Dette, chômage : vers la faillite de l’État-providence

Spread the love

Articles : mai 2020avril 2020mars 2020février 2020

Olivier Piacentini

Les prévisions économiques de la commission de Bruxelles pour la zone euro exposées le 6 mai par madame Von der Leyen sont particulièrement effrayantes : récession de près de 8 %, hausse de 30 % du taux de chômage, hausse de 15 % de l’endettement, qui passera la barre des 100 % du PIB pour la zone euro. Mais ces chiffres sont une moyenne, qui inclut par exemple l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, moins touchés par la crise. Les chiffres économiques du premier trimestre l’indiquent clairement, la France est probablement de tous les pays le plus atteint par la récession : -5,8 % au premier trimestre, contre 4,2 % en Italie, 5,2 % en Espagne, -2 % seulement en Allemagne. Et la France a deux fois plus de chômeurs à temps partiel que l’Italie ou l’Espagne. Et encore la comparaison du premier trimestre est flatteuse, car Espagne et Italie avaient confiné dix jours avant la France en mars : au deuxième trimestre, ce sera l’inverse, la France aura plusieurs jours de confinement en plus que ses voisins… Édouard Philippe et Bruno Le Maire ont déjà prévenu : il y aura un appauvrissement général. Selon les prévisions du gouvernement, le chômage pourrait atteindre 20 % de la population active à la fin de l’année, l’endettement 120 % du PIB (contre 101 % aujourd’hui).

Question : comment maintenir encore l’État-providence dans ses conditions ? Le service de la dette en France représentait à peu près 160 milliards d’euros ces dernières années, en incluant paiement des intérêts et du principal. Faites le compte, 20 % de hausse de l’endettement, cela représente 32 milliards de plus pour le budget de l’État : 1 100 € à payer pour chaque ménage français. Le coût du chômage est lui d’environ 100 milliards d’euros, en cumulant coût direct de l’indemnisation, et coûts indirects induits (dépense de santé, formation, soutien aux précaires etc…) : là encore, le compte est vite fait, le chômage à 20 % au lieu de 10, cela nous coûtera 100 milliards d’euros de plus, soit 3 400 euros par foyer… La situation économique catastrophique nous conduira à environ 130 milliards de surcoût annuel pour l’État, au moins sur la première année. Se voulant optimiste, la Commission a prévu une année 2021 excellente, qui compenserait en bonne partie les pertes de cette année : au risque de passer pour un pessimiste compulsif, je n’en crois pas un mot. Il faudra des années pour retrouver notre niveau d’avant-crise, pourtant déjà plus que dégradé. L’État va donc devoir subir un surcroît de dépenses pour plusieurs années, même s’ils se résorbe peu à peu.
130 milliards de surcoût, on se demande comment financer cela, dans un pays qui détient un triple record européen : record mondial de la dépense publique, 57 % du PIB, record mondial de la fiscalité, record européen du déficit public (3 % du PIB ou plus depuis 2003). Hausse des impôts et des charges ? Rien de tel pour précipiter les entreprises en faillite, et aggraver le problème. Et la France est au taquet en terme de niveau de prélèvements. Emprunter encore : pure folie… La seule solution, c’est la réduction des dépenses publiques, en particulier des budgets sociaux, qui représentent « un pognon de dingue », comme dirait l’autre, un tiers environ de ce que l’État, les caisses sociales et les collectivités dépensent. Cela voudra dire la fin programmée d’un État-providence tentaculaire. Vaste programme, pour les courageux qui devront s’y attaquer, et affronter aussi l’hostilité de la rue, la rébellion des banlieues, une misère de masse que l’on ne pourra plus soulager comme on le faisait jusqu’à présent.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *