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Boulevard Voltaire
C’est la guerre à coups de graphiques, chiffres, tableaux pour, ici, démontrer qu’aux États-Unis, les Blancs sont plus victimes de crimes interraciaux que les Noirs, et là, pour démonter ces affirmations. C’est bien connu, on peut faire dire tout ce que l’on veut, ou à peu près tout, aux chiffres. Un tableau circule sur les réseaux sociaux, révélant que 547.948 crimes ont été commis par des Noirs sur les Blancs alors que seulement 59.778 crimes ont été commis par des Blancs sur les Noirs. En gros, un rapport de 1 à 10. Ces chiffres sont exacts. Incontestables, car tirés d’un document officiel datant de septembre 2019. Certes. Mais les Blancs représentent plus de 62,3 % de la population des États-Unis et les Noirs seulement 12 % (chiffres de 2018 du département de la Justice). Cela relativise d’emblée les choses. Beaucoup se sont bien gardés de le faire.
Ce fameux tableau, que le lecteur trouvera aisément sur Internet, porte comme indication : « Source : Bureau of Justice Statistics, National Crime Victimization Survey, 2018 (table 14) ». Ce qui lui confère ainsi une apparente légitimité. Ce graphique prend effectivement ses sources dans un document du département de la Justice américain, mais ce n’est pas un document du département de la Justice américain. Nuance ! Effectivement, ce graphique a été publié en octobre 2019 dans un article du site conservateur CR (Conservative Review). Il faut donc aller plus loin pour connaître la réalité de cette criminalité selon les races, telles qu’elles sont définies officiellement par le Bureau du recensement américain et, donc, consulter le document officiel du ministère de la Justice. Toujours essayer de remonter le plus loin possible à la source !
Alors, que dit ce document officiel (table 12, page 12) ?
En 2018, alors que les Blancs représentent 62,3 % de la population américaine, ils n’ont commis que 50,2 % des délits (offenders) et, en revanche, ont représenté 66,5 % des victimes. De leur côté, les Noirs, constituant 12 % de la population, toujours selon ces statistiques officielles, ont commis 21,7 % des délits et n’ont compté que 10,8 % parmi les victimes.
Par ailleurs, si l’on se reporte à un autre tableau de ce document officiel (tableau 14, page 13), on constate que 62,1 % des actes de violence commis sur les Blancs sont le fait de Blancs, soit un pourcentage quasi égal à celui de la représentation de la population blanche des États-Unis, et 15,3 % des actes de violence sur les Blancs le sont par des Noirs, soit un pourcentage plus important que celui de la représentation noire états-unienne. En revanche, 70,3 % des actes de violence commis sur les Noirs le sont par des Noirs, et seulement 10,6 % par des Blancs.
Dans une société tendant vers l’« homogénéité », on pourrait imaginer que la proportion de Noirs/Blancs (mais il faudrait ajouter aussi les Hispaniques et Asiatiques comptabilisés dans ces statistiques officielles) de la population américaine se retrouve, en gros, dans la proportion des actes de violences commis dans et par chaque groupe ethnique. Ce qui, on le voit, est loin d’être le cas.