Échec en Australie : pauvre Napoléon !

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Pauvre Napoléon ! Alors que le microcosme décadent qui règne à Paris crie son emballement pour l’emballage de l’Arc de Triomphe, l’Empire anglo-saxon qui règne sur le monde, depuis Trafalgar et Waterloo, vient de mettre une grosse claque à la France en annulant le « contrat du siècle » : l’achat, par l’Australie, de douze sous-marins français très performants mais classiques. Des bâtiments américains à propulsion nucléaire leur sont préférés. Il ne faut pas se voiler la face, ces deux événements ont des rapports apparemment lointains dont le rapprochement déclenche un éclair de lucidité.

La France a longtemps vécu avec une arrogance fondée sur la vision qu’elle avait de sa gloire passée. Malgré plus de bas que de hauts, elle avait su garder de sa superbe. Après le désastreux passage de Hollande à l’Élysée et malgré la mise en scène initiale de son ancien ministre et successeur, personne ne peut aujourd’hui ignorer son déclin, sa décadence même, et l’aveuglement stupide avec lequel elle descend les marches en croyant les remonter. Il n’y a pas d’amis, en politique internationale. Il n’y a que des alliés, des ennemis et des neutres, des États, c’est-à-dire des monstres froids dénués de sentiments et mus par leurs intérêts. Le ballet des rencontres internationales, des embrassades avant les masques, n’est qu’un spectacle pour midinettes. Quand Le Drian, ce politicien socialiste usé jusqu’à la corde, larmoie sur un Biden qui se serait comporté comme un Trump, il confond la scène internationale avec celle d’un mélodrame. Les sentiments personnels n’ont pas leur place dans la conduite des États. Le pas de deux qui s’achève entre Merkel et Macron n’a pas empêché l’Allemagne d’acheter cinq avions américains Poseidon malgré les propositions françaises. Inutile de rappeler le solo berlinois sur l’énergie ou l’accueil des réfugiés.

Il n’a échappé à personne que la coopération européenne, notamment pour les achats d’armements, le cède souvent à d’autres considérations. Les pays qui se sentent encore menacés par la puissance russe se blottissent plus volontiers sous l’aigle américaine qu’ils ne répondent à l’appel du coq français. Quant au Royaume-Uni, qui n’a jamais eu en Europe qu’un pied-à-terre à des conditions privilégiées, il est reparti vers le grand large sous les remontrances et les mises en garde françaises. On le retrouve aujourd’hui comme membre des « Five Eyes » avec l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, dans la zone Indo-Pacifique, face à la Chine, où la présence française est à peine tolérée. Depuis la Révolution et l’Empire, le vieux combat entre l’Empire des mers et celui des terres n’est plus celui entre l’Angleterre et la France, mais entre le monde anglo-saxon, où les États-Unis ont pris la relève, et l’Allemagne, puis la Russie, puis peut-être la Chine. L’Empire terrestre peut l’emporter s’il gagne sur mer. C’était jouable pour la France jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Aujourd’hui, il s’agit de la Chine, dont on peut penser qu’elle guigne Taïwan. C’est donc le branle-bas de combat, à Washington. Le désengagement foireux d’Afghanistan avait pour but de libérer des forces d’un théâtre d’opérations qui tournait à l’impasse, mais il a eu pour résultat d’inquiéter les alliés de l’Amérique qui en attendent la protection. C’est pourquoi on resserre les rangs. En 2018, les Britanniques avaient remporté une pharaonique commande australienne de neuf frégates pour un montant de 24 milliards d’euros. C’est au tour des Américains. Les Français sont mal payés de leur suivisme à l’égard de Washington. Ils devraient, en particulier, regretter leur annulation de la commande russe de deux Mistral. D’abord, ce précédent ridiculise les rodomontades actuelles ; ensuite, il altère la confiance des clients envers leur fournisseur ; enfin, il a ôté à la France sa parade traditionnelle lorsqu’elle était en difficulté : l’alliance de revers, la preuve de l’indépendance.

Que cette déconvenue puisse donc nous ouvrir les yeux. L’effondrement de notre commerce extérieur, notre endettement « quoi qu’il en coûte », nos déficits systématiques, la disparition de notre industrie sont, certes, en partie voilés par la mise en scène médiatique orchestrée par le pouvoir et ses alliés, mais la réalité devient oppressante et elle se reflète en un symbole : celui de « notre » Arc de Triomphe, voilé de haut en bas, selon le projet d’artistes « travaillant, vivant et mourant » à New York.

Christian Vanneste, Boulevard Voltaire

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