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Patrick Buisson, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, avait pourtant prévenu Zemmour : « Relis la Bible. Un prophète ne peut pas être roi. » Il n’a pas écouté. Il se sentait investi d’une mission. Au départ, cela semblait plutôt bien parti. Une entrée en campagne fracassante, des sondages inespérés et puis la dégringolade. Macron réélu, Marine Le Pen qui triomphe aux législatives et Reconquête qui disparaît des radars. « Gueule de bois pour les militants d’Éric Zemmour », écrivait Valeurs actuelles, le 24 juin dernier. Voilà, c’est fini. On n’en parle plus et on passe à autre chose. Le camp du Bien se frotte les mains.
Peut-être un peu trop vite, même s’il est vrai que les histoires de prophète finissent mal en général. Cela se comprend. Ils annoncent de grands bouleversements et appellent leurs communautés à un changement radical. Qui veut entendre leurs messages anxiogènes, en dehors d’une poignée de convertis ? Personne. Et d’ailleurs, la plupart du temps, on finit par chasser ces importuns. On les lapide ou on les envoie au désert.
Le prophète fait scandale car il s’en prend toujours aux idoles du moment. Il ne respecte pas les convenances et dit ce qui est interdit. C’est un briseur de tabous. Zemmour n’a-t-il pas osé parler de « Grand Remplacement » ? Les grands prêtres de la bien-pensance en ont frémi d’horreur.
Car cette transgression était dangereuse. Soudainement, la parole risquait de se libérer. Impardonnable pour les maîtres censeurs qui veillent à ce que trois grands interdits ne soient jamais publiquement évoqués : l’islam, l’immigration, l’insécurité.
Et pourtant, alors que seul le sujet du pouvoir d’achat avait été autorisé, on assistait, avec Zemmour, au retour du refoulé dans un univers politique et médiatique toujours plus corseté, contrôlé, censuré.
Son échec a permis un retour à la normale. Suffit-il, cependant, d’enterrer Zemmour pour que les problèmes disparaissent ? Les événements du Stade de France sont venus brutalement rappeler le contraire. Sans oublier l’explosion des tenues communautaristes à l’école ou encore les craintes d’un déferlement migratoire sur l’Europe du fait des risques de famines.
Le réel revient toquer à la porte, et chaque fois un peu plus fort. Mais la tentation est grande de la laisser encore fermée. De ne toujours pas faire face et de continuer à se mentir ou à euphémiser. Un grand refoulement collectif.
Excès de pessimisme ? Le renouvellement de l’Assemblée nationale, avec quatre-vingt-neuf députés RN dans l’Hémicycle, ne vient-il pas changer la donne ? C’est ici que l’on aborde les sujets qui fâchent.
Sortons des procès d’intention et des polémiques qui ont déchiré le camp national et partons juste des constats suivants : le Zemmour prophète a fait le choix de se focaliser sur les enjeux civilisationnels et sécuritaires avec les conséquences que l’on connaît. À l’inverse, Marine Le Pen a poursuivi sa stratégie de dédiabolisation et privilégié les questions sociales. Avec le succès que l’on sait. La thématique du pouvoir d’achat a donc fini par l’emporter. Et la situation inflationniste ne fera que renforcer le monopole de cette thématique dans les mois à venir. Les trois grands tabous (islam, immigration, insécurité) se retrouvent donc, à nouveau, mis de côté.
C’est ici que le piège de la dédiabolisation risque de se refermer sur le RN. Comment réimposer ces thématiques dans le débat politique sans prendre le risque de faire échec à la « normalisation » et à la « notabilisation ». En réalité, si le cordon sanitaire s’est effacé au bénéfice du RN lors des dernières législatives, il se maintient encore bien fermement autour des trois grands tabous.
C’est d’ailleurs ce que reconnaît implicitement Hervé Juvin, député européen (Identité et Démocratie) proche du RN. Dans Le Point du 6 juillet dernier, il analyse les résultats des législatives et explique que le RN « n’a rien d’un parti extrémiste » et que « pour devenir un parti de gouvernement, le RN a trouvé des points d’équilibre ». Il ajoute : « Son discours s’est adapté à la restriction du champ autorisé des débats et des opinions, un champ qui s’est extraordinairement réduit sous l’effet d’une censure informelle, mais efficace, et qui ne cesse de se resserrer. »
Tout est dit. Comment sortir alors de ce piège qui interdit d’évoquer certains thèmes sous peine de basculer à nouveau dans le camp des réprouvés ? C’est le danger du grand refoulement et le vrai défi de la droite nationale.
Frédéric Lassez, dans Boulevard Voltaire
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