Notre-Dame de Paris, futur Disneyland ?

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Comment passer de l’état de grâce à la colère dont il faut espérer qu’elle soit au moins un peu sainte ? Un samedi matin, du fond de votre canapé, vous commencez par écouter le cardinal Sarah qui répond avec simplicité et profondeur aux questions de Gabrielle Cluzel et vous vous dites que même si l’Église est imparfaite, cabossée et souffrante, il y a en son sein des prélats fantastiques. Puis vous zappez sur un article de Valeurs actuelles qui reprend des informations qui ont fuité dans le Telegraph, qu’on remercie de dévoiler le pot aux roses. Et là, c’est l’injection d’un grand pot de moutarde dans chaque narine. Le projet, qui n’est pas encore validé, de l’aménagement de Notre-Dame de Paris fait froid dans le dos, si l’on en croit le quotidien anglais.

« Sentiers de la découverte qui mettraient l’accent sur l’Afrique et l’Asie » ; « christianisme pour les nuls » ; « salle d’exposition liturgique expérimentale » ; « peintures murales à la mode avec effets sonores et lumineux dans le but de créer des espaces émotionnels » ; « Disneyland politiquement correct », s’alarme le journal. Autant le dire, ce qui ressort des indiscrétions autour de ce projet, c’est l’abandon du cultuel au seul profit du culturel, si ces informations venues d’outre-Manche devaient se confirmer.

Tous ces termes laissent présager d’un second sacrilège. Le premier, l’incendie de la cathédrale en date du 15 avril 2019 était sans doute accidentel, même si les carences de l’État en matière de sécurité semblent évidentes. Cette fois, il serait volontaire, concerté, délibéré et il est difficile d’imaginer que l’archevêché n’en soit pas « complice ».

Qu’il soit ici rappelé que la destination première, principale, essentielle, irremplaçable d’une église catholique et donc d’une cathédrale, c’est de rendre un culte à Dieu. Pour un chrétien, c’est le sens de la messe qui y est célébrée, et s’il est possible d’y rendre d’autres formes de culte comme la prière personnelle ou collective, les offices des heures, l’adoration eucharistique, voire même la vénération de reliques, le but reste le culte divin. Tout ce qui viendrait en plus est accessoire, frivole ou même sacrilège.

La dimension culturelle d’une église existe, bien sûr, et il serait sot de le nier. L’art et la beauté ont trouvé leur place et se sont d’abord mis au service de ce culte divin comme offrande et comme moyen didactique au service la foi. Mais nier le caractère ancillaire de cet art, c’est prendre le risque de l’ériger en idole : il n’est qu’un moyen, aussi admirable soit-il. Ceux qui entrent dans une église pour y admirer le beau sont les bienvenus : ils peuvent s’y convertir comme un certain Paul Claudel lors d’un Magnificat. Mais qu’ils respectent l’ordre des priorités : le culte d’abord ! Même la loi très républicaine le reconnaît, puisqu’elle précise que l’affectation au culte y est « permanente » et « perpétuelle ». Ce qui devrait en principe protéger des lubies.

La dimension sociale d’une église existe aussi. Le peuple y est orienté vers l’autel où se tient le prêtre, alter Christus. Tous ensemble, fidèles et prêtre, regardent dans une seule direction, c’est un symbole de la communion.

Si certaines de ces lubies ont été conçues par l’archevêché, c’est grave. Mais il est possible que certaines d’entre elles, modernistes en diable, émanent de laïcs pratiquants ou non, de tierces personnes extérieures à l’archevêché. Peut-être même sont-elles bien intentionnées à imaginer que les dimensions sociales et culturelles devraient prendre une place plus grande, voire une prééminence. Il est sans doute compliqué, lorsque l’on est l’archevêque de Paris et pas encore cardinal, de négocier avec un État hostile qui ne rêve que de déchristianiser encore un peu plus la France à grands coups de modernité mièvre et inconsistante. Mais l’affectataire, qui ne détient pas les cordons de la bourse, doit-il pour autant tout accepter des sirènes modernistes et de l’État spoliateur sous prétexte que ce serait dans l’air du temps ? Il est urgent que prélats, prêtres et fidèles tapent du poing sur la table et disent un non franc et massif à toutes ces carabistouilles. Ou, tout du moins, apportent un démenti à ces rumeurs.

Rémy Mahoudeaux, Boulevard Voltaire

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