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++ WEBTUBE : Quelle menace représentent les Gangs guyanais, à la fois en Guyane et en France Métropole ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre le Service d’Information, de Renseignement et d’Analyse Stratégique sur la Criminalité Organisée (SIRASCO) dans une note interne diffusée au sein du ministère de l’Intérieur, note que nous nous sommes procurés. Les Gangs guyanais sévissant y compris jusqu’en Bretagne, qu’ils empoisonnent avec de la drogue en grande quantité, cela intéressera fortement nos lecteurs. La Guyane est marquée par un contexte socio-économique difficile 1 dans lequel se sont développés des gangs qui recrutent parmi la jeunesse des quartiers sensibles des grandes villes. Si la plupart de ces groupes s’inscrivent dans une délinquance strictement locale, d’autres ont davantage structuré leur activité criminelle et participent au trafic de cocaïne vers la métropole. Des liens avec les factions brésiliennes implantées sur le territoire guyanais sont relevés.
Cartographie des gangs guyanais
Une soixantaine de gangs est recensée dans les principales villes guyanaises (Cayenne, Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni, etc.). Plus de 500 membres ont été identifiés par la police judiciaire. Chacun de ces groupes s’identifie à un territoire, essentiellement un quartier, ce qui entraine des guerres de territoires. Comme à Cayenne entre les gangs dominants Mango Thug Family (MTF) et P10. À Saint-Laurent-du-Maroni, des gangs mixtes, composés de guyanais et d’individus originaires du Suriname, sont observés. La porosité de la frontière crée un contexte favorable à une implantation de part et d’autre du fleuve Maroni. Le gang 9.6. s’étendrait ainsi jusqu’à la ville d’Albina au Suriname.
A l’instar de leurs homologues nord-américains ou guadeloupéens, chaque gang dispose de signes d’appartenance qui lui sont propres (couleurs, emblèmes, codes vestimentaires, tatouages et geste de reconnaissance).
Un recours important à la violence
La notoriété de ces gangs repose sur le degré de violence dont ils usent. Les membres de ces gangs sont fréquemment impliqués pour des délits accompagnés de violences (agressions, vols avec violences ou à main armée…) et n’hésitent pas à utiliser des armes à feu pour menacer leurs victimes. « Au cours de l’été 2022, un membre du gang Chicago commettait de nombreux vols et extorsions aggravés, le plus souvent sous la menace d’une arme, dans le quartier de Chicago et le village chinois de Cayenne. Début avril 2023, des membres du gang Hall 14 tentaient de dérober une chaîne et blessait par balle la victime » indique le SIRASCO.
Les violences entre gangs sont régulières et les investigations sont rendues complexes par l’omerta. Des conflits récurrents apparaissent entre plusieurs gangs, Elsinky crew, Mango Thug Family (MTF), P-10 et S-Gang. En janvier 2022, un membre de la Mango Thug Family, était victime d’une tentative d’homicide suite à un différend avec le gang P10. En janvier 2023, un jeune de dix-huit ans était assassiné par des membres du S-gang dans le cadre d’une guerre de territoires. En octobre 2023, le chanteur de « drill » 2 du gang Elsinky, indiquait avoir été la cible de tirs par arme à feux dans le quartier Anatole. Le véhicule loué par ce dernier présentait des impacts de balle.
L’opposition aux forces de l’ordre est récurrente et l’intervention dans les territoires que les gangs entendent contrôler est souvent difficile . Des faits de tentatives d’homicide à l’encontre des forces de l’ordre ont été recensés. En janvier 2022 à Cayenne, des membres d’Elsinky Crew utilisaient des armes à feu contre les forces de l’ordre en marge d’un sound system organisé dans la cité Anatole. En juin 2023, des policiers étaient la cible de tirs de mortiers et d’armes à feu, par des membres du HALL 14 de la cité Mont-Lucas de Cayenne faisant une victime collatérale présente sur son balcon. En juillet 2023, le conducteur d’un scooter appartenant au gang BTR gang de Cayenne s’est soustrait à un contrôle routier et a percuté violemment un membre des forces de l’ordre. Une arme à feu a été découverte sur le deuxième mis en cause. Par ailleurs, des bâtiments ou biens publics sont régulièrement pris pour cibles. En mars 2022 à Saint-Laurent-du-Maroni, le Petit Paris Gang et le 6.10, ont déclenché des incendies d’établissements scolaires. La même année à Kourou, le Block 45 était impliqué dans plusieurs dégradations de véhicules de la gendarmerie nationale. Les auteurs portaient des t-shirts bleus, code utilisé pour les actions ciblant les forces de l’ordre (le blanc est utilisé pour les vols de véhicules).
Quid du trafic de drogue et de la criminalité à l’export ?
