. [VIVE LA FRANCE] La course en solitaire, une passion française

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°° WEBTUBE : Dans le sillage de la mémorable victoire d’Éric Tabarly, en juin 1964, à Newport (États-Unis), dans la Transat anglaise en solitaire, les navigateurs français se sont pris d’une passion pour la course au large en solitaire. C’est une des bases du succès du Vendée Globe, cette course inventée en 1989 par le navigateur Philippe Jeantot, avec le soutien actif de Philippe de Villiers, alors président du conseil général de la Vendée. À bord du bateau amiral qui donne le coup de canon du départ, ce dimanche à 13 h 02, au large de Port Olona, l’homme ne cache pas sa fierté de voir le succès de cette course devenue mythique.

Ils sont 40 skippers à avoir été sélectionnés pour s’attaquer à la « course de folie », comme la qualifie le doyen de la flotte, Jean Le Cam, 65 ans, qui part pour la sixième fois. Leurs bateaux de 18,25 m de long, dotés d’un mât de 29 m, sont très toilés, donc très puissants. Désormais, la moitié de la flotte est équipée de foils, sorte de grande spatule sur chaque bord permettant à la coque de s’élever partiellement hors de l’eau et, donc, de diminuer les frottements. Les nouveaux IMOCA font des pointes à 40 nœuds, soit 75 km/h. Un progrès technologique sur lequel, déjà, Éric Tabarly avait été un précurseur, avec son hydroptère.

Ivresse de liberté

Que ressent le skipper à la barre d’un tel engin, seul, sur les vagues d’une mer grosse, grogneuse, houleuse, puissante qui roule de cimes en creux, entraînant dans sa descente l’embarcation de 7,5 tonnes, puis la hissant de nouveau sur ces montagnes liquides qui tournent dans le grand Sud, sans obstacle, autour de la Terre ? Sentiment d’invincibilité peut-être, décharge d’adrénaline intense sûrement, ivresse de liberté à n’en pas douter. Seule la passion chevillée au corps et au cœur justifie d’aller rechercher au bout du monde ces sensations particulières. Ces 6 jeunes femmes et 34 marins qui hérissent de leurs voiles, ce dimanche, la rade au large des Sables, accompagnés par des dizaines d’embarcations de supporters, partent pour ressentir ce grand frisson. Parmi eux, vingt-cinq y retournent et, comme le dit la benjamine, Violette Dorange, 23 ans, à bord de Devenir (photo), si Jean Le Cam retourne dans les mers du Sud pour la sixième fois, « c’est bien qu’il y a une aventure incroyable à aller chercher ».

La jeune navigatrice qui, à 15 ans, traversait la Manche en Optimist (une caisse à savon de 2,36 m avec une petite voile aurique) a bénéficié de l’aide et des conseils du doyen. Lui qui a construit son Tout commence en Finistère-ArmorLux dans son hangar, entre deux Vendée, a même réservé son ancien IMOCA pour la jeune navigatrice. C’est que dans ce monde de la course au large, partage, transmission, entraide font partie de l’ADN des marins. Quand Romain Attanasio, mi-septembre, a démâté avec son Fortinet-Best Western, son concurrent Maxime Sorel lui a proposé son mât de rechange. Jean, il y a quatre ans, s’est bien sûr tout de suite dérouté pour sauver Kevin Escoffier, naufragé au sud de l’Afrique. Lui-même a été récupéré, il y a 20 ans, par Vincent Riou au sud du cap Horn.

Pour cette édition, non seulement le « roi Jean » (comme le surnomment ses pairs) a épaulé la jeune aventurière, mais il a monté son nouveau projet avec Éric Bellion. « Afin de minimiser les coûts, on a simplifié nos bateaux qui sont des sisterships, on se partage l’outillage, on échange nos expériences, on fait plus simple, plus raisonnable », explique le skipper breton, qui aimerait que cette course à l’échalote du suréquipement s’arrête. « Jusqu’où va-t-on aller ? » s’interroge-t-il, alors que les budgets vont d’un demi-million à plus de dix millions pour le vainqueur en titre Yannick Bestaven sur Maître CoQ. Pour lui, l’important, c’est l’échange avec les Terriens ; de savoir que cette course est suivie dans les EHPAD et dans les écoles le bouleverse.

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Derrière ces audacieuses personnalités, il y a toujours une belle histoire de vie guidée par la passion. Parmi elles, la plus étonnante, celle de deux couples naviguant sur quatre bateaux ! Ils laissent à quai, aux grands-parents, Ruben, 13 ans, qui doit être fataliste de voir sa mère, Sam Davies (Initiatives-Cœur) partir faire le Vendée pour la troisième fois pour les enfants souffrant de malformations cardiaques en Afrique et son père, Romain Attanasio (Fortinet – Best Western), pour la seconde fois. Quant à Mathilda, 2 ans, fille de Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence) et Tanguy Le Turquais (Lazare), sa tante Léa assurera le quotidien. Plus encore que leurs concurrents, ces quatre-là ont choisi d’incarner la maxime d’Aristote : « Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer. »

Patricia Colmant, Boulevard Voltaire

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