L’insécurité explose à Paris, mais Anne Hidalgo veut une police municipale sans armes à feu

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Sputnik

Les crimes et délits s’accumulent à Paris. Anne Hidalgo ambitionne d’inventer «une nouvelle forme» de police  municipale. Mais ses objectifs n’auraient-ils davantage à voir avec le «vivre-ensemble» qu’avec l’insécurité véritable? Analyse.

C’était une bagarre impliquant des trafiquants de cigarettes, pour une question de territoire. On a dit qu’un individu était mort, ce 5 février, à deux pas des escaliers du métro Marx Dormoy, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Et en effet, le bitume était ensanglanté, mais les secours sont parvenus à le sauver d’une blessure à la tête, causée par une arme blanche. Une rixe qui sonne comme le point d’orgue de plusieurs semaines de tensions, selon des associations de riverains. Il faut dire que ce quartier parisien est classé «quartier de reconquête républicaine» depuis deux ans.

C’est donc une histoire devenue banale. Et dans la capitale, les craintes des habitants s’accumulent. Ils seraient 63% à éprouver un «sentiment d’insécurité» dans les transports, 59% dans la rue et 55% dans les parcs et jardins, selon un sondage IFOP commandé par la ville en 2019. Un sentiment d’insécurité pour le moins justifié, alors que les chiffres de la délinquance virent au rouge vif.

Dans la capitale, l”explosion des délits et des crimes entre 2018 et 2019 ne fait plus aucun doute.

Sans surprise, la sécurité –ou plutôt son absence– est en tête des préoccupations pour les élections municipales. Alors, la maire socialiste Anne Hidalgo, pourtant peu réputée pour ses penchants sécuritaires, a forcé sa nature. Elle ne voulait pas d’une police municipale, elle en fait maintenant un argument-choc de sa campagne, évoquant sa nouvelle stratégie policière dans L’Obs. Sans doute a-t-elle flairé le bon coup: après tout, les Parisiens se disaient favorables à 82% à la création d’une police municipale (IFOP/janvier 2019). 

Aussi, a-t-elle annoncé vouloir l’accompagner d’une «agence parisienne du travail d’intérêt général», visant à mettre en œuvre les mesures de réparation prononcées à l’encontre des mineurs délinquants, et un dispositif de lutte contre le décrochage scolaire, «zéro collégien dans la rue

À Paris, la police municipale… n’est pas une police

La maire socialiste estime que les autorités de la police nationale n’en font pas assez, et auraient abandonné les «maraudes» dans les rues de la capitale. Les relations sont tendues, en particulier le préfet de police Didier Lallemant, qu’elle accuse de ne pas vouloir travailler avec la municipalité. Du côté des agents, on se plaint en effet du manque de moyen et surtout de soutien de la hiérarchie pour mener un véritable travail d’initiative sur le terrain, comme nous le confiait récemment Linda Kebbab, déléguée du syndicat SGP-Police. Et il va sans dire que les contestations sociales, principalement celle des Gilets jaunes, sont un poids pour des forces de l’ordre exsangues. Un vide semble donc à combler.

Anne Hidalgo avait déjà redéployé 3.400 fonctionnaires à l’été 2019 au sein de l’unité de sécurité de la mairie de Paris. Parmi ceux-ci, les anciennes «pervenches» qui ne sont plus chargées du stationnement et les inspecteurs de sécurité, qui contrôlent la propreté et les nuisances sonores. Elle annonce maintenant vouloir atteindre une force constituée de 5.000 agents d’ici 2024. La création d’une telle unité était déjà une exception historique, puisque le pouvoir de police dans la capitale est en principe dévolu au Préfet de Paris. Mais depuis 2017, un transfert de compétence minime est toutefois possible vers une «police municipale du quotidien».

Mais l’amendement qui devait permettre au service de sécurité municipal d’obtenir le statut officiel de police municipale a été rejeté en novembre dernier par la majorité LREM à l’Assemblée nationale. Un coup bas du candidat Benjamin Griveaux, selon le clan Hidalgo. «Cet amendement, c’était de la com’, avait rétorqué ce dernier: rédigé par la Mairie sur un coin de table, il ne précisait ni les missions des futurs policiers, ni leur formation, ni s’ils seraient armés.»

