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#webtube : Si la France a multiplié les gestes de repentance, la réciprocité mémorielle de l’Algérie fait toujours défaut. Le 5 juillet 1962 est célébré en Algérie comme un jour de fête nationale, celui de son indépendance. Après plus de sept années d’un conflit meurtrier, le jeune État arrachait sa liberté au prix d’une guerre douloureuse, conclue officiellement par un cessez-le-feu entré en vigueur le 19 mars 1962, au lendemain de la signature des accords d’Évian. Pourtant, malgré cette paix officiellement scellée, un carnage parmi les plus odieux fut commis le jour même où l’Algérie proclamait sa souveraineté. Ce jour-là, à Oran, des centaines de pieds-noirs et d’Européens furent victimes d’un crime massif et aveugle. Ce massacre, trop longtemps oublié, révèle une vérité dérangeante : l’histoire de l’Algérie indépendante a commencé dans le sang, par un crime impuni, sur fond de haine ethnique, en pleine violation d’une paix négociée.
Une situation loin d’être apaisée
Malgré les accords d’Évian signés le 18 mars 1962, suivis d’un cessez-le-feu dès le 19, la violence en effet ne cesse pas : elle s’intensifie, au contraire, dans un climat d’impunité et d’abandon. L’historien Jean-Jacques Jordi, spécialiste des disparus européens en Algérie, explique, dans un rapport relayé par la sénatrice LR Valérie Boyer en 2024, que « de 1955 jusqu’aux accords d’Évian (18 mars 1962), il y a à peu près 330 disparus civils. On pouvait s’attendre qu’après les accords d’Évian, ce chiffre baisserait. Or, entre les accords d’Évian et la date d’indépendance (5 juillet 1962), c’est-à-dire en quelques semaines, il y en a près de 600. Donc deux fois plus en 4 mois qu’en 6 ans de guerre ». Le massacre du 5 juillet s’inscrit dans cette montée des violences alimentée par un climat de vengeance et d’anarchie.
Le crime d’Oran
À Oran, ce 5 juillet, une foule de civils algériens venus des quartiers musulmans descendent dans les rues pour célébrer l’indépendance. Ils pénètrent les quartiers européens où la population se cache en raison du climat d’incertitude qui règne sur l’avenir des pieds-noirs. Vers 11 heures, des coups de feu retentissent. On entend crier : « C’est l’OAS ! » La panique se propage. En représailles contre cette prétendue attaque, des membres de l’ALN (Armée de libération nationale) et des éléments de l’ATO (Auxiliaires temporaires occasionnels, censés remplacer les policiers français) se livrent à des exactions massives. Selon le ministère des Armées, des Européens « sont capturés, lynchés, mutilés, exécutés sommairement ». Les corps sont ensuite jetés dans des fosses communes ou dans un lac proche.
À ce sujet — Massacre du 5 juillet 1962 à Oran : une honte française et algérienne
Les 18.000 soldats français du Groupement autonome d’Oran (GAOR), toujours présents mais désormais sous mandat limité, n’interviennent pas. Le général Katz, leur commandant, déclarera plus tard qu’il n’avait pas l’autorisation de rétablir l’ordre, celui-ci ayant été transféré aux autorités algériennes devenues souveraines. Cette passivité, imposée par la volonté politique de ne pas entraver le processus d’indépendance, a ainsi laissé perpétrer un massacre.
Un bilan atroce
Au lendemain de l’indépendance, Oran ressemble à un charnier à ciel ouvert. Les chiffres varient, mais les historiens s’accordent sur environ 700 civils européens tués ou disparus. Le Monde rapporte que certains corps furent retrouvés pendus à des crocs de bouchers, mutilés ou abandonnés dans des bennes à ordures, témoignant d’une brutalité barbare et d’une volonté délibérée d’humilier les victimes même dans la mort.
Pendant près de 60 ans, ce crime est resté oublié, éclipsé par les enjeux diplomatiques et mémoriels entre la France et l’Algérie. Il faudra attendre janvier 2022 pour que le Président Emmanuel Macron, dans un discours reconnaissant aussi la responsabilité de la France dans la fusillade de la rue d’Isly, évoque explicitement ce massacre « où des centaines d’Européens, essentiellement des Français, furent massacrés. Ce massacre […] doit être regardé en face et reconnu ». Par cette harangue, le président de la République exhorta alors l’Algérie à reconnaître ce crime.
Cette supplique resta lettre morte auprès du gouvernement algérien, qui n’apporta aucune réponse. Le silence continue de résonner encore aujourd’hui, en ce jour fêté en Algérie comme une victoire, mais vécu en France comme un deuil. Il rappelle cruellement que, si la France a multiplié les gestes de repentance, la réciprocité mémorielle de l’Algérie fait toujours défaut.
Eric de Mascureau, dans BV