Boulevard Voltaire
Il paraît que notre Président n’a pas employé le terme de « confinement » parce qu’il l’a jugé trop imprécis et anxiogène. Délicate attention ! Mais deux heures après son discours, ses proches l’ont employé à gogo. De qui se moque-t-on ? On ne lésine pas, en revanche, sur l’expression technocratique de « distanciation sociale », qui n’est pas immédiatement compréhensible et a une résonance inhumaine. Ce gouvernement, qui n’a que le mot « pédagogie » à la bouche, est décidément un bien mauvais professeur. Malheureusement, c’est là son moindre défaut !
Ces maladresses dans la communication ne relèvent pas seulement de l’incompétence du pouvoir actuel. Elles témoignent aussi de la volonté d’occulter sa responsabilité dans les failles du dispositif de prévention contre l’épidémie. On apprend aussi que, si les mesures de confinement sont généralement respectées, certains quartiers y sont particulièrement rebelles. Le Parisien rapporte que, jeudi, dans la ville de Trappes, un contrôle a dégénéré et trois policiers ont été blessés. Lors de l’incident, une policière s’est même fait cracher sur elle. Faut-il s’en étonner de la part de personnes qui ne reconnaissent pas la loi française ?
Et, bien sûr, les forces de l’ordre ne disposent pas systématiquement de masques. Pire : la préfecture de police de Paris aurait demandé à tous les effectifs employés sur le terrain de retirer leurs masques. Le gouvernement a longtemps caché la pénurie de ce moyen de protection, avant que les événements ne le contraignent à reconnaître, peu à peu, la vérité. Selon le ministre de la Santé, en 2011, on aurait décidé de ne plus avoir de stocks, puisqu’on pouvait facilement s’en procurer en Chine. La seule chose qu’on n’avait pas prévue, c’est que le coronavirus paralyserait ce pays.
Le gouvernement a beau dire qu’il n’est pas responsable de la situation, il n’en reste pas moins que, depuis que l’on connaît les dangers de cette épidémie, rien d’efficace n’a été décidé pour faire de l’acquisition de masques une priorité. Les autorités politiques pèchent par leur absence d’anticipation. Quand on pense que les personnels soignants, dans les hôpitaux, sans compter les infirmiers libéraux, les kinésithérapeutes, les dentistes… manquent de masques, on reste coi devant l’inaction du gouvernement.
Et que dire des employés de supermarchés, des caissières, des ouvriers du BTP – que Muriel Pénicaud ose accuser de « défaitisme » – et de bien d’autres encore ?
Le summum de l’indécence, c’est que l’exécutif, au lieu de faire preuve de modestie et d’admettre ses erreurs, tend à reporter sur d’autres la responsabilité de la situation. C’est la faute de leurs prédécesseurs ! C’est la faute des Français indisciplinés ! C’est la faute des voleurs de masques ! On prétend que des dépistages plus nombreux sont inutiles parce qu’on n’a pas les moyens de les pratiquer à grande échelle. Nos dirigeants veulent qu’on leur fasse confiance et qu’on leur accorde tous les pouvoirs pour lutter contre le coronavirus. Mais leur accorder sa confiance, quand ils ont tant failli, ne va pas de soi.
Certes, dans la conjoncture actuelle, on n’a pas d’autre possibilité que d’accepter les mesures de contrainte qui ont été imposées et qui vont sans doute se durcir. C’est peut-être le plus grand sacrifice demandé aux Français que d’être obligé de soutenir des gouvernants défaillants, pour que la situation n’empire pas. Mais quand la crise sanitaire sera passée, il faudra leur demander des comptes.