Articles : Aout 2025 – Juil. 2025 – Juin 2025 – Mai 2025 –
Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100069673161887 Twitter : https://twitter.com/OrtfNews Music 24/24 : http://DJMUSIC.fr

#webtube : La sidération est totale, pour les éleveurs de Cessens, après l’euthanasie de leurs vaches sur décision des autorités. Il règne un terrible silence, dans l’étable où nous nous trouvons. Quelques jours auparavant, Pierre-Jean, jeune agriculteur de vingt-sept ans, y logeait ses soixante-seize vaches et veaux. Depuis, plus un tintement de cloche et plus un mugissement, cette ambiance sonore qui fait le charme des alpages savoyards. « Bienvenue dans une vallée en deuil », prévient Mickael, un habitant d’Entrelac, en Savoie (73).
Pour cause, le ministère de l’Agriculture a procédé à l’euthanasie des vaches, veaux et génisses de la commune. Trois cas de dermatose nodulaire contagieuse, maladie non transmissible à l’homme, avaient été détectés dans le GAEC Duchêne. La Santé publique vétérinaire a alors mis en place une stratégie de dépeuplement total du foyer infecté au mois de juillet. Selon l’Académie vétérinaire de France, c’est une mesure de contrôle sanitaire qui vise à arrêter la transmission. « Il peut en effet, dans certains cas, s’avérer obligatoire pour assainir l’élevage de condamner des animaux apparemment sains alors qu’ils sont soit en incubation, soit susceptibles de devenir des réservoirs asymptomatiques d’agents pathogènes qui constitueront une menace pour de nombreux élevages », explique l’Académie.
« Qu’on préserve les vaches saines »
Une décision qu’aucun éleveur rencontré n’accepte. Eux estiment ne pas avoir été écoutés par les autorités sanitaires. « On a proposé un abattage partiel, que les bêtes positives à la DNC soient éliminées, mais qu’on préserve les vaches saines », raconte Pierre-Jean, avant de poursuivre : « Dès les premiers symptômes, j’ai mis à l’écart les vaches atteintes et j’ai alerté les autorités. On était prêt à perdre une partie de notre troupeau, mais pas l’entièreté. »
L'étable de Pierre-Jean est terriblement vide. Douloureuse épreuve pour ce jeune agriculteur, son troupeau de vaches a entièrement été abbatu par les autorités sanitaires craignant une contamination sur la filière AOP.
— Jean Bexon (@jean_bexon) August 7, 2025
Reportage à venir. 📸 @jean_bexon pic.twitter.com/cYXvpHGkeh
La profession a fait bloc. Début juillet, la vallée se mobilise pour empêcher gendarmes et vétérinaires de procéder à l’euthanasie des bêtes saines. Voisins, amis et connaissances transforment le lieu en place forte. Des tours de garde et de ronde sont organisés pour ce siège qui tiendra neuf jours en totale autonomie.
📹 « 74 bêtes abattues, en une matinée ! » se scandalise Véronique, venue soutenir les éleveurs. « C’est d’une violence… Ce n’est pas l’Europe, c’est la France qui prend ces décisions. » pic.twitter.com/Y7TsBCdSBy
— Boulevard Voltaire (@BVoltaire) August 8, 2025
Pierre-Jean est convoqué à la gendarmerie pour la première fois de sa vie. Les autorités informent celui qui n’a jamais eu d’ennuis avec la Justice que l’entrave à l’action de l’État peut lui coûter six mois de prison et une amende conséquente. Le bras de fer est perdu.

Manifestation en soutien aux agriculteurs – Photo Jean Bexon
Le quatre août, la totalité du troupeau est éradiquée par les « escadrons de la mort ». C’est ainsi que la population surnomme ici, désormais, la police sanitaire des animaux. Sur place, au milieu des bottes de foin encore vertes, nous rencontrons la famille Duchêne encore sous le choc.
Pierre-Jean a appris le métier dès l’enfance avec son père Armand. Lui-même l’a appris de son propre père. « Notre famille est installée ici depuis 1860. Pour la première fois de ma vie, je n’entends plus les cloches de mes abondances au réveil », explique ce producteur de lait, qui nous confie : « Je n’arrive plus à dormir, je dois prendre des cachets. » Son visage grave suffit à rendre compte de la terrible épreuve que subit sa famille.
Son frère, l’oncle de Pierre-Jean, raconte, tout en nous montrant une photo : « Mon grand-père a fait dresser cette croix en 1906, le hasard a fait que c’est juste devant qu’ils ont tué nos vaches. » « Il y a peu de choses qui me font pleurer, mais là, ça m’a rendu très triste. » La peine n’a pas empêché ce Savoyard de nettoyer le pied de la croix au lendemain de l’abattage. « Il fallait marquer ce jour d’une pierre blanche, c’est ce que j’ai fait. Je suis venu avec une brosse, le socle de la croix est redevenu blanc comme en 1906 », conclut-il.
« Que l’État nous laisse tranquilles »
Mais les épreuves pour les Duchêne sont loin d’être finies. Le tank, l’endroit où est stocké le lait qui servait à faire des tommes de Savoie, est maintenant vide. « Je demande juste à l’État qu’il nous laisse tranquilles, je ne demandais qu’à travailler, on connaissait le nom de nos soixante-dix-sept vaches par cœur », explique Pierre-Jean. Le jeune homme a du mal à faire confiance aux administrations publiques.
« J’ai certains confrères qui ont fait la demande de RSA mais qui se la sont vu refuser parce que leur compagne avait un revenu annexe, ce sont des choses qui n’ont pas été anticipées avant les mesures d’abattage prises par l’État », témoigne l’agriculteur, qui a reçu le soutien de la Coordination rurale.
Sur son site Internet, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire assure, quant à lui : « Le propriétaire des bovins reçoit une indemnisation de l’État pour chacun des animaux concernés. »
Difficile, hélas, de prévoir tout de même si les cloches tinteront de nouveau à Cessens.

Manifestation des éleveurs en colère – Photo BV
Jean Bexon, dans BV