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#webtube : À 79 ans, le voilà qui refait la tournée des popotes, histoire d’annoncer sa prochaine tournée. Il peut arriver, en matière de notoriété, qu’une œuvre surpasse son créateur. Ainsi Murray Head est-il généralement moins connu que sa chanson emblématique : Say It Ain’t So, Joe, sortie en 1975.
Aujourd’hui, à 79 ans, le voilà qui refait la tournée des popotes, histoire d’annoncer sa prochaine tournée qui devrait se conclure par un Olympia en 2026. Ce 2 juillet, il était l’invité d’Europe 1 et ça chauffait, dans le studio, le sympathique Thomas Isle et son équipe n’attendant que ce moment béni, celui où il jouerait… Say It Ain’t So, Joe, bien sûr, en direct et accompagné de sa seule guitare.
Enfant de madame Jules Maigret…
Non content d’être un artiste attachant, humble et discret, Murray Head est également un personnage hors normes, tant acteur que chanteur. Né à Londres le 5 mars 1946, c’est un enfant de la balle. Seafield Head, son père, est un réalisateur de documentaires ; Hélène Shingler, sa mère, est actrice. L’un de ses rôles les plus marquants ? Madame Maigret, dans une série télévisée anglaise dont le héros n’est autre que le fameux commissaire créé par Georges Simenon. Les parents étant francophiles et francophones, le jeune Murray passe toute sa scolarité au lycée français Charles-de-Gaulle, l’une des institutions les plus huppées de la capitale. En 1969, la mode est au Christ hippie, travers fort bien raillé par Jean Yanne dans son décapant Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (1972). On retrouve donc Murray Head dans Jesus Christ Superstar, disque qui deviendra ensuite une comédie musicale, signée du duo Tim Rice et Andrew Lloyd Webber. Il y incarne Judas, tandis que le rôle-titre revient à Ian Gillan, le futur chanteur du groupe Deep Purple. Voilà pour la musique.
Acteur aux côtés de Brigitte Bardot…
Deux ans auparavant, il y a déjà eu sa seconde apparition au cinéma dans À cœur joie, de Serge Bourguignon. Dans cette coproduction franco-anglaise, il donne la réplique à Laurent Terzieff, Jean Rochefort et Brigitte Bardot ! Pas mal, pour ses premiers pas sur grand écran. Pour la petite histoire, les deux chansons du film sont interprétées par David Gilmour, qui n’est pas encore le guitariste de Pink Floyd.
Murray Head apparaîtra dans dix-sept films et vingt-six épisodes de séries télévisées. En 2019, on le voyait encore dans une énième adaptation de La Guerre des mondes, de H.G. Wells. Tournant indifféremment aux USA, au Royaume-Uni ou en France, c’est pourtant chez nous qu’il trouve ses rôles les plus marquants. Ainsi, dans La Mandarine (1972), d’Édouard Molinaro, où il partage la vedette avec Philippe Noiret et Annie Girardot, il est irrésistible dans le rôle d’un excentrique surnommé « Tony l’Anglais ». Notons qu’il retrouvera le même Édouard Molinaro en 1996 dans Beaumarchais, l’insolent, en compagnie de Fabrice Luchini. En 1977, il est l’un des protagonistes principaux du nanar de luxe, Madame Claude, de Just Jaeckin, le metteur en scène d’Emmanuelle. L’occasion de se frotter à rien de moins que Françoise Fabian, Klaus Kinski et Maurice Ronet. Et comme la bande originale est signée de Serge Gainsbourg, voilà qui nous ramène à son autre métier, celui de musicien.
Toujours se tenir loin des feux de la rampe…
Qu’en dire ? Qu’à chaque fois, le très discret Murray Head s’efface devant ses propres compositions, marquées au sceau de la distinction et de la grâce. Car le bougre n’a pas fait qu’écrire Say It Ain’t So, Joe, durant sa longue carrière. Il y a aussi ses splendeurs que sont Mademoiselle ou Never Even Thought.
On sent bien que tout cela a été usiné loin des feux de la rampe, avec le seul désir de bien faire et de faire du bien à ceux qui apprécient son art. Inutile de le préciser, notre homme n’est pas exactement le meilleur client de la presse people. Marié, deux enfants, un divorce : c’est Monsieur Tout-le-Monde.
Non ! Say It Ain’t So, Joe n’est pas une chanson d’amour…
Mais revenons-en plutôt à son insubmersible tube, ce fichu Say It Ain’t So, Joe, devenu pour lui sorte de sparadrap du capitaine Haddock. Quand sort l’album éponyme, c’est le disque que tous les adolescents rêvent d’avoir. Certains se saignent aux quatre veines pour se l’offrir ; d’autres iront même jusqu’à l’« emprunter » à la FNAC. Pas de noms… D’ailleurs, il y a prescription. L’artiste est alors à la fois au faîte de sa beauté et au sommet de son inspiration, sachant que dans ce 33-tours (son second), tout est bon. Cet album plus que chaleureux fera alors beaucoup pour le rapprochement des corps juvéniles. Et pourtant, à la grande déception des journalistes d’Europe 1, Murray Head déclare que Say It Ain’t So, Joe n’a rien d’une chanson d’amour, bien au contraire, s’agissant des malheurs d’un certain Joe Jackson, star du baseball des années 1920 et accusé d’avoir participé à des matchs truqués. D’où l’émoi de ses fans qui hurlaient, dans les stades : Say It Ain’t So, Joe ; soit « Dis-nous que ce n’est pas vrai, Joe ! »
Et voilà comme on ruine des mythes : l’équipe de Thomas Isle a beau lui affirmer qu’ils connaissent un bon paquet d’amis ayant été conçus sur ce titre, rien n’y fait. Et c’était peut-être Murray Head le plus embêté, manifestement désolé de décevoir ses fans. Mais contrairement à tant d’autres, il semble préférer imprimer la vérité plutôt que la légende, à rebours de la citation de L’homme qui tua Liberty Valance (1962), western dans lequel le cinéaste John Ford semblait pressentir les manipulations médiatiques à venir.
Pour conclure, rappelons que notre gentleman, féru d’histoire et de littérature, a passé de nombreuses années à étudier les relations amoureuses d’Alfred de Musset et de George Sand. Il en a même fait un scénario pour la réalisatrice Diane Kurys, qui l’adapta, en 1999, avec son fort charmant Les Enfants du siècle.
Aujourd’hui, Murray Head vit à Saucède, un hameau du Béarn, à moins de quarante kilomètres de Pau. Comme quoi il existe des Béarnais, fussent-ils d’adoption, qui paraissent un brin plus funky que… François Bayrou.
PS : Murray Head s’est signalé par quelques reprises, toujours choisies avec un goût exquis. Hormis le I’m Losing You de John Lennon, il y a surtout Dust in the Wind, du groupe Kansas. Lequel pratiquait un rock progressif à la limite de l’audible, mais prouva là qu’il était néanmoins possible de pondre un joyau, même noyé dans une fosse d’aisance jusqu’au cou.
Nicolas Gauthier, dans BV