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°° WEBTUBE : Que se passe-t-il au sommet de l’État ? Le gamin s’émanciperait-il des leçons de bienséance administrées par son professeur très particulier depuis plus de trente ans ? Jean-Michel lui avait pourtant bien dit : « Le meilleur moyen de masquer tes déficiences intellectuelles est de glisser dans toute conversation, sans en avoir l’air, des mots que tes interlocuteurs seront obligés de chercher dans le dictionnaire. » Et voilà que Manu nous fait une crise tardive de rébellion adolescente. Il cause mal, comme un blouson noir affalé au comptoir d’un estaminet cosmopolite de Barbès.
Après « les minables qui foutent le bordel » en parlant des Gilets Jaunes, et le « pognon de dingue » dilapidé dans les minimas sociaux, de quoi égratigner le tabou de l’assistanat obligatoire, Fripounette nous a gratifiés d’une nouvelle série de propos discourtois. Sans doute sous le coup de l’émotion en voyant Mayotte, dévastée par le cyclone Chido. Imaginant que ce pourrait être l’Élysée si Vladimir s’énervait.
T’as le look coco, mais surveille un peu ton langage !
Sans veston, ni fixe-chaussettes, chemise col défait, manches relevées et braguette ouverte, la moumoute de guingois et la tonsure apparente, le Mickey voyageur avait tout du touriste endimanché lorsqu’il est allé porter la bonne parole à nos frères musulmans des tropiques.
Comme on lui avait soufflé qu’avec les mahométans, il faut faire montre de fermeté pour être respecté, il a improvisé un nouveau rôle. Mauvais. Forcément mauvais quand ce n’est pas Jean-Michel qui écrit les répliques. Et le fait répéter en costume devant des glaces pivotantes.
Confronté au désespoir et à la colère des Mahorais, Macronito a tenu des propos que le Front National n’aurait pas osé proférer devant les chats castrés de Marine. « Foutez-moi la paix ! Vous devriez déjà être bien contents d’être Français. Si vous n’étiez pas en France, vous seriez 10.000 fois plus dans la merde. Personne ne vous a obligés à venir ici ! Si vous n’êtes pas contents, rentrez chez vous ! ».
D’un tabou renversé à l’autre, plus provocateur que jamais, l’ado attardé s’éclate comme aux autos tamponnantes
Il ne risque rien grâce au statut constitutionnel qui le déclare, à juste titre, totalement irresponsable. Du coup, le chœur des vierges outragées s’est souvenu d’autres dérapages discursifs qui vaudraient au quidam ordinaire de sévères condamnations par une justice toujours à cheval sur le beau langage.
« Mais c’est plein de bamboulas ici !» aurait-il déclaré en exprimant sa surprise lors de la visite d’un hôpital colonial. Seul Coluche pouvait se permettre de dire : « J’aime bien le Sénégal, mais je trouve qu’il y a trop de Nègres !» Il est vain de prétendre l’imiter…Quant à l’hôtel de Matignon où il avait installé l’éphèbe Attal, il aurait éructé : « Qu’est-ce que c’est cette cage aux folles ? Virez-moi toutes ces tapettes !»
Il va sans dire, et encore mieux en le disant, que ces quelques extraits des babillages présidentiels sont donnés à titre d’exemples à ne surtout pas suivre, car nous désapprouvons cette façon vulgaire de s’exprimer.
Toutefois, il faut tenir compte du contexte et du deuxième degré. Une forme d’humour décalé où Manu fait ses classes. En prévision de sa réinsertion professionnelle quand il ne sera plus président. Il s’entraîne pour un one man show comique comme lui a conseillé son pote Dupond Maserati.
Il n’y a que des bêcheuses comme la Casse-têtes, la Sardine et la Tondelière pour faire leur miel de ses propos incongrus. Y ajoutant pour faire bon poids, comme dit Ersilia, des mots quelque peu désuets qu’elles ne connaissaient pas, comme « ripoliné» et « croquignolesque », qu’elles prennent pour des injures racistes.
Cracher impunément à la gueule des gens, est-ce un des privilèges du pouvoir ?
