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Ursula von der Leyen a-t-elle écouté en boucle la Chevauchée des Walkyries de Wagner au point, comme eût dit Woody Allen, d’avoir envie d’envahir la Pologne ? Toujours est-il qu’elle a sans doute oublié le sens du mot « subsidiarité » qu’on nous a vendu pour digérer ce qui allait devenir le régime bureaucratique européen et sa politique constructiviste. « Nos traités sont très clairs. Toutes les décisions de la Cour de justice de l’UE s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris aux tribunaux nationaux. Le droit de l’UE prime sur le droit national, y compris sur les dispositions constitutionnelles », a-t-elle dit, précisant « Nous allons utiliser tous les pouvoirs dont nous disposons en vertu des traités pour garantir cela ».
Tout au long de leur histoire, les Polonais ont fait les frais de la Drang nach Osten, mouvement de colonisation germanique vers l’est, sans même attendre l’arrivée de Hitler. Désormais, la nouvelle menace ressemble à du chantage concernant l’approbation du plan de relance économique de la Pologne (prévoyant 23 milliards de subventions européennes et 34 milliards de prêts) que la Commission n’a toujours pas avalisé en raison de soi-disant inquiétudes sur l’État de droit. Les relations entre Varsovie et la Commission se sont dégradées depuis l’arrivée au pouvoir de Droit et Justice, le parti conservateur dirigé par Jarosław Kaczyński, en 2015. Le fond du problème provenant de l’hostilité polonaise à la politique immigrationniste de l’Union européenne.
La Cour constitutionnelle polonaise estime que certains articles des traités de l’Union européenne sont « incompatibles » avec la Constitution du pays. L’ancien président du Conseil européen, Donald Tusk, chef du parti d’opposition Plate-forme civique, a accusé le parti populiste de droite Droit et Justice (PiS) de « quitter l’UE ». « Seuls les Polonais peuvent s’y opposer avec succès », a-t-il tweeté. Ce vendredi 8 octobre, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a toutefois assuré que son pays souhaitait rester dans l’Union européenne.
Cet été, la Pologne et l’Union européenne se sont livrées à un bras de fer par tribunaux interposés sur la question de l’État de droit. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à Luxembourg a tiré la première et demandé la suspension immédiate de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise, institution qui n’est pas conforme au droit de l’Union. Une heure plus tard, à Varsovie, le Tribunal constitutionnel, après une courte journée de débats houleux, jugeait que les décisions de la CJUE sur la chambre disciplinaire étaient incompatibles avec la Constitution polonaise.
« Autrement dit, le Tribunal constitutionnel ne reconnaît plus l’autorité judiciaire de l’Union européenne en matière d’État de droit, qui est pourtant l’élément fondateur des traités européens, analyse Laurent Pech, professeur de droit constitutionnel à l’université de Middlesex à Londres et spécialiste de la Pologne. Autrement dit, c’est un Polexit juridique. »
Cette décision est le dernier rebondissement en date d’un long affrontement entre la Pologne et l’Union européenne au sujet de réformes judiciaires controversées introduites par le parti conservateur nationaliste au pouvoir, le parti Droit et Justice (PiS). Pour Georges Mink, sociologue, que j’ai bien connu à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), directeur d’études de 2011 à 2013 au Collège d’Europe (Natolin-Varsovie) et permanent professor depuis 2013, « le Parti Droit et Justice (PiS) joue un peu les fanfarons en disant qu’ils sont capables de s’autofinancer, qu’ils n’ont pas besoin des fonds européens. En réalité, ils vont chercher la négociation, car les Polonais ont quand même besoin de cet argent frais, précisément pour le redécollage économique. Le parti Droit et Justice s’imagine que l’Union européenne […] va céder et trouver un compromis comme c’est souvent le cas dans l’Union européenne. Mais on voit mal comment chercher un compromis va être possible alors que les standards européens, les normes européennes sont mises en cause. […] Certains y voient, mais peut-être dramatisent-ils un peu trop, un début d’un processus de “Polexit”. »
Thierry Martin, Boulevard Voltaire