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Si l’attention des Français était logiquement attirée vers cet énorme scandale comme elle l’a été, il y a cinq ans, sur l’emploi fictif de Mme Fillon, minuscule par rapport à cette affaire, le Président sortant devrait être éliminé de la compétition électorale avant d’être poursuivi par la Justice. Mais notre système judiciaire, notre presse et le microcosme dirigeant opèrent un tri dans ce qui doit ou non intéresser les Français. Depuis cinq ans, le scandale Alstom dort dans les armoires de la Justice. Heureusement, le Sénat et ses commissions où s’est réfugié le sens de l’État ont débusqué un autre scandale qui montre que le premier n’était pas un accident, mais seulement l’un des signes du système. Le député qui avait pointé l’affaire Alstom, Olivier Marleix, avait pu parler d’un « pacte de corruption ». McKinsey révèle l’ampleur du problème au cœur même du pouvoir.
McKinsey est la succursale française d’un très gros cabinet d’audit américain. L’État français fait souvent appel à lui pour en recevoir les conseils éclairés avant d’entreprendre une action publique. C’est ainsi que les sénateurs ont mis au jour un contrat de plus de 500.000 euros par lequel McKinsey était chargé réfléchir au « métier d’enseignant de demain ». C’est lui, également, qui a reçu 4 millions d’euros pour réformer les aides personnalisées au logement (APL) et… baisser celles-ci de 5 euros pour les étudiants. C’est encore lui qui a empoché près d’un million d’euros pour plancher sur la réforme des retraites qui n’a pas abouti. C’est toujours lui qui est intervenu pour l’organisation de la campagne de vaccination, à raison de 12 millions d’euros.
Cette dérive établie clairement par l’enquête sénatoriale pose au moins quatre problèmes. Le premier est évidemment le comble de l’absurdité pour un État pléthorique, par le nombre de ses fonctionnaires, la kyrielle de ses administrations et agences, le gouffre de ses dépenses, d’être incapable de résoudre les problèmes qu’il affronte par ses propres moyens pourtant colossaux. Au-delà de cette apparence, il y a de multiples connivences entre les responsables publics et privés, qui appartiennent au même microcosme, se connaissent, passent d’un côté à l’autre, du public, par exemple, où ils ont constitué un carnet d’adresses, au privé, où ils le transforment en revenus mirobolants sans rapport avec de prétendues compétences. Or, l’État a les outils nécessaires et ceux-ci les statuts propres à lui permettre d’assurer ses missions, pour peu que le recrutement des responsables fasse régner le sens du service public plutôt que de satisfaire la proximité idéologique ou carrément le copinage. M. Macron n’avait pas besoin, pour « emmerder les Français », de faire appel à McKinsey : il y avait Santé publique France, le Haut Conseil de la santé publique, la Haute Autorité de santé, et j’en passe.
La seconde question qui se pose est le processus « d’optimisation fiscale » décelée chez McKinsey. C’est la succursale française d’une société américaine basée au Delaware. Celle-ci a un chiffre d’affaires de 329 millions d’euros et ne paie pas d’impôts en France car la maison mère américaine lui facture ce qu’il faut de prestations pour éponger ses bénéfices. Et, donc, on assiste à ce scandale de l’argent public français avalé par une société étrangère située dans un État dont tout le monde sait qu’il est le paradis fiscal intérieur aux États-Unis. Karim Tadjeddine, son responsable en France, intervenant devant les sénateurs, a affirmé que sa société payait des impôts en France. Elle n’en aurait pourtant payé aucuns depuis dix ans. Si c’est confirmé, cela s’appelle un parjure, et c’est le troisième problème que le Sénat a mis en lumière avec les poursuites qui s’imposent.
Enfin, et c’est le plus grave : cette affaire révèle une connivence, voire une complicité, jusqu’au plus haut niveau de l’État. Bercy n’ignore évidemment rien de la situation fiscale de McKinsey. Comment a-t-il pu laisser passer les réponses aux appels d’offres de cette entreprise ? Favoritisme ? Concussion ? Depuis la commission Attali jusqu’aux multiples recours à McKinsey depuis qu’il joue un rôle politique en passant par la constitution d’En Marche !, les liens entre cette succursale américaine et le Président français sont récurrents.
Les Français vont-ils accepter, soumis, d’avoir été trompés, trahis, humiliés et de l’être à nouveau cinq ans de plus ?
Christian Vanneste, Boulevard Voltaire
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