Des intellos consultés par des pisse-copies de « L’immonde » affirment, le bec en cul de poule, que cette façon de naviguer d’un glossaire chic à un répertoire choc, de les mélanger, de passer d’un langage conforme à celui d’un président à un parler plus familier, est un des privilèges des gens qui ont un bon niveau d’éducation, avec lequel ils peuvent se permettre de jongler. Entre distanciation et autodérision.
Du « casse-toi pauvre con » de Sarkozy aux éruptions de Donald Trump, la parole politique s’est libérée des convenances imposées par des petits bourgeois coincés, conseillés par des professeurs de bonnes manières. Il y avait une façon d’établir une distance entre le dirigeant et les dirigés quand les discours se tenaient en public. Ce verbiage est devenu obsolète avec l’impitoyable loupe des médias télévisuels et numériques qui amplifient les mimiques et la gestuelle.
Alors, autant adapter le verbe au langage non verbalisé des attitudes et des postures. Même si c’est une comédie de plus, ça permet de feindre une certaine spontanéité, voire à relever d’un zeste de fausse sincérité une logomachie qui est la loi du genre.
Dans la théâtralité, Trump est un pro, Macron un amateur
Les leçons particulières de Jean-Michel n’ont pas servi à grand chose. L’actors studio enseigne à oublier qu’on joue un rôle et à s’investir à fond dans son personnage, au point d’en effacer son propre ego. Le living theater inculque l’improvisation en fonction des réactions du public. L’un et l’autre sont consubstantiels de la culture étasunienne du show. Rien à voir avec les kermesses du lycée d’Amiens.
Trump est un grand professionnel qui excelle dans cet exercice, où Macron est un piètre béotien. Donald, tout milliardaire qu’il est, réussit à se faire passer pour un homme ordinaire dont il partage les préoccupations quotidiennes. Son parler cru sonne vrai. Et ses actions passées ont prouvé qu’il savait joindre le geste à la parole.
Tandis que Fripounette, inerte, impuissant, impassible, cultive une image surfaite de héros providentiel au destin exceptionnel, qui parfois condescend à se mettre au niveau d’un peuple qu’il méprise et dont il se fout pas mal.
La différence existentielle, de taille, tient au vécu de l’un et de l’autre. Ceux qui ont eu à se bagarrer pour s’imposer comme l’Américain, sont crédibles quand ils usent d’un langage fleuri. Quand ils vocifèrent, ils sont toujours dans l’action. Et le public le ressent instinctivement.
Par contre, ceux qui ont attendu que les alouettes rôties tombent toutes seules dans leur assiette, ont des réactions surfaites et surjouées. Celles d’un caractériel capricieux comme Fripounette qui ne sait pas se contrôler, et qui pour ne pas rester sans voix, loin des journaleux complaisants qui lui donnent la réplique, dégoise un verbiage de soudard, croyant « faire peuple». Il a dû oublier que les salades de Cresson ne lui ont pas porté chance.
La dialectique populaire est un art complet qui requiert un certain talent
Des chantres de la bien pensance, qui sont aussi des chancres des médias, s’indignent du vocabulaire populo de Fripounette. Il est vrai qu’a priori, on ne s’attend guère à entendre un mignon lustré et calamistré, enserré dans des costards sur mesure made in Savile Row, vociférer comme un charretier. Mais son verbiage n’est que l’écume d’une vague d’indifférence et d’incohérence. Un aspect secondaire de son état mental erratique qui cherche encore ses marques.
Les éternels donneurs de leçons n’ont-ils jamais appris que la rupture de langage, stylistique ou sémantique, est un élément utilisé par les orateurs et les écrivains pour relancer l’attention du lecteur ou de l’auditoire. Quintilien l’a exposé dans « L’institution oratoire », après avoir cyniquement pillé Cicéron.
Depuis, on ne compte plus ceux qui jonglent avec les mots, pour masquer les maux, alternant formules savantes et parler populaire, dans un mélange de provocations amusées et de délectation jubilatoire. Les Français n’ont pas été les derniers de la classe. De François Villon à Frédéric Dard, de La Bruyère à Louis-Ferdinand Céline, ou de Rabelais à Michel Audiard, les exemples abondent. Mais s’en inspirer n’est pas à la portée du premier venu.
Christian Navis, Riposte Laïque