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Sputnik
Des tensions interethniques alarmantes: des policiers français d’origine étrangère sont accusés d’être des «traîtres» par certains activistes. La syndicaliste Linda Kebbab a décidé de porter plainte contre le journaliste-militant Taha Bouhafs. Une première, rapidement suivie par un autre policier noir traité de «vendu.»
Le message a été supprimé, mais c’était l’insulte de trop. La policière Linda Kebbab a décidé de porter plainte contre le journaliste militant Taha Bouhafs, qui avait tweeté à son encontre «ADS: Arabe de service». La déléguée du syndicat Unité SGP avait déclaré sur France info que les morts de George Floyd et d’Adama Traoré ne pouvaient être assimilées. Réduite à ses origines, celle-ci fulmine:
«Honnêtement, c’est violent. J’ai l’habitude des insultes, mais là c’est le nom et le visage d’un influenceur», a-t-elle confié à Sputnik.
«Jamais il ne m’attaque sur le fond,» poursuit-elle: «il m’aurait traité de c***e, je n’aurais pas déposé plainte, c’est vulgaire, mais “Arabe de service”, ça a une portée raciste. En plus, ça renvoie à quelqu’un qui courbe l’échine. Je suis tout sauf ça!»
Une question d’ego? Pour notre interlocutrice, c’est bien plus que cela: alors que le débat public gagne en brutalité, Linda Kebbab dit vouloir agir avant que le pire n’advienne. Dépourvu de la moindre tempérance, fanatique, le militant serait selon elle potentiellement dangereux: «il fera pire plus tard, il pourra appeler à des lynchages», craint-elle, avant d’ajouter: «il doit comprendre qu’on ne peut pas faire ça dans un État de droit.»
Les policiers noirs accusés par les activistes «antiracistes»
Taha Bouhafs a déclaré plus tard «assumer» son tweet, ne l’ayant supprimé que pour éviter une suspension de compte de la part de Twitter. La peine encourue pour injure publique est une sanction financière de 12.000€. C’est Me Thibault de Montbrial, qui défend souvent les agents des forces de l’ordre, qui sera l’avocat de Linda Kebbab.
Une procédure qui pourrait faire des émules, alors que le policier noir qui a été violemment pris à partie par l’influenceuse Nadjélika, lors de la manifestation contre les violences policières du Comité Adama, le 2 juin à Paris, a lui aussi décidé de porter plainte. La jeune femme compte 576.000 abonnés sur Youtube.
Si la détestation des flics n’est pas neuve dans les quartiers sensibles, le climat semble pourtant de plus en plus délétère. Après trois mois de confinement, émaillés de vives tensions entre police et jeunes individus, les dérapages se succèdent. La fureur et la haine semble s’amonceler de chaque côté dans une spirale terrifiante. La chanteuse Camélia Jordana, qui n’avait pas craint d’affirmer le 23 mai à la télévision qu’«il y a des hommes et des femmes qui se font massacrer quotidiennement en France pour leur couleur de peau», a chanté lors de la manifestation: «Revolution has come! Time to pick up the gun!» (La révolution est arrivée! C’est l’heure de prendre les armes!).
Un autre policier d’origine africaine, Abdoulaye Kante, très actif sur les réseaux sociaux et régulièrement insulté par d’autres internautes d’origine étrangère du fait de son métier, a souligné l’extrême agressivité de nombreux internautes contre les policiers issus des minorités:
Un phénomène qui n’a pas étonné Sami Biasoni, coauteur de l’essai Français malgré eux, Racialistes, décolonialistes, indigénistes: ceux qui veulent déconstruire la France (Éd. L’artilleur, 2020). Selon lui, la rhétorique racialiste ne craint pas de s’attaquer aux fonctionnaires de police noirs ou arabes: «pour les racialistes ils sont “neurocolonisés” par la pensée blanche, ils ne sont plus des noirs,» a-t-il expliqué à Sputnik. Un véritable piège tendu aux modérés: «déjà dans les années 60/70 aux États-Unis, Malcolm X qualifiait Martin Luther King de “nègre de maison!”»
Une logique tribale et un glissement délétère qui inquiètent évidemment Linda Kebbab:
«On ethnoracise trop le débat, on importe une façon de faire trop américaine. On veut faire croire que les Français sont divisés en fonction de leurs ethnies. Qu’il y ait des noirs et des Arabes dans la police montre que c’est faux.»
D’origine algérienne, elle est excédée par une «assignation», qu’elle se refuse à elle-même et aux autres: «je ne suis pas une indigène, je suis française!» dit-elle tout en pointant un doigt accusateur vers le mimétisme des extrêmes:
«Les gens d’extrême droite fustigent le fait que la police française recrute des Arabes ou des noirs et des gens d’extrême gauche ont le même discours que ceux qu’ils prétendent combattre!»
Un besoin d’exemplarité?
Bien sûr, certains fonctionnaires de police n’ont pas toujours la vie facile au sein même des forces de l’ordre. Quelquefois, les policiers d’origine étrangère semblent pris entre deux feux. Arte Radio a dévoilé ce 4 juin les messages vocaux difficilement soutenables de policiers à Rouen. L’affaire remonte à décembre 2019: Alex, un policier noir, était tombé par hasard sur un fil privé de discussion WhatsApp, où ses collègues échangeaient des propos violemment racistes. Cinq mois plus tard, les policiers n’ont pas été suspendus. Noam Anouar, ancien agent des «RG» et auteur de l’essai Les Français doivent savoir (Éd. Plon, 2019), accuse la hiérarchie policière de passivité face à ces cas, malgré les déclarations selon lesquelles «le racisme n’aurait pas sa place dans la police.» Pour autant, lui aussi s’exaspère des insultes à son encontre sur les réseaux sociaux, provenant des jeunes des zones sensibles.
Linda Kebbab dénonce le militantisme anti-flics qui semble se répandre, et qui ne manquera pas d’avoir des conséquences dramatiques sur les jeunes générations, lesquelles pourraient se voir découragées de poursuivre leurs ambitions: «je pense à tous ces gamins noirs ou arabes qui voudraient entrer dans la police ou la gendarmerie,» nous souffle-t-elle. Car pour Linda Kebbab, pas de doute: «flic, c’est un métier noble.»