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C’est un vieux contentieux entre la droite conservatrice et Marine Le Pen. Les premiers reprochent à la seconde de ne pas les considérer, voire d’être hostile à ce qu’ils représentent comme aux idées qu’ils portent. Une inimitié qui aurait contribué à créer un espace politique pour la candidature d’Éric Zemmour. « Ces gens ne représentent que 7 ou 8 % de l’électorat », martèle un proche de Marine Le Pen joint par Boulevard Voltaire. 7 ou 8 %, c’est d’ailleurs le score que Marine Le Pen avait prédit pour son adversaire. En janvier dernier, la candidate à la présidentielle a assimilé, dans Le Figaro, le « zemmourisme » à un « communautarisme » agrégeant des « chapelles remplies de personnages sulfureux », les « catholiques traditionalistes », les « païens » et « quelques nazis ». Dans Causeur (1/2/2022), elle a reproché à Éric Zemmour de jouer « le communautarisme catholique conservateur contre le communautarisme musulman ». De fait, en regardant l’organigramme du RN et de Reconquête, force est de constater que la droite conservatrice est davantage représentée chez Éric Zemmour. Outre les transfuges du RN Nicolas Bay et Jérôme Rivière, que l’on peut classer chez les conservateurs, on retrouve aussi, chez Zemmour, Laurence Trochu, présidente du Mouvement conservateur, anciennement Sens commun, le président de Via Jean-Frédéric Poisson, Marion Maréchal et d’autres…
Deux mouvements irréconciliables ? Marine Le Pen a initié une ouverture vers les profils conservateurs lors de la présentation des candidats investis par le RN aux élections législatives. Avec, par exemple, Christophe Bentz, ex-délégué général du PCD (devenu Via) et actuel directeur du pôle « Recherche » de l’ISSEP, l’école de Marion Maréchal. Mais également avec Pierre Meurin, ancien cadre de l’ISSEP qui faisait partie de la garde rapprochée d’Éric Zemmour aux prémices de l’aventure présidentielle du journaliste qu’il a quitté avec fracas. Meurin a expliqué, dans les médias, que la stratégie d’Éric Zemmour allait le mener dans le mur. Investi par le RN dans le Gard, le jeune père de famille s’explique auprès de Boulevard Voltaire : « Mon opposition à la ligne choisie par Reconquête ne faisait mystère pour personne. En revanche, j’ai été séduit par le discours et la campagne de Marine Le Pen. » Pas d’opportunisme ? « Face au macronisme et au bloc de gauche, il faut impérativement faire gagner le camp national », affirme celui qui déclare ne pas « s’arrêter aux petites phrases » de Marine Le Pen, notamment sur les cathos. Même son de cloche chez Christophe Bentz, interrogé par Boulevard Voltaire : « Il faut à tout prix créer un bloc d’opposition patriote », déclare-t-il, avant d’ajouter : « Je crains que ces cinq ans soient bien plus violents que le mandat précédent. » Au point de rogner sur ses convictions conservatrices ? Celui qui fut un temps patron des jeunes du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers (soutien d’Éric Zemmour) réplique : « Marine me prend comme je suis, on ne m’a pas demandé d’adhérer au RN, je suis d’ailleurs toujours encarté chez Via. » Dans le parti de Jean-Frédéric Poisson, on ne mélange pas tout. D’autant que la candidate qui portera les couleurs de Reconquête dans la 1re circonscription de Haute-Marne est Bénédicte de Dinechin, une cadre du parti Via ! « Nous n’avons qu’un seul candidat dans cette circonscription et c’est Bénédicte », affirme à Boulevard Voltaire le nouveau délégué général de Via Charles-Henri Jamin, lui aussi candidat pour Reconquête dans les Pays de la Loire. Bentz est donc « allié mais pas rallié », la consonne est importante. Pierre Meurin, de son côté, assume parfaitement : « Vous pouvez dire que je suis rallié parce que c’est la stricte vérité », sourit-il.
Ils ne sont pas les seuls, d’ailleurs, à porter ces idées. En Maine-Et-Loire, le RN a investi Pie-Louis Lecluse dans la 6e circonscription. Le jeune homme de 23 ans avait fait ses premières armes de militant à la Manif pour tous locale. « En matière de société et de bioéthique, les programmes d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen sont sensiblement identiques », nous affirme-t-il. « Je travaille dans l’agriculture et me retrouve davantage dans la vision du RN que dans celle d’Éric Zemmour. »
« Marine Le Pen a accepté d’avoir des candidats qui ne soient pas des RN historiques. Elle a opéré une ouverture à des droites hors les murs et je m’en réjouis », déclare pour sa part Charles Millon, ancien ministre de la Défense de Jacques Chirac et l’un des artisans de l’union des droites. Millon est aujourd’hui derrière l’initiative « La Droite » qui a pour but de former de potentiels candidats aux élections législatives. Du côté de Reconquête, plus précisément du Mouvement conservateur (ex-Sens commun), on n’est pas dupe. Celle qui sera candidate dans les Yvelines fustige la main tendue de Marine Le Pen aux conservateurs : « Sa stratégie est une stratégie de débauchage, affirme-t-elle, elle n’agit pas par conviction mais par tactique. En refusant les alliances mais en tentant de recruter chez Reconquête, le RN n’est plus rassembleur. On revient au FN originel c’est à dire un parti qui fait front contre tout le monde. » Pourtant, c’est bien le parti d’Éric Zemmour qui avait accueilli Nicolas Bay, Jérôme Rivière, Gilbert Collard ou encore l’eurodéputée Maxette Pirbakas. Il faut le dire, Reconquête a misé sur l’anti-marinisme pour recruter une grande partie de ses cadres. En allant chercher des conservateurs, Marine Le Pen démontre qu’elle a partiellement compris le signal. Pour couper l’herbe sous le pied d’Éric Zemmour, elle a présenté une poignée de candidats issus de ce sérail. Tout en maintenant sa porte fermée aux négociations. La constitution d’un groupe parlementaire se fera bel et bien sans Reconquête.