Marsault : « Je n’arrive à trouver aucun élément positif dans la France de 2018 »

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De l’ouvrier au dessinateur reconnu, quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Il y a dix ans, je m’étais fixé un objectif : vivre de mon travail, sans jamais me fourvoyer ou chercher du piston. J’y suis parvenu, je suis donc globalement satisfait du travail accompli pour l’instant.

Dans quelle mesure votre histoire personnelle vous inspire-t-elle dans vos dessins ?

Sans vouloir faire dans la psychologie de comptoir, il est évident que les épisodes désagréables que j’ai subis ont une importance capitale dans ma façon de travailler. Une sorte de besoin de reconnaissance mêlé à de la revanche, qui me donne des réserves de carburant infinies pour travailler du matin au soir. Au-delà de ça, étant jeune, j’ai écumé tous les bars de ma ville, ce qui m’a donné l’occasion d’observer toutes sortes de gens, du clochard au millionnaire. Encore aujourd’hui, je m’inspire de ces rencontres faites il y a quinze ans.

Deux albums en 2018, c’est une belle performance. Comment parvenez-vous à être aussi productif ?

En ne m’accordant aucun loisir. J’ai très vite pris l’habitude de travailler énormément, habitude qui ne m’a jamais quitté. Il n’y a rien de sorcier, il suffit de travailler douze heures par jour.

On sent beaucoup de violence dans vos dessins, on imagine que Breum 3 ne dérogera pas à la règle ?

C’est, de loin, le plus violent de tous mes albums, effectivement.

En vous lisant (attention, euphémisme), on a l’impression que peu de choses, dans notre société, sont à garder, selon vous. Il n’y a rien à sauver ?

Certainement que si, mais je n’arrive à trouver aucun élément positif dans la France de 2018.

Obèses, hippies, intellectuels, vieux, jeunes, terroristes, hipsters, gauches, droites : autant de baffes à distribuer. N’est-ce pas lassant, au bout d’un moment, d’être en guerre contre le monde entier ?

Un peu, oui. Je vais, à l’avenir, donner une nouvelle direction à mon travail, visant à garder toute la violence tout en variant les sujets.

Reiser, Gotlib, Wolinski, des dessinateurs qui vous ont inspiré et dont vous vous réclamez… Pour le style ou l’humour noir ?

Je ne me réclame pas de ces grands artistes, je les admire. Il est, pour moi, hors de question d’être mis sur un pied d’égalité avec ces hommes, je ne le mérite pas. Même s’il est très flatteur d’être comparé à de tels dessinateurs, c’est un peu gênant pour moi, on me donne une importance que je n’ai pas. Je les admire pour leur style graphique.

Enfin, difficile de vous interviewer sans parler de votre difficulté à travailler sereinement sans être poursuivi par une horde de ce qu’on appelle « social justice warrior » et un assortiment de menace. Comment vivez-vous cette « guerre digitale » ?

Je ne la vis plus. Définitivement, je m’éloigne des réseaux sociaux, justement pour travailler sereinement, pour sauver mon travail.

source : “Boulevard Voltaire”





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