Le rebondissement de l’affaire Benalla est révélateur de la décomposition d’un pouvoir qui s’est cru au-dessus des lois et qui ne cesse de brouiller les pistes depuis que l’ex-conseiller présidentiel chargé de la protection du président a été filmé le 1er mai 2018 en train de violenter des manifestants.
Rien n’est clair dans cette affaire.
La commission d’enquête parlementaire a été littéralement sabotée et escamotée pour cacher la vérité. Un chapelet de mensonges et de non-dits.
La commission sénatoriale n’a pas encore rendu ses conclusions mais il est évident que Benalla est loin d’être devenu le paria de l’Élysée, comme voudrait le faire croire l’exécutif.
Qui est Benalla ? L’ex-chef d’orchestre de la sécurité présidentielle, qui agaçait les officiers du GSPR et imposait ses décisions, assimilées à des ordres venus du sommet de l’État ?
Y a-t-il une sorte de cabinet noir à l’Élysée, une police parallèle qui œuvre en coulisses ? Mystère.
Ou bien Benalla n’était-il que le simple porteur de valises responsable de la logistique des déplacements présidentiels, comme il l’a dit devant les commissions d’enquête après avoir prêté serment ?
Mais dans ce cas, comment un simple logisticien a-t-il pu obtenir du président un ensemble de privilèges ahurissants, qu’aucun ministre ne serait en droit de réclamer ? On attend la réponse…
Logement de fonction.
Voiture de fonction avec chauffeur.
Permis de port d’arme.
Badge d’accès à l’Assemblée.
Grade de lieutenant-colonel de réserve dans la gendarmerie à 27 ans !
Salaire de 6 000 euros par mois.
Et, cerise sur le gâteau : deux passeports diplomatiques !
On sait bien que le personnel de l’Élysée n’est pas composé de va-nu-pieds, mais si un porteur de valises gagne 6 000 euros, on se demande quel est le montant de l’enveloppe budgétaire consacrée au salaire des employés du Château !
À une époque où les Gilets jaunes ont le frigo vide le 20 du mois, voilà qui fait désordre.
Ensuite, cette histoire de passeports diplomatiques, où chacun se refile la patate chaude, montre une fois de plus que l’Élysée et Matignon sont devenus le théâtre d’un foutoir absolu.
Personne n’est au courant de rien. Mensonges et contradictions sont de mise.
Benalla s’est rendu au Tchad et a rencontré le président Idriss Deby quelques jours avant le voyage officiel de Macron à N’Djamena le 22 décembre.
Un voyage d’affaires, paraît-il, un voyage privé, mais pourquoi avec des passeports diplomatiques qui devaient être rendus en quittant l’Élysée ?
Benalla a-t-il menti sous serment devant la commission sénatoriale en prétendant que ses passeports étaient dans son bureau de l’Élysée ?
Le parjure est puni de 5 ans de prison et de 75 000 euros d’amende…
Dit-il vrai quand il prétend que l’Élysée lui a rendu ses deux passeports en octobre ? Ce qui laisserait supposer qu’il existe encore un lien entre le Palais et l’ex-conseiller élyséen ?
L’Élysée conteste. Qui ment ?
Le fait que ces deux sésames aient été délivrés le 24 mai, soit après la mise à pied de Benalla suite aux violences du 1er mai, est particulièrement troublant.
En tout cas, Benalla voyage beaucoup, en Afrique et en Israël, selon Le Monde.
Le ministère des Affaires étrangères nous ressort une vielle lettre réclamant à Benalla la restitution des deux passeports en juillet 2018.
Mais face au refus d’obtempérer de Benalla, le Quai d’Orsay ne s’est pas beaucoup remué !
Le Drian se bouge enfin et saisit le procureur de la République. Mieux vaut tard que jamais !!
Que cache toute cette affaire dont on attend les rebondissements ?
Benalla joue les victimes et menace : « Je ne me tairai plus ». Comme s’il se sentait intouchable…
Est-il en possession de lourds secrets pouvant déstabiliser ou compromettre le maître de l’Élysée ?Y a-t-il un risque pour Macron de voir déballer quelque sombre histoire ?
Mediapart, qui a pour habitude de sortir ses informations au compte-gouttes, laisse planer le suspense.
Quant à la commission sénatoriale, elle devra réécouter Benalla afin de démêler le vrai du faux et d’en finir avec bien des contradictions.
Plenel a raison, c’est une affaire d’État. Trop de zones d’ombre, trop de mensonges entourent cette affaire de plus en plus énigmatique.
Pourquoi Benalla a-t-il été autant protégé depuis le début de cette affaire ?
Un passeport diplomatique n’est accordé que pour des fonctions bien précises au service de la France à l’étranger.
Quelles fonctions diplomatiques devait assurer Benalla quand l’Élysée lui a remis ses passeports en mai 2018, alors que ses violences étaient connues et indéfendables ?
Il est temps que l’Élysée réponde au peuple. Qui est le vrai Benalla ? Car tout cela ressemble de plus en plus aux sombres magouilles d’une république bananière.
Jacques Guillemain