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Emmanuel Macron et son gouvernement auront réussi l’exploit de me mettre d’accord avec La France insoumise et tous ceux qui brandissent la CEDH telle une arme de dissuasion ! Ce qui n’est pas rien…
De quoi s’agit-il ?
L’article 24 initial de cette loi était formulé comme suit (paragraphes 1 et 2) :
« Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :
Art. 35 quinquies. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale autre que son numéro d’identification individuel lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »
L’article adopté par l’Assemblée nationale, le 20 novembre, par 146 votes pour et 24 contre, avec un amendement gouvernemental de dernière minute, a fait évoluer la rédaction de son paragraphe 2 de la sorte :
« Art. 35 quinquies. – Sans préjudice du droit d’informer, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification, autre que son numéro d’identification individuel, d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police. »
Texte inutile ? Liberticide ?
Amendement rassurant ? Suffisant ?
Il n’y avait qu’à entendre les circonlocutions habiles mais embarrassées du garde des Sceaux sur BFM TV pour se convaincre du caractère dangereux de ce texte.
Le Président court après son image sécuritaire en vue de sa réélection. Gérald Darmanin est en mission !
La ficelle est grosse et les juristes sérieux n’ont aucun mal à le voir…
Texte inutile, d’abord, car le Code pénal contient déjà des dispositions permettant de réprimer ce qui est en cause. Ne citons que les articles 433-3 et 222-1. Pourquoi aller tripatouiller la loi sur la presse, si ce n’est effectivement pour faire peser une menace sur les journalistes, alors qu’il aurait éventuellement suffi, si on voulait vraiment faire à tout prix quelque chose, de préciser l’un et/ou l’autre des deux textes existants ?
Celui qui a été adopté ouvre, par ailleurs, à toutes les interprétations compte tenu de son caractère évasif et subjectif : « diffuser dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à l’intégrité » ! Que veut dire « dans le but manifeste » ? Depuis quand juge-t-on les intentions ? Ce qu’il ne faut pas confondre avec la nécessité légale de l’intention délictuelle…
Que dire, enfin, de la concession de dernière minute ayant consisté à ajouter en tête de l’article « Sans préjudice du droit d’informer » ? Que dire, si ce n’est que cette formule n’a pas de sens et qu’elle ne veut rien dire dès lors qu’elle n’interdira justement pas de poursuivre un journaliste dont il sera jugé qu’il aura diffusé « dans le but de porter atteinte à l’intégrité d’un policier » ?
Cet article est dangereux, liberticide et inquiétant de la part d’un pouvoir qui a autant peur des djihadistes que du Covid-19. Et il ne viendra pas au secours des policiers qui doivent être soutenus pour de bon par l’État avec les moyens dont il dispose sans qu’il soit nécessaire d’ajouter encore des lignes supplémentaires, confuses et ambiguës à nos textes répressifs !
Encore une loi de circonstance pour rassurer la galerie et faire croire que ce gouvernement veut assurer notre sécurité et « protéger ceux qui nous protègent ». Une loi qui fait peser une menace insupportable sur la liberté de la presse et qui ne réussira qu’à aviver encore un peu plus les tensions sur les forces de l’ordre et entre ces dernières et la presse !
Boulevard Voltaire.