémie sanitaire, même pas au pic du crash économique, cela prendra des mois des années à repartir… Je trouve que les marchés sont étonnants d’optimisme.»

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