Macron et l’argent magique

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La nouvelle est sortie dans les médias, il y a peu, et fait s’enthousiasmer les plumes journalistiques : le gouvernement s’attaque au décrochage scolaire, préoccupant dans l’enseignement professionnel, et mène de main de maître une nouvelle réforme, après celle du lycée général. Heureusement que l’Etat est là pour régler tous les problèmes. Que devriendrions-nous sans cela !

La mesure phare : payer les élèves pendant leurs stages obligatoires. Cela va les motiver. Sûrement autant que les aides sociales motivent les gens à trouver du travail. Ils ont dû piocher leur idée dans les manuels des psychanalystes, qui prétendent que le prix élevé de la consultation la légitime aux yeux du patient et permet à ce dernier de s’investir pleinement dans chaque séance. Voire…

Là, c’est vous qui allez payer, encore, pour rémunérer des jeunes peu motivés par leur formation et les stages qu’on leur propose. On parle quand même de près de 650.000 élèves… L’éducation en France, selon l’INSEE et son décompte des « dépenses intérieures d’éducation », c’est 170 milliards d’euros, financés en partie par l’État central, en partie par les collectivités locales, c’est-à-dire intégralement par nos impôts. Un peu plus de 7.000 euros par an pour un élève de primaire, 10.500 euros pour un élève du secondaire, collégien ou lycéen, et 11.630 euros pour un étudiant. Et encore ne sont pas comptés les frais connexes, à destination des familles : allocation de rentrée scolaire, subvention des systèmes de bus scolaires…

Il n’y aurait pas d’argent pour augmenter les salaires des enseignants, qui sont parmi les plus mal payés d’Europe, mais il y en aura pour financer un salaire pour des élèves de filière professionnelle, alors même que la faiblesse de la formation qu’ils reçoivent et de leur investissement personnel les rend rarement employables sur le marché du travail, qui aurait pourtant bien besoin de main-d’œuvre qualifiée. Un jeune sur deux titulaires d’un CAP, BEP ou d’un BTS sortant d’un lycée professionnel a un emploi un an après son arrivée sur le marché du travail. Le ministère se félicite de ce chiffre, qu’il publie fièrement sur son site. Mais cela signifie qu’un jeune diplômé sur deux ne trouve pas de travail – ou n’en cherche pas -, alors que cette voie professionnelle est normalement organisée, justement, pour former des gens adaptés au marché de l’emploi.

Il faudrait se souvenir que scholè, en grec, signifie « loisir ». Le mot désigne ce loisir que l’on offre aux jeunes pour se former, se cultiver, développer leurs compétences, au lieu d’aller travailler en échange d’un salaire. En France, il n’y a pas eu d’obligation scolaire pendant des siècles. L’ordonnance royale de Louis XIV en 1698 changea cela et imposa une obligation d’instruction jusqu’à 14 ans pour tous les jeunes garçons du royaume. Jusqu’alors, si l’Église et les collectivités étaient obligées de proposer une offre scolaire, les parents n’étaient pas forcés de scolariser leurs enfants ; ce n’était qu’une possibilité leur étant offerte. Pour des raisons économiques, malgré la gratuité de l’enseignement dans la plus grande partie du royaume, de très nombreux enfants du peuple allaient travailler très jeunes, dans les manufactures, les ateliers ou les fermes.

La loi du 19 mai 1874 fixait à 6 heures par jour la durée maximale de travail des enfants de moins de 12 ans, et à 12 heures par jour celle des enfants de plus de 12 ans. Beaucoup d’entre eux auraient sûrement préféré aller à l’école et profiter de ce « loisir » qui leur aurait permis de développer leur esprit. Aujourd’hui, ce loisir est considéré comme une contrainte indue, malgré le succès de films comme Sur le chemin de l’école, dans lequel on voit des enfants d’Inde, d’Argentine ou du Kenya parcourir des dizaines de kilomètres par jour, à pied ou à cheval, pour avoir la chance d’aller à l’école. Mais il ne semble pas que les élèves français aient compris ce que ces enfants indiens ou kenyans ont compris, ni que les politiciens en charge de leur avenir, dans notre État centralisé, soient convaincus qu’il est une chance, en soi, de profiter d’une instruction, et que cela n’appelle pas de contrepartie, surtout pas sonnante et trébuchante. Mais encore faudrait-il que l’école soit vraiment ce qu’elle devrait être.

De nombreux rapports ont été rendus, qui préconisent tous les mêmes choses : sélection en début de filière, augmentation du niveau d’exigence, de la qualification des enseignants et de leur connaissance du monde de l’entreprise, développement du « savoir-être » des élèves, c’est-à-dire de leur instruction de base… Autant d’incitations vertueuses qui sont répétées depuis des décennies et qui ne sont jamais mises en œuvre. Qui conseille nos dirigeants ? Et vers quoi nous dirigent-ils ?

Virginie Fontcalel, Boulevard Voltaire

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