Directive européenne : coup de massue contre les passoires énergétiques

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Entre 2M et jusqu’à 11M de logements pourraient à terme être concernés par la directive de la Commission européenne.

Alexandre Cuignache est avocat diplômé d’Assas, ancien conseiller du Centre-Val de Loire. Il répond à nos questions concernant une directive européennes sur l’immobilier, presque passée inaperçue mais qui soulève des questions financières autant qu’éthiques.

Alexandre Cervantes

La Commission européenne a voté mardi une directive lourde de conséquences sur la population française, puisqu’elle oblige les propriétaires à rénover leur « passoire » thermique pour pouvoir la vendre. Les bâtiments classés G et F en performance énergétique devront passer à E d’ici à 2030, jusqu’à D d’ici 2033. Qu’en pensez-vous ?

Pour moi, c’est une attaque de plein fouet au droit de propriété privée. Cette directive, si elle est transcrite au droit français, empêchera tout simplement un des éléments essentiels du droit de propriété, c’est-à-dire la libre disposition des biens. À partir du moment où l’on ne peut plus disposer librement de ses biens, le droit de propriété est bafoué.

Je rappelle que le droit de propriété est un droit inviolable et sacré, d’après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce n’est pas par hasard, c’est ce qui préserve la liberté effective du citoyen, sa vie privée, qui sinon n’a plus de refuge impénétrable face à l’État, ses normes, son contrôle. Sans cela, la liberté n’existe plus qu’en principe, et c’est pourquoi les rédacteurs de la Déclaration avaient insisté dessus. C’est le seul droit qui est décrit comme cela, qualifié d’inviolable et sacré. Ce ne sont pas des mots anodins.

Mais on pourrait se dire que cette liberté existera toujours, qu’elle sera simplement contrainte, comme elle peut l’être déjà. On peut penser aux locataires, qui ne sont pas propriétaires et pourtant se considèrent souvent suffisamment libres pour mener leur vie comme ils l’entendent. Quelle est selon vous le tournant majeur à ce niveau, qu’introduirait la directive européenne ?

C’est un pas dans le même sens, dans la même logique de contrainte permanente et de contrôle. D’ailleurs, je note que lors du débat sur ce texte au Parlement, l’argument utilisé pour faire passer le texte de manière assez consensuelle – y compris chez des conservateurs et des libéraux qui devraient tout de même être attachés au droit de propriété – c’est l’argument à la fois écologique et économique. Il y a une volonté de transformer radicalement le parc immobilier européen, en abandonnant les logements anciens, vétustes. C’est une vision du monde complète qui est poussée ici, et que l’on peut sans craindre l’outrance qualifier de totalitaire, c’est-à-dire un système de contrôle permanent sur les choses les plus importantes de notre vie quotidienne. Dans la location, c’est exactement le même cas, car tant qu’il paye son loyer, le locataire a le même droit que le propriétaire hormis la disposition. Ici il ne pourra plus louer un bien qui lui conviendrait pourtant.

Idéalement selon vous, la manière de concevoir notre rapport à la location et à la propriété pourrait être revue, pour aller à rebours de ce mouvement de contrôle que vous décrivez ? 

Absolument. J’habite à la campagne, je vois le nombre de logements non occupés : ils peuvent être rénovés, isolés et utilisés à terme.
Je pense que l’on n’a pas besoin de construire plus. D’ailleurs, n’importe qui préfère vivre dans un logement isolé qui lui coûte moins cher : pas besoin de contrainte, c’est une question de bon sens. 

Mais ici, avec une norme aussi dure, ce sont les ménages les plus modestes qui en pâtiront. Ils pouvaient louer un bien beaucoup moins cher parce qu’il est dans un moins bon état : ce n’était pas idéal, mais ça permettait au moins de mettre un toit sur sa tête.

Christophe Demerson, le président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) disait à ce sujet « voilà comment transformer une bonne idée en catastrophe industrielle », en critiquant « un calendrier ultracourt, une pénurie de matériaux et un manque de main-d’œuvre ne peuvent qu’aboutir à des factures qui s’envolent ». Vous abondez donc dans son sens ?

Absolument, et ce qu’on voit dans cette évolution, c’est que l’argument écologique qui pousse à faire des bâtiments à faible émission, qui soient bien isolés etc., peut être tout à fait souhaitable, mais pose en fait de gros problèmes. D’une part, la contrainte induite est néfaste, et d’autre part sur un plan strictement économique cela va faire sortir du marché un nombre incalculable de biens [ndlr : environ deux millions d’ici deux ans d’après [l’UNPI]. On va voir une forte hausse des prix, puisqu’on va raréfier le marché. D’autant que la construction de nouveaux logements n’est pas du tout écologique en elle-même, par exemple parce que la fabrication de ciment est un des premiers producteurs de CO2 dans le monde [ndlr : 7% des émissions mondiales de CO2].

L’argument ne me semble pas tenir, surtout avec des implications économiques lourdes. Alors évidemment, derrière on nous dit « il y aura des subventions, ne vous inquiétez pas », mais on rentre encore et toujours dans un système de plus grande dépendance et de plus grand contrôle. 

Alexandre Cervantes, Omerta

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