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Deux papiers se télescopent dans Le Figaro qui invitent à la réflexion. Le premier traite des prénoms, le second de la prostitution des mineurs. Quel rapport, me direz-vous ? Aucun, a priori. Plutôt une comparaison : alors que les prénoms restent cantonnés à un groupe social sans aucune porosité, la prostitution des mineurs, elle, touche tout le monde sans distinction aucune de milieu.
S’agissant des prénoms, Le Figaro a exploré les annonces de décès publiées dans ses pages. La liste des « enfants, gendres et belles-filles, petits-enfants, arrière-petits-enfants » généralement déroulée dans ces longs faire-part « permet d’identifier les prénoms les plus donnés à chaque génération, ainsi que les plus emblématiques d’une certaine bourgeoisie ». Le quotidien n’affiche pas ses tarifs, il faut les lui demander… mais l’auteur de l’article le reconnaît : « Le type de lectorat du Figaro mais aussi le tarif à la ligne favorisent la surreprésentation d’une catégorie sociale élevée au sein de ces annonces. » C’est même tout l’intérêt de cette enquête : voir si la haute bourgeoisie tient toujours son rôle de prescripteur au sein de la population française.
En effet, il y a un petit siècle, dit le sociologue Baptiste Coulmont, « si Monsieur et Madame de La Rochefoucauld choisissaient pour leur fille le prénom de Simone, on retrouvait ce prénom dans des familles ouvrières d’Orléans ou Toulouse quelques décennies plus tard ». Ce temps est révolu. « Certains prénoms ne franchissent plus les frontières », et de citer en exemple Augustin, qui « n’arrive pas à franchir le périphérique ». Les Français ont d’autres prescripteurs et piochent plutôt dans le cinéma, les séries télé et la variété pour choisir les prénoms.
Pas de porosité en matière de prénom, donc, chacun reste dans son « quant-à-soi ». En revanche, il en va tout autrement de la prostitution des mineurs qui, elle, se répand dans toutes les classes sociales. C’est un véritable fléau qui transcende les milieux et est en constante augmentation, comme en témoigne le rapport remis, ce mardi, au secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles par un groupe d’experts, et dont les conclusions devraient conduire à un « plan national de lutte contre la prostitution des mineurs » dès octobre prochain.
Le constat est plus qu’alarmant : le phénomène concerne de 7.000 à 10.000 adolescents en France, parfois dès 12 ans. Depuis 2016, la progression a été de 70 %, dit la procureure générale près la cour d’appel de Paris qui a présidé le groupe de travail. « Ce sont très majoritairement des jeunes filles, de 15 à 17 ans en moyenne, vulnérables, provenant de tous les milieux sociaux et qui peinent à prendre conscience de leur statut de victimes », dit-elle. Ces jeunes ne se considèrent pas comme prostituées mais affirment, pour la plupart d’entre elles, « agir par choix », parlant de « michetonnage » ou d’« escorting », et mettant en avant l’attrait de « l’argent rapide ». « Ce qui est nouveau, dit la procureure Catherine Champrenault, c’est que ce n’est plus une activité de survie – à part pour les mineurs non accompagnés – mais presque une activité de promotion sociale. »
Elle pointe ainsi les ravages de « l’effet Zahia », cette jeune prostituée offerte en cadeau d’anniversaire à des footballeurs de l’équipe de France, devenue depuis égérie des milieux de la mode et qui continue de faire les beaux jours de la presse people en posant les fesses à l’air pour éplucher des légumes ou se promener en nuisette sur la plage.
Qu’en disent les féministes ? Rien, bien sûr, puisque cela contrevient à leurs clichés. Pour preuve : une étude du département du Nord « fait apparaître qu’un mineur sur deux reconnaît des aspects positifs à la prostitution, le premier étant l’autonomie financière »…
Quand on fait du consumérisme l’alpha et l’oméga de la vie citoyenne, il ne faut pas s’en étonner.
Marie Delarue, Boulevard Voltaire