Naguère, lorsqu’un problème surgissait, on le traitait : plus ou moins bien, mais on lui apportait des solutions. Aujourd’hui, si un problème apparaît, le (ou la) responsable du moment a une phrase magique, chaque fois la même, qui fait disparaître le mal, sans le traiter. La thérapie est radicale et se résume à : « Il y a eu un dysfonctionnement. »
Pas plus tard qu’il y a quelques heures, ce samedi, me baignant dans une piscine municipale voisine, dans la région toulousaine, près de chez moi, je crois rêver en apercevant une baigneuse, en tenue très, très ample, faisant trempette dans le bassin des petits, tenue me permettant au passage de supposer – ce qui, dans ce lieu, n’était pas une information de première importance à communiquer à l’ensemble des baigneurs – qu’elle n’est pas athée.
Comme je demande, après d’autres baigneurs, à la direction d’intervenir, car une personne toute habillée est dans un bassin, on m’explique qu’il y a eu un dysfonctionnement dans le dispositif de sécurité qui contrôle l’accès au bassin. On tente de comprendre le dysfonctionnement. On m’apprend que c’est quand même un maillot de bain. Je fais état du problème d’hygiène de ce vêtement couvrant presque l’ensemble du corps alors que pour moi on ne tolère pas de short de bain qui serait un peu trop « flottant ». Mais le problème du moment est de comprendre le dysfonctionnement. Ou de fermer les yeux. Ou de noyer le poisson. Et à ma question naïve : « Mais avez-vous demandé à la personne concernée de sortir du bassin, car elle ne respecte pas le règlement intérieur ? », on me répond : « Euh, non… » En clair, le règlement intérieur n’est pas respecté, la laïcité non plus au passage, et la personne concernée n’est pas informée de ce règlement qu’elle semble ignorer, peut-être victime d’hallucinations causées par la chaleur lui montrant baigneurs et baigneuses tous en burkinis. Ou – plus sérieusement – en train d’effectuer un petit test sur le degré de soumission des baigneurs et de la municipalité du coin.
Du film admirable Les Choristes, j’ai, entre autres, retenu le principe d’action–réaction. Dans la piscine de ma ville, c’est action-soumission.
Et pourtant, le principe qui consiste à apporter une réponse à une question, voire une sanction proportionnée à un mauvais comportement (exclure d’un bassin avec courtoisie, pour irrespect du règlement) reste une base du vivre en harmonie avec les autres et permet d’élever, au sens noble du terme, ceux qui ont besoin de l’être à l’école ou dans les piscines municipales : personne agressive, pas en tenue, gestes déplacés, personnes qui enlèvent leur maillot de bain dans les vestiaires comme à la maison…
Eh bien, non, dans ma ville, le burkini peut tranquillement flotter à la piscine derrière le paravent de la complaisance et de la recherche du « dysfonctionnement ».