«Conte dit à une Europe morte d’aller se faire foutre», divorce à l’italienne entre Rome et l’UE?

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Sputnik

La décision prise par l’Union européenne (UE) de reporter l’examen de mesures plus fortes afin d’atténuer les conséquences économiques et sociales dramatiques liées à l’épidémie de coronavirus passe très mal en Italie. Pour une partie de la presse, Bruxelles abandonne la péninsule à son sort. Elle n’hésite pas à parler d’une UE «laide» et «morte».

«Si l’UE ne se met pas d’accord, le projet européen est terminé.»

Jamais le pourtant pro-européen Corriere della Sera n’avait été si catégorique sur l’avenir d’une Union européenne plus que jamais fragilisée par la crise du coronavirus. Le quotidien italien, le plus diffusé du pays, a très mal pris la récente décision des 27. Réunis en visioconférence le 26 mars, les pays membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur des mesures fortes visant à apporter un soutien aux nations les plus touchées par la terrible épidémie de coronavirus.

La presse italienne déchaînée

Pays qui paie le plus lourd tribut au monde, l’Italie a déjà enregistré près de 8.200 décès liés au Covid-19. Quasiment à l’arrêt depuis le 10 mars et le début du confinement, la Botte paie le prix fort au niveau sanitaire comme économique.

À plusieurs reprises, le Premier ministre italien Giuseppe Conte a demandé à l’Union européenne de faire tout son possible pour aider son pays. Il a notamment, avec l’appui de la France, proposé la création de «coronabonds» qui mutualiseraient la dette des États membres. Une option que réfutent plusieurs pays du nord de l’Europe, Allemagne en tête.

«Nous avons dit, du côté allemand, mais aussi de la part d’autres participants, que ce n’était pas la conception de tous les États membres» d’émettre ces emprunts européens communs pour soutenir l’économie, a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel à l’issue du sommet.

Cette dernière a notamment réaffirmé sa «préférence pour le MES» ou Mécanisme européen de stabilité, un fonds de secours créé en 2012 lors de la crise de la dette et doté d’une capacité de prêt de 410 milliards d’euros. Lors du sommet, Giuseppe Conte, visiblement agacé par le manque de soutien de ses partenaires européens, est allé jusqu’à menacer de refuser de signer la déclaration commune si les autres pays de l’UE n’adoptaient pas des mesures fortes, «avec des instruments financiers innovants et réellement adéquats pour une guerre que nous devons mener ensemble». Une prise de position qui a eu pour effet de pousser les 27 à «présenter des propositions dans un délai de deux semaines».

Pas de quoi satisfaire le Corriere della Sera qui parle d’accord «a minima». Le quotidien fustige une «union qui ne fait pas la force». Il Fatto Quotidiano va même plus loin en titrant:

«Conte dit à une Europe morte d’aller se faire foutre.»

Même son de cloche du côté du pro-européen La Repubblica, qui parle d’une «laide Europe». Pour le quotidien financier Il Sole-24Ore, Bruxelles est «à un tournant». Le journal cite notamment un diplomate qui estime que «quand on compte les morts, on ne compte pas les milliards».

Le chef de la diplomatie italienne Luigi Di Maio s’est également montré ferme avec Bruxelles en prenant son clavier pour poster un message sur Facebook:

«Nous attendons de la part de nos partenaires européens de la loyauté, nous attendons que l’Europe fasse sa part, parce que les belles paroles, on ne sait pas quoi en faire.»

Même attitude du côté de l’ancien président du Parlement européen, Antonio Tajani. Le membre du parti Forza Italia a qualifié l’Europe de «lâche» et a prédit qu’elle serait «emportée par le coronavirus»:

«Pendant que l’on meurt et que l’économie s’effondre, les décisions sont renvoyées à dans deux semaines. L’égoïsme masochiste des tenants de la rigueur est myope et dangereux pour tous.»

La télévision italienne n’est pas en reste. Sur la chaîne Rete4, Luca Zaia, gouverneur de la Vénétie, région particulièrement touchée par l’épidémie, s’est également montré très critique envers Bruxelles: «Une fois de plus, l’Europe démontre son absence, il n’y a pas de stratégie.»

Éric Maurice, de la Fondation Robert Schuman, a confié son analyse de la situation à l’AFP:

«Le sommet d’hier a recréé l’image des deux camps en Europe: le Nord contre le Sud.»

Cette opposition entre des pays du nord de l’Europe aux finances saines et des pays du sud davantage en difficulté n’est pas nouvelle et avait déjà éclaté au grand jour lors de la crise grecque ou celle de la dette en 2012.

«En temps de crise, la solidarité est difficile à mettre en place», estime Éric Maurice. «Est-ce que l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche ou la Finlande sont sur une ligne: “On va réfléchir concrètement à ce qui est possible car il faut être efficace sur le moyen et long terme”. Ou sont-ils dans un refus de principe?», s’interroge-t-il.

Devant le manque de soutien de ses partenaires européens, Rome a demandé de l’aide à plusieurs pays dont certains ne sont pas en bons termes avec Bruxelles. La Russie, Cuba ou encore la Chine ont envoyé médecins et matériel dans la péninsule afin d’aider à lutter contre la propagation du virus.

Et l’Italie n’est pas le seul pays membre à se montrer critique envers l’Union européenne. Antonio Costa, Premier ministre portugais, a fustigé la «mesquinerie récurrente» de La Haye qui, selon lui, aurait proposé d’enquêter sur le manque de marge budgétaire de certains pays européens.

La question principale demeure. L’Union européenne survivra-t-elle au coronavirus?

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