«Notre compétence n’est pas d’arrêter les bandits»

Les agents du service de sécurité parisien restent donc des agents de police judiciaire adjoints, aux prérogatives limitées. «Notre compétence n’est pas d’arrêter les bandits, tout ce qui concerne la petite, moyenne et grande délinquance n’est pas de notre ressort», déclarait Michel Felkay, directeur de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) de la ville de Paris, en juillet 2019. Les agents de la DPSP sont donc chargés du respect de la civilité: collecte des ordures ménagères, déjections canines ou humaines, nuisances sonores, terrasses-étalages, occupation de la voie publique, etc.

Une lutte qui est bien sûr loin d’être inutile: «les entorses aux règles de la civilité se multiplient inévitablement si personne n’intervient les premières fois où elles se produisent», écrivait le chercheur Laurent Lemasson dans un récent rapport de l’Institut Pour la Justice sur le sentiment d’insécurité en France. Les incivilités se multiplient à l’heure actuelle, et sont la première étape de l’escalade de la violence.

Les policiers municipaux «seront chargés de faire respecter les règles du quotidien», a déclaré Anne Hidalgo, par opposition à une police nationale chargée de la délinquance et du terrorisme. Bien sûr, elle aura aussi pour objectif de lutter «contre le harcèlement de rue dont sont encore victimes les femmes» et contre les «actes racistes, antisémites ou anti-LGBT, malheureusement nombreux à Paris».

À Paris, 45% des femmes se plaignent d’être harcelées dans la rue, et 61% d’entre elles adoptent des stratégies d’évitement pour contourner certains endroits (IFOP, 2019).

Serge Federbusch, candidat d’Aimer Paris, soutenu par le Rassemblement national, affirme que le bilan de ces unités est pour l’instant nul:

«Anne Hidalgo a basculé les effectifs des anciennes pervenches, mais on ne les voit pas sur le terrain. Et de toute façon, elles n’ont pas le gabarit pour lutter sur le terrain contre la délinquance!»

Il est vrai, les capacités souhaitées par Anne Hidalgo semblent autres: «je veux inventer une nouvelle forme de police», ne craint-elle pas d’affirmer. Sa police municipale sera donc «paritaire». L’été dernier, la mairie annonçait que les policiers municipaux seraient équipés de sonomètres pour sanctionner les nuisances sonores et interviendraient pour contrôler le non-respect des normes antipollution.

Une «nouvelle forme de police», paritaire et sans revolver

Anne Hidalgo a précisé leurs objectifs en la matière: «ils devront veiller à ce que les véhicules qui entrent dans Paris respectent les normes Crit’Air, en verbalisant ceux qui les enfreindront

Ses objectifs qui semblent dès lors bien peu sécuritaires, d’autant plus que les agents seront dépourvus de 9 mm. À la place, ils devront se défendre avec pour seules armes des bombes lacrymogènes et des matraques dites «tonfa». Un paradoxe, alors que même les agents de sécurité de la RATP sont armés de revolvers, et un choix qui scandalise Serge Federbusch:

«À partir du moment où elle n’est pas armée, ça n’a aucune utilité. Le premier réflexe d’un malfrat ou d’une racaille, c’est de regarder l’arme du policier à qui il a affaire.»

La proposition d’Anne Hidalgo relève en réalité du numéro d’équilibriste: affirmer agir pour la sécurité des Parisiens, sans suivre de virage répressif. Les militants socialistes restent en effet mal à l’aise avec l’outil policier. Alors en définitive, la police d’Anne Hidalgo semble davantage chargée de prolonger le désir de «vivre-ensemble», qu’être en mesure de lutter contre la violence.

Pour le candidat Serge Federbusch, pas d’illusions: «elle reviendra sur sa proposition, elle trouvera une excuse! Elle fait toujours porter aux autres ses propres carences!» Et, alors que les candidats Benjamin Griveaux (LREM), Cédric Villani (ex-LREM) et Rachida Dati (LR) plaident comme lui pour une police municipale armée, il parie en outre pour autre forme d’action sécuritaire: «je préconise la création de comités de sécurité locaux avec des rondes citoyennes où c’est nécessaire». Un dispositif qui remplacerait la police? Non, se défend-il, «mais il s’impliquerait à ses côtés».

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