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°° WEBTUBE : Une fois l’ouragan judiciaire passé, Marine Le Pen est désormais tenue d’affiner sa stratégie. Celle de la rupture, tenue au procès, n’a pas été couronnée des fruits escomptés. Tout nier, quitte à retourner l’accusation contre des juges suspects de rendre une justice politique, voilà qui fleurait bon son Jacques Vergès. Ça ne manquait pas d’allure, à ce menu détail près: cet avocat a précisément perdu tous ses procès de rupture. Certes, il lui reste des recours. Mais il lui faudra attendre l’été 2026 pour être fixée. C’est long, très long ; trop long. D’où l’hypothèse qu’elle avait déjà évoquée : celle d’une candidature de Jordan Bardella.
Des remous en interne
Sans surprise, ce plan B suscite nombre de commentaires chez nos confrères, comme s’ils s’inquiétaient que le RN ne puisse concourir à la mère de toutes les élections. Au-delà de cette touchante sollicitude, il faut bien vendre du papier et on ne saurait le leur reprocher. Le Monde du 17 avril, avec son air de ne pas y toucher, évoque ainsi les rivalités internes au sein du RN en cas de mise sur orbite de son potentiel candidat à l’Élysée. Sans blague ? Comme si de dissensions il n’y avait pas dans toutes les formations politiques. Et, surtout, comme si la nature humaine n’était que vue de l’esprit. Le 10 avril, Marianne, lui, est plus direct, titrant en une : « Plan B ou plombé ? ». Certes, il est rappelé que Jordan Bardella est tout aussi bien placé – voir mieux – que Marine Le Pen dans les sondages, même en tenant compte de la différence entre « sympathie » et « soutien », nuance de taille déjà explicitée en ces colonnes (voir: Le grand retour de Dominique de Villepin : ces sondages en trompe l’œil…). Il n’empêche que la question posée par l’hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn, consistant à savoir si Jordan Bardella a l’étoffe ou non, l’expérience ou pas, pour briguer la magistrature suprême, taraude même les esprits au sein de son propre parti. Il y a ceux qui, devant les micros, affirment que oui et que son jeune âge est parfaitement anecdotique ; d’autres, en off, paraissent plus sceptiques.
La perpétuelle accusation du manque d’expérience
Une interrogation en appelant une autre, posons-nous celle-ci : que demande-t-on à un possible futur dirigeant ? D’avoir des diplômes ? D’avoir usé ses guêtres dans le secteur privé ou les ministères ? D’avoir cette culture propre à vous donner une colonne vertébrale idéologique ? À cette aune jugée, le principal intéressé n’a rien de tout ça. On sait qu’il bosse ses dossiers plus que les autres ; même Emmanuel Macron le reconnaît publiquement. Après tout, et même si comparaison n’est évidemment pas raison, un Louis XIV ou un Napoléon Bonaparte étaient tout aussi jeunes que lui lorsque parvenant aux plus hautes fonctions et n’étaient pas précisément, ni bêtes de concours et encore moins des singes savants. Mais ils apprenaient vite et savaient s’entourer. Est-ce le cas de Jordan Bardella ? Comme dit dans le film La vérité si je mens, laissons au moins une chance au produit.
D’ailleurs, il y a là un syndrome éminemment français, celui des grandes écoles, qui fait encore illusion. On veut du polytechnicien, du khâgneux, du multi-diplômé, du Juppé, du Giscard. On en finit ainsi par oublier qu’un Bruno Le Maire, « le Mozart de la finance » a tout de même réussi à faire sauter la banque lors de son passage à Bercy. Si l’Arabe du coin gérait son épicerie avec une maestria semblable, il aurait mis la clef sous la porte depuis longtemps. Même la droite de la droite n’échappe pas à ce tropisme, estimant qu’un François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie, ça a tout de même une autre gueule qu’un Jordan Bardella. Oui, mais si les technocrates et les philosophes savaient faire de la politique, cela se saurait depuis longtemps.
« Les intellectuels et les politiques sont condamnés à vivre sur des planètes différentes »
Lors d’un entretien accordé par Alain de Benoist à l’auteur de ces lignes, le fondateur du Grece assurait en substance : « Les intellectuels et les politiques sont condamnés à vivre sur des planètes différentes. Les premiers ont généralement tendance à couper les cheveux en quatre, alors que les seconds sont là pour rassembler au moins 50 % du peuple plus une voix. » Il convient donc de ne pas confondre les genres.
Alors, l’expérience de la vie, Jordan Bardella l’a peut-être mieux apprise en grandissant dans le 93 que sur les bancs de Sciences-Po. Toujours la même histoire entre les têtes bien faites et les têtes bien pleines. Les unes peuvent avoir de l’instinct politique alors que de la politique, les autres n’en ont parfois qu’un semblant de culture. Quant à la colonne vertébrale politique dont certains prétendent qu’elle n’est pas sa qualité première, d’autres objecteront que la souplesse est souvent meilleure conseillère. Voilà qui rappelle le Front national de jadis, quand les tenants des « fondamentaux politiques » affirmaient être les gardiens de ces derniers (avortement, libéralisme économique ou défense des chrétiens d’Orient, etc.), devant la montée en puissance d’une autre jeune pousse, Marine Le Pen pour ne pas la nommer, se firent vertement rembarrer par son père, lequel rappelait que ces seuls « fondamentaux politiques » se résumaient à « l’amour de la France », à l’occasion d’un entretien accordé à Minute. Voilà qui était bref, mais présentait l’avantage de parler au plus grand nombre ; ce qui est précisément la fonction d’un homme politique.
Dans le même numéro de Marianne, Jérôme Fourquet, le maître-sondeur qu’on sait et peu suspect de complaisance à l’égard du RN, ne se risque pas à dénouer cette épineuse question, se contentant de remarquer : « Jordan Bardella a déjà passé l’épreuve du feu. Il a été tête de liste aux européennes de 2019 et 2024. Et à ces deux élections, notamment à la dernière, il a fait des scores tout à fait impressionnants (31 % aux dernières européennes). Aux législatives qui suivent, il réalise 33 % avec ses alliés ciottistes. »
On connaît nombre d’intellectuels, mieux capés d’un point de vue universitaire et à la colonne vertébrale politique plus solide qui se seraient damnés pour en afficher autant.
Alors, Bardella, pourquoi pas ?
Nicolas Gauthier, dans la revue Eléments