La situation de la Guyane, frontalière du Brésil et du Suriname, place ce territoire sur une route stratégique du trafic de cocaïne à destination de la métropole. En 2022, 1 318 passeurs ont été interpellés (+24 % par rapport à 2021) au départ ou en provenance de Guyane représentant la saisie d’environ 3 tonnes de cocaïne 3 ). Plusieurs gangs guyanais (P10, MangoThug Family, Nodiss, Gotham, GCO Président, Elsinky et SK Zone Rouge) ont constitué des réseaux structurés d’acheminement des produits vers la métropole, principalement par mules aériennes. Certains gangs disposent de relais en métropole principalement au sein de la communauté guyanaise. Si l’implantation de gangs sur le territoire métropolitain n’est jusqu’ici pas observée, certains individus revendiquent leur affiliation à ces structures, notamment le Elsinky Crew
Des liens ont ainsi été établis entre le gang Président (RP) du quartier de l’Anse à Kourou et des individus de la communauté guyanaise de Montpellier (34). Le gang Elsinky Crew dispose quant à lui d’une assise criminelle à Tours et à Toulouse et de liens avec des guyanais impliqués dans le trafic de cocaïne en Ile-de-France. En mars 2022, la Gendarmerie Nationale, en association avec le GIR Cayenne, interpellait 22 individus en métropole et en Guyane, en lien avec le GCO Président (RP). Les mis en cause bénéficiaient de relais au sein de la communauté guyanaise de Montpellier (34). Des membres de cette structure criminelle revenaient en Guyane avec de l’argent liquide et/ou de la résine de cannabis. En 2018, une structure d’acheminement de cocaïne du gang Elsinky Crew entre Tours et la Guyane était démantelée. En 2023, un membre impliqué dans ce réseau ainsi que deux autres guyanais étaient interpellés à Tours avec près d’un kilo de cocaïne. Un individu proche du gang Elsinky Crew était interpellé en 2020 à l’aéroport de Toulouse-Blagnac en possession de près de 700 grammes de cocaïne. En 2022, un autre individu affilié à Elsinky Crew était arrêté avec 23 000 euros en espèces. Un homicide volontaire a pu être lié à l’activité de ces gangs en métropole. En août 2021, des membres du Elsinky crew domiciliés près de Tours étaient impliqués dans l’homicide d’un trafiquant de stupéfiants local. Un des mis en cause reconnaissait avoir été payé par le gang pour attirer la victime dans un guet-apens. Fin mars 2023, les enquêteurs du SPJ de Tours procédaient à l’interpellation de plusieurs individus, dont le commanditaire et le tireur présumé. B
Par ailleurs, la capacité d’infiltration de la sphère légale de certains gangs guyanais a récemment été mise à jour. Les trafiquants ont pu déjouer les contrôles aéroportuaires pour importer de la cocaïne en métropole en s’appuyant sur la complicité d’agents dépositaires de l’autorité publique. En juin 2023, 11 policiers adjoints, ainsi qu’un commanditaire et un fournisseur étaient interpellés pour leur implication dans un trafic de stupéfiants entre la Guyane et la métropole. Les policiers adjoints plaçaient des boudins de cocaïne dans les toilettes de l’aéroport Félix Eboué de Cayenne, pour le compte de mules. Connu pour trafics de stupéfiants, le commanditaire appartient au GCO SGY24 (surnommée également Gotham) localisé à Macouria.
Groupes criminels les plus dangereux au Brésil, les factions Premier Commando de la Capitale (PCC), Commando Vermelho (CV) et Familia Terror do Amapa (FTA) se sont développées sur le sol guyanais au sein d’une communauté brésilienne implantée de longue date . Elles sont impliquées dans tous les trafics lucratifs (stupéfiants, orpaillage illégal, vols à main armée et trafic d’armes). Le F.T.A. recrute de nouveaux membres localement ou s’appuie sur d’autres groupes et gangs criminels guyanais. Le leader du gang cayennais S GANG, des membres du gang B13 de Matoury ou du BTR Gang5 , sont connus pour leurs liens avec les factions. Le milieu carcéral favorise ces connexions.
En 2019, le leader de S gang et un membre d’une faction brésilienne étaient mis en cause pour vol à main armée et participation à une association de malfaiteurs tandis qu’un membre du gang B13 et le leader du Commando Vermelho en Guyane étaient impliqués ensemble dans des faits de violences en réunion à Remire-Montjoly. En janvier 2023, le leader du Commando Vermelho publiait une vidéo tournée en milieu carcéral entouré de membres des gangs Canvic Family, Chicago et B13.
Voici pour le topo rédigé par le SIRASCO, qui permet d’en savoir un peu plus sur la criminalité guyanaise et ses ramifications.