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Il est parfois bon de porter un regard rétrospectif sur les grandes arnaques du passé afin de mieux comprendre celles du présent. Rassurez-vous, nous éviterons « le » sujet qui fâche…
Revenons simplement 20 ans en arrière – ou presque : en 2003 précisément – sur la manière dont les États-Unis ont orchestré l’énorme bobard des « armes de destruction massive » irakiennes afin de justifier l’invasion et la destruction totale de l’Irak, lors de ce qu’on a appelé la « seconde guerre du Golfe ». Un cas d’école.
Cette guerre, également nommée « Opération Liberté irakienne » par les vainqueurs, est menée tambour battant par les États-Unis, à la tête d’une coalition regroupant une dizaine de pays vassaux (Grande-Bretagne, naturellement, mais aussi Australie, Pologne, Corée du Sud, Italie, Géorgie, Ukraine, Pays-Bas, Danemark, Espagne, Portugal…).
L ’« Opération Liberté irakienne » débute le 20 mars 2003 et s’achève le 1er mai suivant.
Quarante jours qui auront suffi, non seulement pour rayer de la carte le pouvoir baasiste (laïc) de Saddam Hussein – exécuté à Bagdad par pendaison le 30 septembre 2006 à l’issue d’un procès que de nombreux juristes ont dénoncé comme « foncièrement inéquitable » : https://www.hrw.org/fr/news/2006/11/19/irak-le-proces-pour-le-massacre-dal-dujail-entache-de-graves-irregularites –, mais également pour renvoyer l’Irak – un pays qui, au début des années 90, jouissait d’un niveau de vie élevé et bénéficiait d’un haut système de protection sociale – à l’âge de pierre, en créant ainsi les conditions de l’émergence de l’État Islamique dans la région.
Rappelons en particulier que plusieurs centaines de milliers d’enfants irakiens sont morts de malnutrition et de manque de soins lors de l’embargo américain qui a frappé le pays : https://fr.sputniknews.com/international/201803201035589211-madeleine-albright-morts-enfants-irak/
Même si le chiffre de 500 000 victimes avancé par l’Unicef à l’époque a pu être revu à la baisse par la suite : https://www.lepoint.fr/monde/500-000-enfants-morts-a-cause-de-l-embargo-saddam-hussein-avait-menti-07-08-2017-2148603_24.php
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Intéressons-nous à la manière dont la propagande des années 2001-2003 a préparé l’opinion publique mondiale à cette guerre, présentant Saddam Hussein comme un Grand Satan détenteur d’armes de destruction massive absolument terrifiantes (nucléaires, chimiques, bactériologiques), en lien étroit avec Al Qaïda, considéré à l’époque comme l’unique auteur des spectaculaires attentats du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center de New York.
Le fameux discours de Colin Powell, le 5 février 2003, devant le Conseil de sécurité des Nations unies restera pour longtemps encore un des archétypes du mensonge d’État :
Dans son intervention de 80 min, le secrétaire d’État présente un épais dossier à charge contre le régime de Saddam Hussein, contenant selon lui des « preuves irréfutables » relatives à l’existence d’armes de destruction massive en Irak.
« Il ne fait aucun doute, déclare Powell, que Saddam Hussein possède des armes biologiques et la capacité de produire rapidement plus, beaucoup plus », ajoutant : « Il ne fait aucun doute dans mon esprit que Saddam travaille pour obtenir des composants clefs pour produire des armes nucléaires ».
Les images appuyant la « démonstration » sont consternantes de naïveté : on y voit entre autres un modeste cylindre de métal, censé être le début des prémices des terribles bombes atomiques en préparation dans les centres de recherche nucléaire du régime baasiste. Ou encore un banal drone dont la photo – non sourcée – « n’a pas pu être prise en Irak », précise curieusement Powell…
Les inspecteurs dépêchés sur place par la « communauté internationale » n’ont rien trouvé ? Normal, explique Powell : Saddam Hussein a fait soigneusement disparaître toute trace avant leur venue.
[…]
Le clou du spectacle : Powell se met à brandir sous les yeux médusés de la docte assemblée une petite fiole censée contenir de l’anthrax, produit – toujours selon Powell – en quantité industrielle par les laboratoires secrets du régime irakien…
Colin Powell n’est pas l’auteur de ce discours calamiteux. Il s’est contenté de lire – avec un réel talent persuasif, reconnaissons-le – un document préparé par Lewis Libby, directeur du cabinet du vice-président Dick Cheney.
Selon U.S. News & World Report, découvrant ce discours au contenu problématique, Colin Powell aurait regimbé : « Je ne vais pas lire ça. C’est de la m… ! »
En 2005, interrogé par la chaîne ABC, Powell exprima son « amertume » à propos de sa présentation du dossier irakien devant l’ONU, reconnaissant que cette ridicule prestation faisait « tache » dans sa carrière.
En 2011, Colin Powell demanda à la CIA et au Pentagone des « explications » sur les fausses informations qui lui avaient été communiquées en 2003. Il paraît vraisemblable que ces fausses informations sont en fait venues de l’OSP, l’Office of special plans, dirigé par Abraham Shulsky. L’OSP qui « doublait » la CIA en matière de propagande.
Selon certaines sources, le dossier soutenu ce 5 février 2003 par le général Powell aurait été préparé par les services secrets britanniques. C’est en tout cas ce qu’ont avancé des médias britanniques le 8 février, soit trois jours seulement après le discours surréaliste du secrétaire d’État américain.
https://www.ege.fr/infoguerre/2004/01/armes-de-derision-massive-bilan-annuel
Une convergence des sources n’est pas exclue…
Ce malheureux épisode n’a manifestement pas éclairé la jugeotte de l’infortuné Colin Powell : en juin 2020, ce dernier estima que le Président Donald Trump « mentait sur plein de choses » et qu’en conséquence, il soutenait le candidat démocrate Joe Biden.
Qui, en tant que Démocrate, ne ment jamais, c’est bien connu…
Comment disaient les Anciens déjà ? Ah oui : errare humanum est, perseverare diabolicum…
Henri Dubost, Riposte Laïque