Boulevard Voltaire
Premier jour de confinement, deuxième de télétravail, puisque l’Éducation nationale a enfin décidé qu’il fallait arrêter de se réunir… Jeudi encore (même pas une semaine), le Président allait au théâtre et, dimanche, allait voter… Les premiers mails d’élèves arrivent, les plus connectés, les plus sérieux. On travaille. La poésie engagée. Le Printemps des poètes, qui a lieu, comme tous les ans, à cette période, a pour thème « le courage ». Tiens, un signe… Sous le patronage de Corneille : « Espère en ton courage, espère en ma promesse. »
On a aussi le temps de lire. Pascal, bien sûr : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose… » Finalement, les catholiques en carême devraient y voir un autre signe, dans cette retraite.
Mais voilà qu’un article du Monde nous tombe sous les yeux et qu’on constate, abasourdi, que le carnaval continue. Agnès Buzyn vient s’épancher dans l’oreille d’Ariane Chemin. Oui, Agnès Buzyn, ministre de la Santé jusqu’à il y a trois semaines, qui a piloté notre chute dans l’épidémie avant d’aller faire campagne pour les municipales.
Au moment où des Français et des Européens meurent sans doute du fait de l’impéritie de nos dirigeants, Mme Buzyn a l’indécence de venir pleurer sur son sort : « “Je me demande ce que je vais faire de ma vie”. Agnès Buzyn est enfin rentrée chez elle, lundi 16 mars, en milieu d’après-midi. Elle vient de “fermer la porte du QG” de sa campagne parisienne et a posé son sac, seule, “effondrée”. »
Mais il y a pire que cette mise en scène : cet aveu, terrible, qui fait froid dans le dos : « Je pense que j’ai vu la première ce qui se passait en Chine : le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au Président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Édouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein. »
On se pince, on relit : Mme Buzyn savait, aurait alerté, prévenu MM. Macron et Philippe dès le mois de janvier et les choses auraient continué comme ça ?
Et cette campagne électorale ? « Depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade. La dernière semaine a été un cauchemar. J’avais peur à chaque meeting. J’ai vécu cette campagne de manière dissociée. »
Farce Griveaux. Mascarade Buzyn. Emmanuel Macron au théâtre pour montrer l’exemple.
Et, en même temps, les cris clairs des médecins. Et les morts.
Et, depuis ce mardi, confinement. L’ordonnance ne devrait-elle pas être plus sévère pour certains ? Un délai de décence serait un minimum, pour Mme Buzyn comme pour tous les petits camarades de sa mascarade.
À 18 h 25, Le Monde publiait une mise au point emberlificotée de Mme Buzyn : « Je regrette l’utilisation du terme de “mascarade”, qui dans mes propos concernait le fait de débuter des discussions de fusions de listes électorales dans le contexte que l’on connaît. »
Agnès Buzyn, qui ose nous dire « médecin un jour, médecin toujours » n’avait-elle pas les moyens, le DEVOIR d’alerter et de s’extraire de son cauchemar ? De sa mascarade ? Le syndrome de la dissociation, c’est quand même un peu court.
Mais le mal est fait. La situation terrible. Les responsabilités aussi. Et les Français le voient bien.
Nicolas Sarkozy prédisait que le macronisme finirait en farce. Il se trompait : il finit en une sinistre mascarade. Et il va falloir avoir le courage de le leur dire, à tous ces histrions qui se sont joués de nous et ont joué, non seulement avec la démocratie, mais avec nos vies.
Le dernier mot de notre ex-ministre de la Santé qui savait et qui a joué la mascarade jusqu’à dimanche soir ? « L’hôpital va avoir besoin de moi. Il va y avoir des milliers de morts. »