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++ WEBTUBE : Une occultation criminelle par les pouvoirs publics
Selon Jean-Paul Gourevitch et le rapport au Parlement sur les étrangers en France de l’année 2019, le nombre des migrants irréguliers est par définition inconnu. Ce n’est pas tout à fait exact. Un rapport du Sénat de 2006 fait état de manière détaillée de méthodes d’estimation de l’immigration irrégulière présentées dans un rapport de référence établi en 1998 pour Eurostat. Pourtant aucune étude de ce type n’a été menée car, à ce jour, ni le Conseil national de l’information statistique « (CNIS) ni l’Union européenne ni les pouvoirs publics n’ont exprimé une demande de chiffrage des clandestins en France. C’est donc bien une volonté politique criminelle des pouvoirs publics qui écarte toute évaluation de l’immigration clandestine par l’INSEE.
Des estimations en progression mais particulièrement incertaines
En 2017 Gérard Collomb avait estimé le nombre d’ESI à environ 300 000, soit moins que celui des bénéficiaires de l’AME ce qui constituait une triste blague.
Jean-Paul Gourevitch, dans sa monographie n 27 de 2012, a estimé, à l’issue d’un travail fouillé, le chiffre de l’immigration irrégulière à 680 000. Dans son étude 2023, il a « adopté » le chiffre de 800 000 pour la métropole et l’outre-mer. On ne peut que s’étonner que son estimation des ESI n’ait progressé que de 18 % en 10 ans.
De même il apparaît étonnant que cette estimation soit légèrement inférieure à celle, récente, de Damarnin qui a affirmé qu’aujourd’hui notre pays compte entre 600 000 et 900 000 irréguliers alors que cet aigle de la politique française est particulièrement prédisposé à sous-estimer ce type de chiffres.
C’est d’ailleurs ce qui a amené Pierre Cassen, dans un article du 23 novembre 2023, a exprimé sa crainte que l’on ait dépassé le million depuis longtemps. C’est ce point de vue que je partage depuis plusieurs années, comme démontré ci-dessous.
Le calcul du nombre de clandestins sur la base du chiffre des bénéficiaires de l’AME
Les trois méthodes proposées dans un article de 2019
Trois méthodes ont été proposées et précisément décrites dans un article du 27/11/ 2019.
– Une méthode à partir des flux d’ESI depuis 2011.
– Une deuxième méthode qui appliquait le ratio d’ESI du 93 aux populations des départements les plus concernés par l’arrivées d’illégaux.
– Une troisième méthode fondée sur le multiplicateur du nombre de bénéficiaires de l’AME.
Les chiffres de l’immigration clandestine ainsi proposés par les trois méthodes étaient compris à l’intérieur d’une fourchette entre 1 015 000 et 1 600 000 ESI.
C’est la dernière méthode qui qui est apparue comme celle offrant le plus de garanties quant aux résultats obtenus qui a été retenue dans le livre « Immigration, l’épreuve des chiffres ».
La méthode issue du rapport de l’Assemblée nationale sur l’action de l’État dans le département de Seine-Saint-Denis de 2018.
En mai 2018 un rapport d’information a été remis à l’Assemblée nationale sur l’action de l’État en Seine-Saint-Denis. Au sein de ce rapport angoissant, car ce département échappe désormais largement à l’autorité de l’État, il convient de retenir un passage important et révélateur :
« Le département est un sas d’entrée de la France par l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle » … « Sur le flot d’entrants figurent des personnes désireuses de demeurer en France mais ne disposant pas des titres de séjours les y autorisant » … « Ces hommes, femmes et enfants sont une réalité démographique avec laquelle les pouvoirs publics doivent compter. Or, ces derniers n’arrivent pas à les dénombrer. Selon les estimations des interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs, ces personnes en situation irrégulière seraient entre 150 000, 250 000 personnes voire 400 000 ».
L’ incertitude se reflète dans les estimations données par le directeur de l’Immigration du ministère de l’Intérieur lorsqu’il fut entendu par les rapporteurs du rapport d’information : « le chiffre de 150 à 200 000 personnes est crédible, si l’on s’appuie sur le calcul consistant à multiplier par trois les 56 000 ou 57 000 bénéficiaires de l’AME… ». Cette estimation, également reprise par le préfet de Seine-Saint-Denis, lors de son audition par les rapporteurs et qualifiée de “crédible”, peut être affectée d’une marge d’erreur de 33 %.
Si l’on applique le coefficient d’extension 3 cité ci-dessus au nombre total de bénéficiaires de l’AME en 2019 estimé à environ à 335 000, on aboutit à un chiffre de 1 000 000.
Mais comme l’a indiqué le directeur de l’Immigration du ministère de l’Intérieur qui devait savoir ce dont il parlait, le chiffre de l’AME est minoré par rapport au public potentiellement concerné. Le préfet du 93 qui avait forcément un aperçu de la réalité de son département, a repris, lors de son audition, cette méthode d’estimation, qualifiée de crédible, avec une marge d’erreur de 33 %.
C’est la raison pour laquelle cette marge d’erreur devrait se traduire par une augmentation du coefficient multiplicateur. Ainsi le haut de la fourchette obtenu par cette méthode serait de 1 000 000*1,33 = 1 330 000.
