Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée…

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Rien ne peut arrêter un peuple en marche. C’est tout le sens de l’œuvre de Victor Hugo « Les châtiments ».

Le septième livre annonce la chute de l’Empire. Il s’ouvre symboliquement sur ce poème consacré à la chute de Jéricho. Josué avait reçu de Dieu l’ordre d’en faire sept fois le tour, en sept jours, au son de sept trompettes.

Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée.

Quand Josué rêveur, la tête aux cieux dressée,
Suivi des siens, marchait, et, prophète irrité,
Sonnait de la trompette autour de la cité,
Au premier tour qu’il fit le roi se mit à rire ;
Au second tour, riant toujours, il lui fit dire :
– Crois-tu donc renverser ma ville avec du vent ?
À la troisième fois, l’arche allait en avant,
Puis les trompettes, puis toute l’armée en marche,
Et les petits enfants venaient cracher sur l’arche,
Et, soufflant dans leur trompe, imitaient le clairon ;
Au quatrième tour, bravant les fils d’Aaron,
Entre les vieux créneaux tout brunis par la rouille,
Les femmes s’asseyaient en filant leur quenouille,
Et se moquaient, jetant des pierres aux Hébreux ;
À la cinquième fois, sur ces murs ténébreux,
Aveugles et boiteux vinrent, et leurs huées
Raillaient le noir clairon sonnant sous les nuées ;
À la sixième fois, sur sa tour de granit
Si haute qu’au sommet l’aigle faisait son nid,
Si dure que l’éclair l’eût en vain foudroyée,
Le roi revint, riant à gorge déployée,
Et cria : – Ces Hébreux sont bons musiciens ! –
Autour du roi joyeux, riaient tous les anciens
Qui le soir sont assis au temple et délibèrent.

À la septième fois, les murailles tombèrent.

Jersey, septembre 1853.

Victor Hugo, Les Châtiments, 1852.

Cette métaphore montre combien les empires humains sont fragiles et combien ceux qui règnent ont tord de se croire à l’abri. Intellectuellement verrouillés dans le tunnel de leur propre succès, isolés dans leurs palais dans lesquels les clameurs des peuples ne parviennent pas, ils sont toujours les derniers à réaliser l’immense menace qui va les emporter.

C’est souvent à l’instant même où ils pensent avoir gagné que le petit ruisseau, nourri par tous ses affluents, devient le fleuve impétueux qui va tout entraîner sur son passage.

Jean Goychman, Breizh-info.com

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