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#webtube : Très habile dans sa construction, dans son maniement des symboles et dans sa façon de brouiller les pistes sans arrêt. Nous évoquions, la semaine passée, le nouveau Superman, de James Gunn, un film de propagande tellement transparent dans ses allusions et prises de position qu’il en est comique. Beaucoup plus subtil, le nouveau long-métrage d’Ari Aster, Eddington, gagnerait à être vu et étudié par nos futurs cinéastes de droite. Sans ironie aucune, il faut clairement admettre que le réalisateur des excellents Hérédité et Midsommar, pépites du cinéma d’épouvante, a fait un très bon travail, en dépit du fait que ses idées nous hérissent le poil…
Le (juste) constat d’une Amérique fracturée
Le film commence en 2020, en pleine pandémie de Covid-19, dans une ville de six mille habitants au Nouveau-Mexique. Nous suivons alors un sympathique shérif, Joe Cross, suffisamment réac pour refuser la paranoïa collective, le grégarisme social, le port du masque obligatoire et l’ostracisme de ceux qui refusent de s’y plier. Très critique à l’égard des réseaux sociaux, des délires complotistes en tous genres et des adeptes fanatiques de Black Lives Matter – l’affaire George Floyd vient tout juste d’éclater –, Joe Cross a tout pour nous plaire. Proche des gens, « populiste », ce personnage jovial voit d’un très mauvais œil l’installation, dans la ville, d’un data center, prévue par Ted Garcia, le maire progressiste vendu aux puissances d’argent. L’opposition du shérif à ce dernier est motivée, en outre (et surtout !), par un vieux contentieux de vingt ans, lié à son épouse. Si bien que Joe Cross décide, sur un coup de tête, de se présenter aux élections locales pour renverser Ted Garcia et devenir maire à sa place. Dès lors, le sympathique shérif que nous suivions jusqu’à présent commence, de ci de là, à dévoiler une face plus sombre de sa personnalité : bonnes actions calculées, calomnies, utilisation outrancière de ses proches, déclarations publiques à des fins clientélistes, meurtres (!), désignation d’un faux coupable, etc.
Des procédés habiles de manipulation
Faussement neutre dans sa volonté de représenter une Amérique fracturée, Ari Aster a d’abord l’intelligence, dans la première demi-heure, de donner tous les gages possibles et imaginables au camp « populiste ». Les petits bourgeois blancs d’extrême gauche, fanatisés par Black Lives Matter, sont dépeints dans toute leur bêtise crasse et leur sectarisme ; le cinéaste leur jette au visage leurs incohérences idéologiques, leur schizophrénie intellectuelle et leur racisme fondamental, à peine voilé. Faux défenseurs de la justice sociale, ces hypocrites n’ont pas la moindre considération pour le clodo du coin – bien blanc – qui, lui, aurait véritablement besoin d’assistance.
C’est dans un second temps seulement, une fois que la méfiance du spectateur est au plus bas, qu’Ari Aster retourne les armes contre le shérif et, à travers lui, contre l’Amérique des républicains, principale cible de ce film. Car les assassinats perpétrés par Joe Cross mettent littéralement le feu à la ville. Et le coupable désigné, victime d’un coup monté, sera un sergent du shérif, un Noir… Comprendre, par là, que si les militants de Black Lives Matter sont bel et bien des charlots, leurs intuitions sont les bonnes : l’homme noir est une victime et les forces de l’ordre sont viciées…
À ce sujet — [CINÉMA] Superman, une nouvelle version plus politique signée James Gunn
Aveuglé par sa haine du maire, qu’il soupçonne injustement d’avoir autrefois violé son épouse, le shérif ne voit même pas que celle-ci est actuellement victime d’une emprise sectaire par un obscur gourou et qu’il est en train de la perdre définitivement. Quant au combat de Joe contre l’installation d’un data center dans la ville, il n’aura qu’un temps. Car une fois devenu maire, le républicain – devenu paraplégique et immobile – se rangera aussitôt du côté des industriels et des puissances d’argent.
Ne surtout pas boycotter
Très habile dans sa construction, dans son maniement des symboles et dans sa façon de brouiller les pistes sans arrêt, Eddington met le spectateur de son côté en jouant à fond la carte de la dérision et de la violence graphique (la scène de guérilla urbaine à la fin, complaisante et inutilement étirée). Cependant, plutôt que de crier bêtement au « wokisme » et de boycotter le film, nous conseillons vivement au lecteur d’aller le voir et d’analyser les procédés de fabrication d’une œuvre de propagande de haut niveau. L’exercice est stimulant intellectuellement et les plus malins en tireront des enseignements…
4 étoiles sur 5
Pierre Marcellesi, dans BV