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Tous deux ont du courage : il en faut chez Le Maire pour affronter un Zemmour qui en a dévoré plus d’un, il en faut chez Zemmour, ancien journaliste politique, pour contrer le ministre des Finances sur son terrain. Tous deux ont une vraie culture, un amour de la langue et de la littérature et une passion pour la politique. Tous deux caressent la plume, écrivent des livres. Tous deux se disent de droite, dans la veine chiraquienne. Et pourtant, tout les sépare. Plus jeune de dix ans que Zemmour, Le Maire a réussi l’ENA où Zemmour a échoué, il a obtenu le prestigieux diplôme de Normale supérieure quand Zemmour se « contente » de Sciences Po. Surtout, ces deux brillants littéraires n’ont pas pris la même voie. Le Maire, qui rêvait de maroquin, en a obtenu un auprès de Macron au prix du lâchage en rase campagne de sa famille politique de droite. Pour l’ancien ministre de l’Agriculture sous Sarkozy et Fillon, Bercy vaut bien une messe. Issu de la bonne société de l’Eure, Le Maire sert le pouvoir en place si funeste à la France sans le moindre état d’âme. Il en est l’un des piliers. Venu d’un milieu bien plus modeste, Zemmour a choisi l’opposition frontale à un gouvernement dramatique en termes d’immigration ou d’endettement, pour ne citer que deux chapitres parmi bien d’autres. Les deux personnalités qui s’opposent frontalement sur France 2 font irrésistiblement songer à la fable de La Fontaine Le Loup et le Chien. L’un est gras et gros mais attaché à la chaîne macroniste, l’autre affamé et jamais en sécurité mais libre. Le Maire est trop intelligent et fin pour ne pas en ressentir la piqûre d’orgueil. Zemmour trempe depuis trop longtemps dans la politique pour ne pas ressentir vis-à-vis d’un Le Maire un peu d’envie. Lorsque Le Maire débat avec l’ex-journaliste du Figaro, d’autres démons troublent sa pensée. Qu’on l’aime ou non, qu’on le soutienne ou pas, son contradicteur Zemmour vend ses livres par centaines de milliers, assemble sur son nom près de 15.000 partisans à Villepinte et suscite une ferveur qu’on n’avait pas vue à droite depuis Jean-Marie Le Pen et Sarkozy. Bruno Le Maire peine à vendre ses romans, n’assemble personne et ne suscite pas la moindre ferveur. Or, c’est évident, le ministre considère qu’il a l’expérience, le talent, l’étoffe et l’ambition d’être non pas le Zemmour mais le Macron de demain. Un candidat du centre, chic, crédible, fréquentable et expérimenté. Un candidat à l’ancienne, respectable, avec le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Zemmour lui servira d’escalier, calcule-t-il. Il compte sur ce débat pour décrocher auprès du public ce supplément d’âme, cette étincelle de brio qui créera l’envie, enfin. Mais voilà, les Français et les téléspectateurs se moquent bien des rêves de puissance de Bruno Le Maire. Ils n’ont que faire de ses stratégies de carrière. Eux regardent le destin du pays, son état pathétique, ils voient bien « qu’il y a grande misère au royaume de France », comme disait Jeanne d’Arc. Et cette misère, c’est la leur, c’est celle de leurs parents, c’est celle de leurs enfants. Ce qu’ils soupèsent, c’est le potentiel de dévouement des deux personnages à leur pays. Qui est prêt à sacrifier sa carrière pour la France ? Et qui à sacrifier la France pour sa carrière ? À cette aune, l’homme qui sert Macron et considère avec mépris le Rassemblement national porte un handicap lourd, très lourd.
Marc Baudriller, Boulevard Voltaire