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Tout le monde le sait, le peuple des journalistes comme celui des lecteurs, l’actualité est souvent en eaux basses, entre Noël et la Saint-Sylvestre. D’où la propension des médias à monter en épingle le moindre semblant d’événement, tel ce dîner entre Marion Maréchal et Bruno Roger-Petit, ancien porte-parole de la présidence et récemment nommé conseiller « mémoire » d’Emmanuel Macron, qui s’est discrètement tenu dans un restaurant parisien huppé de Montparnasse, Le Dôme, le 14 octobre dernier, auquel Le Monde consacre un long article.
Marion Maréchal a tôt désamorcé la bombinette : « Bruno Roger-Petit est passé par un ami pour me proposer de me rencontrer. J’ai accepté : je ne refuse jamais de discuter par principe. Surtout que j’étais assez curieuse de connaître celui qui s’amusait à me traiter de nazie toutes les deux semaines quand j’étais députée. »
Il est vrai qu’en la matière, notre homme est prompt à la réduction ad hitlerum. Le 21 mars 2011, c’est en ces termes qu’il stigmatise le scepticisme de Benoît Hamon vis-à-vis de Dominique Strauss-Kahn : « Benoît Hamon juge que DSK “ne respire pas les molécules françaises” : après la terre, l’air qui ne ment pas ? (…) J’ignore si DSK respire un air cosmopolite, vicié, apatride et antifrançais aux yeux d’Hamon. Ce que je sais en revanche, et tout bon républicain (et socialiste) pourra en convenir, c’est que ces propos sont, eux, irrespirables. » L’Élysée a les émissaires qu’il peut.
Pourtant, il s’agit bien là de sonder, tout en les courtisant un peu, les forces politiques en présence, même si Marion Maréchal ne fait plus de politique stricto sensu. Tous nos gouvernements l’ont fait et continueront probablement de le faire. Mieux : entre des partis donnés pour ennemis irréductibles, les passerelles informelles ont toujours existé. Quoi que Jacques Chirac ait pu prétendre, il rencontre longuement Jean-Marie Le Pen en privé, dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 1988. Ce dernier a aussi un contact quasi direct avec François Mitterrand par l’intermédiaire de Guy Penne, son conseiller « africain », tout en entretenant les meilleurs rapports avec Roland Dumas et Michel Rocard, qu’il tutoie tous les deux, s’étant connus du temps de leur jeunesse, à l’Assemblée pour le premier, à l’UNEF pour le second.
Toujours dans le même registre, Julien Dray et Éric Raoult s’entendaient comme larrons en foire au Parlement. Le fait d’avoir tous deux voté, bravant les consignes de leurs partis respectifs (PS et RPR), contre la guerre du Golfe de 1990 ne fait que les rapprocher. On notera qu’Éric Raoult s’entendra fort bien avec Marie-France Stirbois, unique députée lepéniste de l’époque, tandis que celle-là apprécie la compagnie du chiraquien Pierre Mazeaud, tout en étant fort flattée de la complicité en coulisses d’Yvette Roudy, socialiste de choc, mais qui, forte d’un féminisme des plus cohérents, est scandalisée de la manière dont sa collègue est traitée en raison de son sexe et d’idées qu’elle est pourtant loin de partager.
Il n’y a donc pas là, que ce soit pour les journalistes et leurs lecteurs, raison de s’étonner et encore moins de s’indigner, ses relations extra-politiques n’étant le fait que de la seule nature humaine. Jany Le Pen ne dit pas autre chose dans les années 1990 lorsque se félicitant du soutien constant qu’apporte Roselyne Bachelot à son association SOS Enfants d’Irak.
Pour en revenir à ce dîner, nous apprenons qu’il aurait été facilité par Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, à la fois proche de Bruno Roger-Petit, si l’on en croit Le Point, et ami de Marion Maréchal. Eh oui, chez les journalistes aussi, on peut aussi partager le pain et pas les opinions. Toutes choses bien pesées, c’est peut-être mieux que le contraire…
Boulevard Voltaire