. Le 11 novembre selon Macron : faire parler les morts, ennuyer les vivants

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++ WEBTUBE : En ce samedi de novembre, c’était exactement comme d’habitude. Avec cette voix artificielle qu’il utilise pour tous les discours solennels, le Président a rendu hommage à « la résistance » incarnée par le soldat inconnu, un sacrifice pour la « terre charnelle et spirituelle qu’est le sol de France ». Emmanuel Macron, en somme, n’a rien dit du tout, comme d’habitude. Ceux qui l’ont trouvé brillant sont ceux qui ne connaissent pas les références culturelles qu’il a pillées. Ceux qui lui trouvent la stature d’un homme d’Etat ne savent plus de quoi ils parlent. Le 11 novembre est trop grand pour lui. En tous les cas, qu’il nous soit permis d’avoir ici une pensée pour tous ceux (tiens, c’est drôle, cette fois, pas de « celles-et-ceux ») qui ont donné leur vie pour que la France reste ce qu’elle est. La suite ci-dessous :

Le 11 novembre 1918, les cloches de toutes les églises de France sonnèrent, à toute volée, l’armistice d’une guerre atroce, absurde, qui massacra un million et demi d’hommes, sur un total de huit millions de mobilisés (pour un pays de quarante millions d’habitants). Une cacophonie d’acier s’achevait sur une polyphonie de bronze : cet écho inversé au tocsin de la mobilisation, cette réponse pleine de vie au glas des enterrements, marquait la fin du premier conflit industriel de notre âge de fer. Saignée à blanc, la France se jurait collectivement que cette guerre serait « la der des der », quitte – on s’en apercevrait dans les années suivantes – à faire de déraisonnables concessions pour éviter de ressusciter cette esthétique de cauchemar, avec ces paysages d’apocalypse, aux arbres calcinés, ces morts par milliers et ces « gueules cassées » dont la face monstrueuse montrait le vrai visage de la guerre.

Cent cinq ans ont passé. Emmanuel Macron devait nécessairement prononcer un discours en ce 11 novembre 2023 : qu’on le veuille ou non, il est président de la République, après tout. Et puis, il aime bien ça, tout ce qui est régalien : les défilés, les obsèques, l’histoire, les commémorations. Il aime bien le récit national parce que ça lui permet de le défaire, de le tordre, de le salir. Depuis longtemps, notre président utilise la grandeur de la France et le recours aux symboles pour faire passer son progressisme sociétal. Son électorat, celui des retraités aisés, n’y voit que du feu. Il est si bien élevé, il est si gentil, il parle si bien : ce qu’il fait d’une main avec la relève de la garde à l’Elysée, le drapeau tricolore à l’ancienne ou la réhabilitation de Villers-Cotterêts, il le défait de l’autre avec des discours sur l’absence de culture française, sur les bienfaits de l’immigration ou sur la culpabilité coloniale.

En ce samedi de novembre, c’était exactement comme d’habitude. Avec cette voix artificielle qu’il utilise pour tous les discours solennels, le Président a rendu hommage à « la résistance » incarnée par le soldat inconnu, un sacrifice pour la « terre charnelle et spirituelle qu’est le sol de France ». Un peu de Péguy pour commencer (« Heureux ceux qui sont morts… ») : on commence par du catholique social, bien joué. Macron enchaîne avec les croyances et opinions multiples des héros des guerres françaises (puisque le 11 novembre, et c’est une bonne idée, est devenu le jour de la commémoration des morts de toutes les guerres) : « des protestants et des musulmans, des catholiques et des juifs », « des francs-maçons », « des agnostiques », bref, un remix de « Celui qui croyait au Ciel/ Celui qui n’y croyait pas » d’Aragon. Habile. Enfin, notre bon maître annonce que, le 11 novembre au soir, une « veillée patriotique et populaire » sera organisée pour la première fois cette année, avec la projection d’un son et lumière. Un petit mélange entre Malraux et Villiers, pour finir.

Emmanuel Macron, en somme, n’a rien dit du tout, comme d’habitude. Ceux qui l’ont trouvé brillant sont ceux qui ne connaissent pas les références culturelles qu’il a pillées. Ceux qui lui trouvent la stature d’un homme d’Etat ne savent plus de quoi ils parlent. Le 11 novembre est trop grand pour lui. En tous les cas, qu’il nous soit permis d’avoir ici une pensée pour tous ceux (tiens, c’est drôle, cette fois, pas de « celles-et-ceux ») qui ont donné leur vie pour que la France reste ce qu’elle est. C’est peut-être la dernière leçon de cette cérémonie : à l’heure de l’inclusion de tout et n’importe quoi, les Poilus, sans doute les plus admirables soldats de ces derniers siècles, sont morts par centaines de milliers pour qu’on ne vive pas « ensemble » : pas par xénophobie, mais avec le sentiment bien compris qu’un pays était effectivement une terre « charnelle et spirituelle ». Il ne suffit pas de le dire pour l’incarner.

Arnaud Florac, Boulevard Voltaire

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