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Au bout de trois ans et demi de détention, alors qu’il avait été condamné à sept ans de réclusion, l’agresseur de Marin vient d’obtenir une libération conditionnelle. Il avait violemment tabassé le jeune Lyonnais qui s’était interposé lors de l’agression d’un couple. La victime en garde de lourdes séquelles physiques et neurologiques.
Réaction de Philippe Bilger au micro de Boulevard Voltaire.
L’individu qui avait agressé extrêmement violemment et rendu handicapé le jeune Marin serait prêt à sortir de prison, c’est en tout cas ce qu’a décrété un juge d’application des peines. Cette décision n’est-elle pas surprenante, alors qu’il est libéré au bout de quatre ans de prison au lieu des sept ans et demi auxquels il avait été condamné ?
Je ne comprends pas cet étonnement puisque notre pratique française de l’exécution des peines fait qu’aucune peine n’est exécutée intégralement dans l’enfermement. Nous avons un système que je qualifierais de l’inexécution des peines. Je ne vois aucune raison théorique ni pratique pour que les jugements des tribunaux correctionnels, les arrêts des cours d’appel et les arrêts des cours d’assises ne soient pas exécutés intégralement. J’irais donc jusqu’à dire qu’en matière d’exécution des peines, les juges de l’application des peines devraient être remplacés par les directeurs d’établissements pénitentiaires, qui sont infiniment plus doués pour appréhender la psychologie des détenus.
Cette décision n’est donc pas surprenante, mais est-il normal qu’en France, en 2020, on puisse être condamné à si peu de prison pour un fait aussi grave et, surtout, être relâché aussi rapidement ?
Il est absolument anormal que quelqu’un qui a été condamné à sept ans et demi de prison, et pour des actes infiniment graves, sorte aussi rapidement. Sept ans et demi pour une agression de cette nature, non seulement ce n’est pas exagéré, mais cela appellerait une exécution intégrale de la peine. Alors, pourquoi cette peine est-elle coupée par une libération conditionnelle ? On vient nous dire que c’est pour favoriser la réinsertion du condamné, mais un tel argument est-il valable, alors que la sanction qui a été édictée était tout à fait équilibrée et aurait dû être exécutée intégralement ?
Est-ce que, lorsqu’on octroie cette libération conditionnelle au bout de trois ans et demi, on ne va pas, au contraire, persuader cet individu qu’il peut, au fond, faire n’importe quoi, puisque la peine initiale est amendée de telle manière qu’il va avoir le sentiment que la seule sanction, c’est celle qu’il a déjà exécutée en prison ? Tout cela est abracadabrant.
Cette liberté conditionnelle ne va donc pas favoriser sa réinsertion. Si, comme vous le dites, il n’y a que l’enfermement et la prison qui soient vus comme une punition, le libérer avant la fin de sa peine, c’est compromettre sa réinsertion…
La réinsertion ne doit être envisagée que lorsque le condamné a purgé l’intégralité de sa peine. Je ne vois pas au nom de quoi ces deux notions seraient contradictoires, et on ne se pose d’ailleurs pas la question de l’impression que la mansuétude procédurale et judiciaire ferait à cet individu. Nous avons un dispositif qui pèche non seulement par sa nature, mais aussi par son application. Je pense au contrôle judiciaire qui pourrait être une excellente méthode à condition que, lorsqu’il est violé, il y ait la réincarcération prévue. Or, ça n’est pas le cas. Le terreau procédural qui est mis à la disposition des magistrats est peut-être pertinent, mais il ne le deviendrait véritablement que s’il était appliqué dans toute sa plénitude et toute sa rigueur. On peut condamner un voleur de pommes à un mois avec sursis à condition que, s’il commet un cambriolage ensuite, le mois avec sursis soit révoqué. C’est beaucoup plus dans l’application des dispositifs que nous avons un problème, et la libération conditionnelle au bout de trois ans et demi d’un homme qui a commis des actes graves et qui a été condamné à sept ans et demi de prison est un scandale. Imaginons que cet homme récidive durant sa libération conditionnelle. Ce sera un autre problème, puisque nous avons un régime de responsabilité qui exonérera totalement le magistrat qui a pris cette décision aujourd’hui aberrante.
Cet individu a été rappelé à l’ordre à quinze reprises durant son incarcération. Il n’a fait preuve d’aucun bonne volonté !
Si on considère qu’une libération conditionnelle est acceptable dans certaines circonstances, elle impose naturellement un comportement exemplaire en prison. Si ce n’est pas le cas, c’est encore plus absurde. Mais qui, dans les grands médias, va s’intéresser au scandale de cette libération conditionnelle accordée à un homme qui s’est tenu en prison de manière lamentable ?