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Pour Le Monde du 3 novembre dernier, le « Grand Remplacement » est non seulement une « thèse », mais – horreur – une « thèse complotiste », et le drame est qu’elle « chemine avec Éric Zemmour ». Pour l’inventeur de cette appellation, Renaud Camus, c’est une réalité : « Le Grand Remplacement crève les yeux, il faut être aveugle pour ne pas le voir. » Peut-être serait-il bon, avant d’enchaîner les épithètes et les jugements – et d’agiter les peurs -, de vérifier les faits : alors, Grand Remplacement ou pas ? Que disent les chiffres ?
Autorisées ou pas, les statistiques, par exemple des prénoms donnés aux nouveau-nés, valident objectivement la réalité, jugée par certains trop subjective, du « ce que je vois » ou du « crève les yeux » de Renaud Camus. Et la nouveauté, en ces temps « zemmouriens », c’est que des chercheurs – géographes, sociologues, politologues – prennent ces chiffres au sérieux sans aussitôt dégainer les adjectifs inquisitoriaux. Ainsi Jérôme Fourquet s’est-il penché, dans Le Figaro, dans une série d’enquêtes sur les mutations sociologiques et électorales françaises, sur le sort du célèbre 9-3 sous le titre : « En Seine-Saint-Denis, la dislocation de la banlieue rouge. »
Si son analyse électorale repose sur la constatation bien connue de l’effondrement « spectaculaire » du communisme dans ce département (27 mairies en 1977, 6 en 2020), son originalité est de la mettre en parallèle avec l’ascension tout aussi spectaculaire de l’islam : « Marx versus Mahomet ». Et les chiffres qu’il donne sont, là encore, implacables : « Avec 27 permanences communistes contre 82 mosquées, le PC est désormais nettement surclassé par l’islam pour ce qui est de la capacité à imposer l’hégémonie culturelle dans le cœur de l’ancienne banlieue rouge. » Il ne s’arrête d’ailleurs pas à la recension des lieux de culte pour mesurer cette omniprésence islamique en banlieue : « Les nombreux commerces halal, les mosquées et salles de prière ainsi que les modes vestimentaires (niqab et jilbab pour les femmes, qamis et barbe pour les hommes) attestent, quant à eux, de la prégnance de la couche musulmane en cours de sédimentation depuis une trentaine d’années dans ce département, comme dans de nombreuses banlieues et quartiers populaires partout en France. Dans certains de ces territoires, c’est même l’idéologie islamiste radicale qui s’est enracinée. »
Jérôme Fourquet fait aussi le constat que du passé communiste, tout comme du passé chrétien de ces territoires, ne subsistent que des noms : Saint-Denis ou les noms de rues imposés par les mairies communistes. Le choc de ce qui est bien le remplacement d’une culture par une autre se manifeste, par exemple, par l’affaire de la mosquée d’Allonnes, dans la banlieue du Mans (Sarthe), qui a été fermée pour radicalisation religieuse et apologie d’actes terroristes, il y a un mois. « Cette mosquée était hébergée dans le centre interculturel Yvon-Luby, espace portant le nom du maire communiste qui dirigea la ville de 1977 à 2008, et dont le buste, autre composante de cette “couche vermeille”, trône sur l’esplanade située devant ce centre. » C’est à ces vestiges que l’on mesure le « remplacement ».
Pour éviter tout procès en sorcellerie « renaudcamusienne », Fourquet prend soin de citer une phrase de Philippe Subra, un géographe qui décrivait, en 2004, la situation du 9-3 en utilisant le verbe « remplacer ».
Finalement, « Grand Remplacement » est une expression assez juste qui décrit objectivement une réalité sociologique, démographique, culturelle et religieuse, et qui ne devrait susciter ni injures ni judiciarisation. Ce n’est pas une thèse. L’ironie de toute cette histoire du Grand Remplacement est que ses victimes, en l’occurrence les communistes, en sont en même temps les plus grands négateurs. Encore un effort, camarades !
Frédéric Sirgant, Boulevard Voltaire