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Ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas entendue. Qui ça ? Nathalie Loiseau. C’est vrai, ça, on l’avait un peu perdue de vue. Le Parlement européen, pour qui veut se faire oublier « au national » a un côté pratique indéniable : sorte d’exil feutré et confortable, il permet de cacher sa médiocrité en continuant tranquillement son petit bout de carrière. L’ancienne ministre des Affaires européennes, qui vient de parrainer – « marrainer serait pour le coup plus approprié », corrige cette nouvelle icône du féminisme macronien, sur son compte Twitter – Emmanuel Macron, non encore candidat, est très active sur le dossier ukrainien. Elle était d’ailleurs en Ukraine cette semaine avec une délégation d’eurodéputés pour « rassembler des informations sur la crise et témoigner du soutien [de l’Europe] au peuple ukrainien », précise-t-elle, toujours sur son compte Twitter.
À peine rentrée en France, elle a donné une interview au Point dans lequel elle fait part de son analyse de la situation. Rien qui casse trois pattes à un canard dans cet entretien. « Ce qui est sûr, c’est que le pays regarde entièrement vers l’ouest et veut choisir son propre équilibre de sécurité. La Russie n’est plus attractive pour son environnement et l’Ukraine veut se tourner vers le modèle européen ». Car il y a un modèle européen. « Si elle choisit sa propre voie pour sa sécurité, cela peut être perçu comme un désastre pour Vladimir Poutine. » On l’a déjà dit ici, il n’est pas question de faire preuve de naïveté vis-à-vis de Poutine, mais peut-on, tout de même, imaginer que cet « équilibre de sécurité » voulu par l’Ukraine puisse être considéré, plus qu’« un désastre pour Vladimir Poutine », comme un véritable risque pour l’équilibre même de sécurité de la Russie ?
Rien de très original donc dans cette interview de celle qui, en tant que présidente de la sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen, se rappelle tout d’un coup à nous. Une interview qui aurait pu passer inaperçue quand soudain… « L’Europe ne peut se contenter d’être une grosse Suisse molle dans cette crise. » On allait peut-être éviter la guerre avec la Russie et ne voilà-t-il pas qu’on va vers une crise majeure avec la Confédération helvétique ! En tous les cas, c’est déjà la guerre sur Twitter. « Ce n’est pas concevable d’être à ce point idiot et d’insulter un pays comme la Suisse. C’est ça l’élite macronienne, ces gens qui pêchent par leur trop grande intelligence », réagit la « citoyenne, féministe universaliste, laïque, essayiste » Fatiha Agag-Boudjahla. Piquée au vif, l’ancienne tête de liste LREM aux européennes riposte : « Vous avez raison Madame. Ne lisez pas l’article, ne regardez pas l’Ukraine risquer sa liberté, ignorez le risque de guerre à la porte de l’Europe, les soldats ukrainiens dans les tranchées, dans la neige. J’en reviens et je suis en colère. Mais le buzz c’est tellement plus important. » On hésite là, entre Clemenceau et Bernard-Henri Lévy. Un mixte peut-être ?
La Suisse, maligne, par la voix de son ambassade à Paris, quant à elle, reste sur son quant-à-soi : « Merci d’évoquer la Suisse. Depuis des décennies, nous œuvrons pour la paix et la sécurité, en Europe et dans le monde. Avec discrétion, aux côtés de nos partenaires, comme la France et l’UE, et dans les enceintes multilatérales. »
« Face à Moscou, l’Europe ne doit pas être une grosse Suisse molle » – Le Point https://t.co/4kHAqIhP23
— Nathalie Loiseau (@NathalieLoiseau) February 4, 2022
La Suisse l’a montré tout au long de son histoire : elle est tout sauf molle ! Si le pape fait appel à ses troupes depuis le début du XVIe siècle, ce n’est pas un hasard. Le 10 août 1792, 400 gardes suisses furent massacrés par les révolutionnaires aux Tuileries alors qu’ils protégeaient le roi. En août 1914, lorsque le premier conflit mondial éclata, le Conseil fédéral mobilisa plus de 200.000 hommes pour défendre les frontières de la Confédération menaçant de déclarer la guerre à qui violerait le territoire suisse. « Halte ! On ne passe pas ! Patrie ! Liberté ! » En 1940, c’est pas moins de 700.000 hommes qui furent mobilisés. Depuis le début des années 2000, la Suisse a, certes, contexte géopolitique oblige, réduit et professionnalisé ses effectifs militaires, fondés sur l’antique système de milice (« La Suisse n’a pas d’armée, elle est une armée », disait-on jadis), mais elle ne semble pas avoir spécialement molli…
Georges Michel, Boulevard Voltaire
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