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En matière de burqini (ou burkini, ou même « maillot de bain couvrant »), la chaîne CNews, qui a décidément le cuir solide quand il s’agit de se faire traiter de télévision fasciste, a fait le travail que font tous les fachos : elle est partie du réel. On sait qu’il y a deux écoles, à ce titre : l’école Jean-Jacques Rousseau (« Écartons d’abord les faits, car il ne touchent point à la question ») et l’école Charles Maurras (pays réel « qui travaille et qui vit » contre pays légal). Dans le pays légal, on est plutôt Éric Piolle : on ne voit pas où est le problème. Burkini ou topless, c’est la même chose, paraît-il : on fait bien ce qu’on veut. Tant d’angélisme laisse pantois, car il semble qu’à Kaboul, en ce moment même, on ne mette pas exactement le topless sur le même plan que le « maillot de bain couvrant ».
Dans le pays réel, donc, CNews a voulu savoir ce qu’il en était et a commandé un sondage à l’institut CSA. Les résultats sont éloquents : 73 % des Français interrogés sont contre le burkini. Bon. Tant mieux, vous me direz. Cela dit, une fois le sondage lu, se posent plusieurs questions. La première : qui sont les 27 % de Français pour qui le burkini doit être autorisé dans les piscines municipales ? Alors, d’abord, bonne nouvelle : ils ne sont que 26 %. 1 % des sondés n’a pas vraiment d’avis sur la question. Ensuite, cela dépend de l’âge des personnes interrogées. Sans énorme surprise, plus on est vieux, plus on est réac ; mais là, l’écart est énorme. Jugez plutôt : 37 % des 25-34 ans sont pour l’autorisation du burkini, chiffre qui passe à… 63 % d’opinions favorables chez les plus jeunes (18-24 ans). En d’autres termes, certes, on est plus réac à mesure que l’on vieillit, mais le matraquage idéologique de ce que l’on n’ose plus appeler l’Éducation nationale, couplée aux médias et aux réseaux sociaux, a également porté ses fruits jusqu’à provoquer un décalage hallucinant entre les jeunes et ceux qui les suivent immédiatement.
Deuxième question, corollaire de la précédente : cette évolution de la société est-elle uniquement due à la propagande contemporaine ? Certes, nos jeunes (enfin, pas les nôtres, mais les jeunes de notre pays) sont plus perméables que jamais à toutes les sottises à la mode. Ils pleurent pour un demi-degré de réchauffement mais se fichent bien de compter les avortements. Ils luttent pour les droits des LGBTQIA+, la déconstruction du patriarcat et tutti quanti mais n’ont pas l’intention de lutter contre les pays qui sont restés bloqués au VIIe siècle. On sait tout cela. Ce que l’on mesure mal, en revanche, c’est le rôle que joue cette théorie complotiste d’extrême droite que l’on appelle « Grand Remplacement » dans de tels résultats. En effet, si l’on se souvient que 74 % des musulmans de moins de 25 ans considèrent que les lois musulmanes (la charia) sont supérieures à celles de la République (sondage IFOP pour Charlie Hebdo de 2020), et si l’on prend également en compte les statistiques de l’évolution des enfants dont l’un des parents est extra-européen, on comprend peut-être mieux. S’il y a plus de partisans du burkini parmi les 18-24 ans, c’est aussi, possiblement, parce qu’il y a plus de musulmans chez les 18-24 ans que dans les autres catégories. À creuser.
Alors, qui peuvent bien être ces 26 % de partisans du « maillot couvrant » que l’on mettrait « par pudeur ou pour ne pas s’exposer au soleil » ? Des musulmans vindicatifs ? Des défenseurs de la liberté, encore aveuglés par l’image qu’ils se font du corps en décomposition de Marianne ? Et qui peuvent bien être ces 67 % de jeunes qui sont en faveur de son autorisation ? Des imbéciles lobotomisés par l’instruction publique ? De futurs combattants dans le sentier d’Allah ? On ne sait pas bien. Mais ça ne présage rien de bon.
Arnaud Florac Boulevard Voltaire