Il fallait rajouter l’évaluation du nombre de clandestins dans deux départements d’outre-mer la Guyane et Mayotte :
• dans son ouvrage : « la déferlante » Jean-Philippe Lévêque rappelle (page 175), alors que la population guyanaise s’élevait officiellement à 285 000 habitants à la fin de 2019, que, selon le président du tribunal administratif, 30 % de la population vivant en Guyane étaient d’origine étrangère ce qui représenterait à peu près 85 000 clandestins ;
• pour ce qui est de Mayotte la moitié de la population était de 256 000 personnes en 2017 selon l’INSEE Première. Selon le député LR de Mayotte, Mansour Kamardine, le nombre de clandestins dans ce département était compris entre 64000 et plus probablement 100 000.
Au final nous pouvions arriver à un nombre total d’ESI avoisinant 1 500 000. Par prudence j’ai retenu pour les besoins de mon livre le chiffre de 1 300 000.
Considérations sur cette méthode
Dans son étude de 2023, Jean-Paul Gourevitch conteste mon extrapolation à partir de la Seine-Saint-Denis vers la France entière comme n’étant pas scientifiquement recevable. Elle a été pourtant confirmée par le parlementaire responsable du rapport au cours de l’entretien que j’ai eu avec lui.
Pour ma part je conteste le terme de méthode scientifique concernant les calculs liés à l’immigration. Celle-ci est le domaine du flou et de l’à peu près dans un contexte que j’ai appelé la pénombre de l’immigration. Dans ces conditions, évoquer un tel caractère scientifique est une vue de l’esprit. D’ailleurs dans son ouvrage, Gourevitch retient un moyen terme entre Gérard Collomb et Stéfanini, soit 600 000. Il n’y a rien là de scientifique et se référer au chiffre de Collomb ne semble pas recevable.
Un an après mon article de 2019, Patrick Stefanini, dans son ouvrage « immigration ces réalités qu’on nous cache » paru en 2020, a utilisé cette même méthode, mais en se limitant au seul coefficient 3, soit un résultat de 900 000 hors les Drom.
L’ONG “Médecins du monde” a rendu public en octobre 2019 un rapport sur l’accès aux soins des personnes, majoritairement étrangères, qui se rendent dans ses centres en France. Dans ce rapport, il est souligné qu’environ 85 % des personnes en situation administrative irrégulière ne relèveraient pas de l’AME. En effet, les personnes se présentant dans les centres d’accès aux soins de cette ONG sont dans des situations de non-recours à leurs droits, soit parce qu’elles ne savent pas comment procéder, soit parce que les dispositifs sont saturés et les délais allongés.
Le bon ratio ne serait plus alors de 3, mais de 6,5 – ce qui donnerait plus de 2 millions de clandestins…
Bien entendu “Check News Libération”a protesté vigoureusement dans un article du 9/10/2019, avec des arguments peut être valables, mais trop techniques pour être perçus par tout un chacun et à l’évidence orientés.
Ceci étant, 2 millions de clandestins, c’est beaucoup et probablement beaucoup trop. Encore qu’aujourd’hui…
(Cette question a été confirmée dans un article de Réseau international du 23 octobre 2023 signé Yves Guéchi).
L’affaire du verbatim
J’ai souhaité consulter le verbatim des auditions réalisées dans le cadre du rapport de la Commission d’enquête. Ne le trouvant pas sur Internet, j’ai appelé les services de l’Assemblée nationale en octobre 2020. En effet, ces auditions sont souvent riches en informations et en révélations. Les auditionnés quittent leur retenue et d’ailleurs ils y sont tenus par la Loi.
Il m’a été répondu fort poliment que ce verbatim, sur instructions du président de la Commission, était parti aux archives et n’était pas destiné à être communiqué au public. L’accès à sa communication ne serait pas possible avant 25 ans. C’est en soi révélateur de son intérêt. Bravo pour le respect des citoyens !
Alors j’ai contacté téléphoniquement un des parlementaires responsables dudit rapport. Au cours d’une discussion cordiale, celui-ci lui m’a cependant affirmé qu’il n’avait pas été établi de compte-rendu des auditions ; ce qui semble difficilement crédible.
En revanche, trois points très intéressants de notre discussion doivent être retenus :
1°- La question de l’immigration clandestine, et plus particulièrement celle de son évaluation chiffrée, est traitée par les pouvoirs publics dans « un flou complet », expression que mon interlocuteur a répétée à plusieurs reprises et qui, à elle seule, démontre l’indignité des responsables ;
2°- Il a confirmé la validité de la méthode de calcul consistant à multiplier par 3 le nombre de bénéficiaires de l’AME du directeur de l’Immigration du ministère de l’Intérieur et du préfet du 93 ;
3°- Le ratio de 3 est vraisemblablement minoré et représenterait plutôt le bas de la fourchette. C’est la raison pour laquelle cette marge d’erreur devait se traduire par une augmentation du coefficient multiplicateur.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
En 2022, selon un rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale publié en mai 2003, il y avait précisément au 30 septembre 2022, 403 144 (arrondi à 403 000) étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l’AME.
L’application du coefficient 3 donne : 40300 x 3 = 1 209 000 ESI.
À ce chiffre il convient d’ajouter le nombre cité par Gourevitch au titre de Mayotte qui n’est pas concernée par l’AME : 150 000.
Résumé chiffré :
Application du coefficient 3 : 1 209 000
Mayotte : 150 000
Sous total : 1 359 000
(Nombre minimum d’ESI)
Coefficient 1 complémentaire appliqué au titre de l’incertitude : 403 000
Total : 1 762 000
(Version haute du nombre d’ESI)
Conclusion
Sur la base du nombre de bénéficiaires de l’AME en 2022, le nombre d’ESI présents en France en 2022 peut être estimé entre 1 359 000 et 1 762 000.
André Posokhow, Riposte Laïque