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Selon les éléments d’enquête dont nous [Le Parisien] avons pris connaissance, les premières constatations techniques semblent affaiblir la thèse d’une « bavure policière », largement répandue sur les réseaux sociaux et dans les banlieues. Ce que confirme la procureure de Nanterre (Hauts-de-Seine), Catherine Denis : « L’exploitation d’une nouvelle vidéo accrédite la version des policiers. Elle montre que leur véhicule était bien à l’arrêt et que le motard est arrivé très vite en changeant de trajectoire. »
«Il roulait à vive allure, en faisant des runs»
Ce 18 avril, vers 21h30, Mouldi C., jeune père de famille sans emploi, quitte son appartement de Villeneuve-la-Garenne et enfourche sa motocross jaune rangée dans sa cave. Il s’agit d’un modèle de 80 cm3, révisé le matin même, mais non homologué. Le jeune homme [30 ans ndlr] ne dispose pas du permis adéquat pour le conduire. « Je voulais me détendre un peu, je suis sorti de chez moi juste pour faire un aller-retour », explique-t-il aux enquêteurs. Déjà verbalisé à trois reprises pour avoir bravé le confinement, Mouldi C. admet être sorti une nouvelle fois sans attestation ni motif légitime. La nuit est tombée et il circule, par ailleurs, sans casque ni feux.
Arrivé sur l’avenue de Verdun, dont les deux sens sont séparés par une voie de tramway, le jeune motard prend la direction de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), avant d’opérer un demi-tour au niveau d’un laboratoire médical. Le voilà sur la même voie qu’une voiture de police noire banalisée, avec à bord trois policiers de la BAC des Hauts-de-Seine, stationnée à des dizaines de mètres plus loin, à un feu rouge. « Il roulait à vive allure, en faisant des runs et en actionnant excessivement son régime moteur », affirme l’un des fonctionnaires lors de son audition.
Sur la voie serrée dans le sens Saint-Denis, Mouldi C., qui estime sa vitesse entre « 50 et 70 km/h », emprunte la piste cyclable dans l’intention, dit-il, de doubler la Volkswagen Passat par la droite, « doucement ». « Lorsque j’arrive au niveau de la voiture, j’ignorais que c’était un véhicule de police, développe le jeune homme devant les enquêteurs. Je vois la portière avant-droite s’ouvrir, j’essaie de freiner le plus fort possible pour éviter le choc, et là, je la prends. Je ne me souviens plus des secondes suivantes, en dehors d’être au sol et de ressentir de vives douleurs. »
Les policiers, eux, se souviennent d’avoir entendu la moto de Mouldi C. se rapprocher. « J’ai donc décidé de mettre pieds à terre afin de procéder à son contrôle, relate le chef de bord sur procès-verbal. J’ai ouvert ma portière et avant d’avoir pu m’extraire du véhicule, je constate que le deux-roues la percute violemment et chute lourdement au sol. J’ai été tellement surpris que j’ai fait un mouvement de recul à l’intérieur du véhicule. » Mouldi C. est projeté et heurte violemment un poteau.
« Je touche sur ma jambe un liquide chaud qui était donc mon sang. Je ne vois pas la plaie en elle-même. J’étais dans le gaz », se remémore-t-il. Pendant que l’un des policiers lui pose un garrot, une foule de badauds se réunit, filme la scène au smartphone et dénonce « une bavure policière ». La fracture ouverte du jeune motard est si impressionnante que l’un hurle, à tort, que « la jambe est arrachée », contribuant à enflammer les appels à la vengeance sur Internet.
[…] Mouldi C. insiste : « Je ne suis pas responsable de l’accident. […] Si la porte n’avait pas été ouverte, je serais passé large. » Le fonctionnaire, lui, conteste fermement avoir eu l’intention de le blesser, expliquant avoir eu lui-même peur d’être « percuté ». « Lorsque j’ouvre la portière pour mettre pied à terre, le feu tricolore était toujours rouge », insiste-t-il.
L’exploitation d’une caméra de vidéosurveillance de la ville de Villeneuve, bien qu’assez éloignée de la scène, confirme en tout cas que Mouldi C. « a accéléré fortement » avant la collision. Et, plus troublant, elle laisse penser qu’il a bifurqué au dernier moment. […]
Par ailleurs, les premiers constats sur la Passat des policiers montrent que l’impact a eu lieu sur la tranche de la portière et non en plein milieu de celle-ci. « Vu la localisation des traces et des enfoncements, il semble logique de dire que le choc a eu lieu alors que la portière n’était pas totalement ouverte », notent ainsi les enquêteurs.
Sollicité, l’avocat des trois policiers de la BAC, Me Thibault de Montbrial, réagit : « Ces premiers éléments paraissent établir que l’accident résulte uniquement des imprudences du motard. » Selon nos informations, une autre vidéo de la ville montre Mouldi C. effectuer des « zig-zag » entre les voitures, griller des feux tricolores et rouler à vitesse excessive, en sens inverse et debout sur sa moto dans Villeneuve-la-Garenne cinq heures à peine avant l’accident.
En outre, une analyse toxicologique a mis en évidence un taux d’1,7 ng/ml de THC dans le sang du suspect, ce qui indique qu’il était sous l’emprise du cannabis au moment des faits. […]
« Ces éléments ne contredisent pas la version de mon client selon laquelle le policier a ouvert la portière au dernier moment dans l’intention de le faire tomber, d’où l’impact au niveau de la tranche, maintient l’avocat de Mouldi C., Me Stéphane Gas. Il n’a pas pu éviter la collision. » […]