. Face à la déferlante planétaire du rap, le rock est-il mort ?

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Articles    : Jan 2025Dec 2024Nov 2024Oct 2024 – Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100069673161887 Twitter : https://twitter.com/OrtfNews Music 24/24 : http://DJMUSIC.fr

°° WEBTUBE : Certes, depuis la naissance du rock, genre musical à prendre au sens large – le blues et le jazz en sont les parents proches –, sa mort est régulièrement annoncée. Mais aujourd’hui, les chiffres de ventes de disques de l’année 2024 paraissent sans appel, si l’on en croit ceux du Billboard américain. Ainsi, le rap écrase tout. Avec, pas loin derrière, son épigone RnB, appellation dérivée du rhythm and blues de jadis, immortalisé, entre autres, par la divine Aretha Franklin. Comme si ces nouveaux artistes, Rihanna et autres Beyoncé au premier chef, n’osaient reprendre à leur compte l’intitulé originel d’une musique qu’ils auront largement contribué à faire dégringoler des nuages célestes aux égouts.

Le rock réduit à des compilations de leur gloire d’antan ?

Aux USA, il existe néanmoins une exception culturelle, avec la country music, équivalent local de notre chanson française, dont l’un des actuels hérauts, Chris Stapleton, parvient, in extremis, à pointer à la 28e place des deux cents albums les mieux vendus outre-Atlantique. Quant au rock qui nous occupe ici, ses seuls représentants, outre le fait d’être morts ou d’avoir largement atteint l’âge de la retraite, ne tirent leur épingle du jeu que par des rééditions des albums d’autrefois ou de banales compilations. Qu’on en juge :

Fleetwood Mac avec la réédition de Rumours (1977), 34e place, tandis qu’Elton John sauve à peu près l’honneur, mais avec un florilège, Diamonds, 35e place…

Le reste ? D’autres Greatest Hits, comme dit là-bas : Creedence Clearwater Revival (40e), Queen (47e), Bob Marley (51e), Abba (112e), Lynyrd Skynyrd (146e) et Elvis Presley (166e).

Pas d’exception culturelle française !

En France, cela ne vaut guère mieux, à en juger des chiffres fournis par le SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique) ; lesquels nous disent que les seuls non-rappeurs à pointer en plus ou moins bonne place dans le classement des meilleures ventes de disques ne sont autres que Julien Doré (disque de platine), Patrick Fiori (disque d’or), deux défunts compilés, Alain Bashung et Charles Aznavour (tous les deux disques d’or). Pour le reste, les mêmes rappeurs se taillent, mieux que la part du lion, le gâteau presque tout entier – disques de diamant et de platine à l’appui. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourtant, il n’y a pas de genre musical nul en soi et le rap, il y a de ça à peu près trente ans, n’a pas donné que de mauvaises choses, les albums des Parisiens de NTM et des Marseillais d’IAM, tout comme ceux de MC Solaar ou de Doc Gynéco, en témoignent. Certes, de musique authentique, il n’y a jamais eu, les mélodies étant samplées [échantillonnées, NDLR] chez d’autres artistes, comme si la photocopieuse était devenue l’instrument ultime ; néanmoins, il pouvait y avoir là une sorte d’énergie, mais qui n’est plus guère au rendez-vous aujourd’hui. Mais il serait injuste de demander plus aux rappeurs qu’à d’autres chanteurs actuels, ayant eux aussi ramené leurs compositions à la portion congrue : plus de pont entre le couplet et le refrain ; puis, plus de refrain et de couplet, juste une phrase musicale de trois ou quatre notes. Un peu court. À croire que le niveau général se soit affaissé pour tout ce joli petit monde.

Un rap qui transcende désormais toutes les classes sociales…

Pour tout arranger, le rap, naguère musique des cités, est devenu celle de tout le monde, puisque transcendant désormais toutes les classes sociales. Il est vrai que l’industrie sait y faire : il y a les rappeurs de la France des tours, la majeure partie du troupeau, sans oublier ceux de la France périphérique, tel Orelsan. Il y a même du rap pour les lecteurs de Télérama, avec Eddy de Pretto, homosexuel revendiqué, et du rap aseptisé, histoire de ne pas faire peur aux parents : Maître Gims. Autrefois, il y avait même du rap identitaire, Basic Celtos, c’est dire ; sans oublier un Papacito qui, de ce même rap, reprend les tics vestimentaires et de langage. Bref, nous sommes cernés.

Bien sûr, le rock fait encore de la résistance. Les Rolling Stones et les survivants de notre Téléphone national parviennent encore à emplir le Stade de France. Mais ce n’est pas leur faire offense de remarquer que ces mythes vivants ne sont plus exactement les perdreaux de l’année, au même titre que leurs adorateurs, soit dit en passant. Combien de temps cela durera-t-il, nul ne le sait, mais il est à craindre que ce temps puisse nous paraître bien long. Soit celui d’attendre une éventuelle renaissance artistique. Quand on nous fait croire que Juliette Armanet est la fille spirituelle de Véronique Samson et Hoshi la réincarnation de Barbara, il est à craindre que cela ne soit pas gagné.

Nicolas Gauthier, BV