. À Montmartre, mieux vaut être « bonneteur » que violoniste

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#webtube : Paul Sussen joue du violon sur la place des Abbesses. Le 22 juillet, la police a saisi son violon. Facile et sans risques… Voilà vingt ans que, de midi à 13 heures, Paul Sussen joue du violon sur la place des Abbesses. Le 22 juillet, la police a saisi son violon. Plus facile que d’arrêter les joueurs de bonneteau… Il s’appelle Paul Sussen. D’origine américaine et installé à Paris depuis trente ans, il a mené une carrière de violoniste professionnel jusqu’à ce que la maladie et l’âge ne le contraignent à la retraite. Pour arrondir ses maigres fins de mois, il joue tous les jours à midi devant le square Jehan-Rictus, place des Abbesses, à Montmartre (XVIIIe). Frêle dans son pantalon de toile et sa chemise d’un blanc impeccable, l’homme a la voix douce. C’est avec un léger accent chantant qu’il raconte sa mésaventure, aujourd’hui heureusement terminée puisque l’indignation du public a payé : il vient de récupérer son violon.

Au violon, les violons !

C’était le 22 juillet. Paul Sussen venait, comme chaque jour, de sortir le violon de sa boîte et de caler la mentonnière quand trois policiers se sont avancés vers lui pour confisquer son instrument. « J’ai joué trois notes et les policiers sont arrivés de là-bas, j’avais pas encore gagné un centime et mon violon est parti », dit-il.

Contactée par Le Parisien, la préfecture de police confirme alors : « Les services de police ont procédé à une verbalisation avec un procès-verbal pour tapage et saisie de l’instrument. » Au violon, le violon ! Paul Sussen a commis un grave délit : « Il est interdit de jouer de la musique sur la voie publique à Paris sans autorisation », aussi, « afin de limiter les nuisances sonores » – on ne rit pas ! –, dit la préfecture de police. Seules quatre autorisations ont été délivrées, cette année, et le violoniste n’était pas sur la liste. Il est vrai que, dans nos rues où résonne l’incessant tapage « vocodeurisé » des rappeurs, une heure de Bach, Vivaldi ou César Franck constitue une insupportable agression pour les oreilles.

Paul Sussen est un vrai musicien, pas un gratouilleux ni un frotteur de cordes. Pendant des décennies, il a joué à travers le monde, en tournée avec divers orchestres, et puis la maladie l’a rattrapé. Son violon est plus que son compagnon : « C’est un bel instrument de 1870. C’est pas juste moi qui l’ai joué, je crois qu’il y a cinq générations de gens qui l’ont joué avant moi »confie-t-il, heureux, aujourd’hui, de l’avoir récupéré. L’indignation des commerçants du quartier a joué en sa faveur et l’instrument, confisqué en principe pour deux mois, vient de lui être rendu. « Le commissaire a été très gentil, mais il m’a bien rappelé que je ne pouvais pas jouer sans autorisation et que cette dernière était difficile à obtenir, dit-il. Il a appelé le service dédié devant moi, qui a confirmé avoir reçu ma demande d’autorisation depuis dix jours. »

Pendant ce temps, les bonneteurs et les crackeux…

Rien ne dit que le violoniste obtiendra son permis de jouer. Il confie, d’ailleurs, ses craintes : « Il y a des milliers d’instruments qui vont être saisis. Il faut punir les musiciens d’avoir joué dans la rue. » Eh oui, cher monsieur, l’État impécunieux cherche des fonds et il est plus facile de mettre la main sur votre archet que sur les « bonneteurs » qui rançonnent les touristes au bas de la Butte !

Des bonneteurs revenus en masse, après l’accalmie des Jeux olympiques, notamment rue de Steinkerque, celle qui mène du métro Anvers jusqu’à la station du funiculaire de Montmartre. C’est dire si les touristes l’empruntent… Dans cette rue de 153 mètres de long, on a compté jusqu’à six tables de bonneteau et vu des naïfs, honteusement escroqués, être poursuivis par des gros bras jusqu’au jardin Saint-Pierre parce qu’ils protestaient.

La parenthèse des Jeux olympiques refermée, les arnaqueurs ont réinvesti les hauts lieux, mais ils sont plus difficiles à chasser que le violoniste des Abbesses. À l’inverse des gangs de Roumains, cet homme-là, personne ne le craint.

Fin mai dernier, les habitants de l’arrondissement ont manifesté aux portes de la mairie, un soir de conseil municipal. Venus de la Chapelle, de Montmartre ou de la porte de Clignancourt, ils dénonçaient, pour les quartiers les plus aisés, la transformation de Paris en parc d’attractions, et pour les autres, les problèmes de propreté, les nuisances engendrées par les vendeurs à la sauvette, les consommateurs de crack et la prostitution. « La police montée vient faire des rondes deux fois par semaine, mais les autres jours, c’est l‘enfer. Des jeunes se droguent à deux pas de l’école maternelle Dorléac. Avant, le quartier de la porte Montmartre était un village ; aujourd’hui, on ne peut plus y faire venir notre famille », se lamentait une riveraine du boulevard Ney. Sur la Butte, ce sont les boulistes qui ont été chassés pour faire place à l’aménagement d’un jardin sur l’ancien terrain de pétanque. Il est — gracieusement ? — offert à l’hôtel particulier, charmant établissement 4 étoiles, « qui exploitera en contrepartie l’espace en soirée ».

Cette histoire dit tout de l’avenir de Paris, celui dessiné par nos élites écolo-socialo-macronistes : une ville soigneusement découpée entre quartiers bobos-chics pour touristes fortunés et ghettos pouilleux, ceux où s’entasseront les derniers Parisiens qui n’auront pas eu les moyens de s’enfuir et des migrants transformés en zombies par le crack.

Marie Delarue, dans BV